Il y a un siècle, un certain Charles Pathé, industriel et producteur de cinéma assez visionnaire, est persuadé que l’on peut distribuer des œuvres cinématographiques directement chez les particuliers. A cette époque, alors que la TV n’en est qu’au stade de la recherche et qu’un Internet est de la science-fiction, il a l’idée de produire un petit projecteur au format de pellicule, de 9,5 mm. Le « Pathé-Baby », premier projecteur grand public commercialisé en 1922, permet de visionner des films à la maison. L’année suivante, complément indispensable au projecteur, la première caméra portative équipée de bobines argentiques, elles aussi au format 9,5 mm, arrive sur le marché et commence à intégrer les foyers français. Les documents publicitaires ventent les mérites d’un engin facile d’utilisation avec « chargement en plein jour » et maniement permettant de filmer aussi facilement que de photographier. La caméra est vendue 475 francs de 1923 ce qui correspond à environ 51 390 euros de 2022…

Un lot de dix-huit cassettes métalliques noires

Jusqu’à mi-décembre, les Archives départementales du Puy-de-Dômes présentent 9,5 mm. Le cinéma amateur à 100 ans, une exposition qui retrace une formidable aventure visuelle, invitant le public à découvrir des collections de films datant des années 1920-1930 qui témoignent  « de la genèse » du cinéma amateur en Auvergne. Ainsi, parmi les pépites cinématographiques conservées, l’équipe des Archives du Puy-de-Dôme, a décidé de mettre en lumière, cinq cinéastes d’origines différentes mais tous propriétaires d’une caméra Pathé. Bassin, Piollet, Laurentin, Colas et Machabert avec leur propre regard, ont filmé pour raconter la vie l’Entre-Deux-Guerres.
L’histoire de la trouvaille de ces films mérite à elle seule d’être narrée. En 2018, les Archives du Puy-de-Dôme font l’acquisition d’un lot de dix-huit cassettes métalliques noires « Pathé-Baby » : treize pellicules de 9 mètres de long (quarante secondes d’images chacune) et cinq films 20 mètres (une minute et trente par bobine). Bien qu’anonyme, ce fonds est finalement assez bien renseigné : des mentions manuscrites inscrites sur les tranches des cassettes indiquent que la plupart des scènes ont été tournées dans le département entre avril 1930 et août 1934. Les archivistes doivent ensuite mener une enquête pour en savoir plus sur les cinéastes et leur intentions, sachant que plus de la moitié des films est consacrée aux amis, aux vacances, aux loisirs et à la famille, l’autre moitié témoignant de voyages ou d’actualité

Bassin, Piollet, Laurentin, Colas et Machabert : qui étaient-ils ?

Maurice Bassin était originaire d’Ennezat. Après des études de droit à Clermont, il occupa, durant sa carrière professionnelle des postes à responsabilité en France mais aussi à l’étranger. Passionné par la photographie et très intéressée par les techniques optiques, (il imagina même un appareil de prises de vues stéréoscopiques), il se dirigea vers le cinéma d’amateur dans les années 30, en filmant ses thèmes préférés, la famille, les amis et la vie locale.  Les Archives départementales conservent 18 films de Maurice Bassin au format 9,5 mm tournés entre 1930 et 1934.

Jean Piollet, chirurgien, fils de chirurgien amateur de photographie, avait reçu sa première caméra à l’âge de 15 ans. Il a filmé son entourage, le village de Ternant, ses vacances et ses différentes expériences de vie, comme le scoutisme durant près de 60 ans. Il délaissa le 9,5 mm pour le 8mm au début des années 50. De 1951 à 1953, il filma son village au gré des saisons. Le film Ternant, notre village est le seul film de Jean Piollet qui a fait l’objet d’un montage. Les Archives conservent 29 films 9,5 mm, tournés entre 1925 et 1948.

Amaury Laurentin, ingénieur des arts et métiers, diplômé de l’Ecole centrale a conservé, sa vie durant, une passion pour la technique et les grandes innovations du XXe siècle. De 1925 à 1991 il a tenu un « journal filmé » et réalisé un grand nombre de « films clubs » pleins de créativité, dans l’esprit des caméra-clubs des années 40/60. 27 films 9,5 mm d’Amaury Laurentin, de 1925 à 1951, sont conservés aux Archives.

Louis Colas, originaire des Combrailles était prêtre, actif auprès des Scouts d’Auvergne. Il officia à Chapdes-Beaufort, Clermont, Issoire et Chamalières et utilisa le cinéma en tant que support éducatif, le faisant connaître comme une forme d’art. A la Maison des jeunes de la Plaine dans les années 1940/50, il projetait de films burlesques lors de séances très populaires alors qu’il filma en 9,5 mm les Louveteaux (dont il était aumônier) et les Scouts d’Issoire de 1930 à 1938. Les Archives conservent 94 de ses films au format 9,5 mm, datant de 1929 à 1938. 

René Machabert qui était originaire du Velay, était membre d’une « dynastie » de photographes remontant à 1880. Il avait ouvert un magasin à Clermont en 1939 et acquis une belle renommée grâce à sa technique du portrait et à sa maîtrise de l’éclairage. Il fournissait du matériel aux photographes et cinéastes amateurs tout en étant  membre actif des « Amateurs Photographes et Cinéastes d’Auvergne ». En tant que cinéaste il pratiqua le reportage au fil de l’actualité. Dans les années 1950 il œuvre  comme réalisateur et projectionniste des actualités régionales « Ciné-Liberté », réalisés pour le journal La Liberté. Les archives conservent 28 films qu’il a réalisé entre 1928 et 1948 au format 9,5 mm.

9,5 mm. Le cinéma amateur a 100 ans. Archives départementales du Puy-de-Dôme, 75 rue de Neyrat, 63100 Clermont
(tram, ligne A, station Collège Albert-Camus).
Entrée libre les mercredi, jeudi et premier dimanche du mois de 13h00 à 17h30.
Ateliers jeune public jeudi 27 octobre et 3 novembre à 14h30 dans le cadre des Jeudis des Archives.
Contact, renseignements, inscriptions : 04 73 23 45 80 / archives@puy-de-dome.fr

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