Olivier Perrot : On vous connait comme musicien… réalisateur est votre nouveau métier ?
François Breugnot : En fait, la photographie est le premier métier que j’ai exercé il y a longtemps. Je suis ensuite devenu musicien et quand on est musicien, il faut créer du contenu vidéo pour exister sur Internet. En faisant des vidéo j’ai retrouvé le goût pour les images. Mais faire des vidéos de musique c’est assez simple alors j’ai décidé suivre une formation pour aller plus loin au CIFAP de Montreuil. Une encadrante documentariste a réussi à nous inoculer le virus du documentaire. Je suis sorti de la formation avec l’envie de raconter des histoires avec de l’image et de l’humain.
O.P : Et comment est venue l’idée de cette immersion dans le MARQ ?
F.B : L’idée du film sur le MARQ est arrivée assez vite parce que c’est un endroit qui m’est attachant intimement. Il résume un programme historique de la culture des beaux-arts du Moyen Âge au XXe siècle, comme un fil tendu dans le temps. Et puis c’est aussi un objet d’urbanisme très intéressant car à un moment donné, il marque le coup d’envoi du désir d’une ville ou du moins de ses édiles pour un bon en avant. Clermont est une ville qui a un double visage, aujourd’hui très visible mais qui l’était moins il y a 30 ou 40 ans, une ville marquée par l’industrie, comme Turin avec la FIAT et ses longues murailles grises.
Le MARQ, un objet architectural fascinant
Olivier Perrot : Réaliser un documentaire sur ce musée veut dire qu’il vous inspire ?
François Breugnot : C’est une séduction assez brutale pour le MARQ qui a opéré depuis pas mal d’années. Je l’ai visité à plusieurs reprises et à chaque fois j’ai ressenti quelque-chose qui se rapproche de la grâce parce que la lumière est omniprésente, mouvante et puis l’objet architectural m’a fasciné. Je n’ai pas d’appétence spéciale avec cette discipline mais c’est un lieu où les forces en présences, l’équilibre, les masses, l’air la lumière font que je m’y sens toujours bien.
O. P : Qu’aviez vous en tête avant de tourner ?
F.B : Le décor mental pour ce film était la séduction du lieu où l’on parle de la continuité de l’art. Les thèmes qui sont apparus derrière le sujet étaient le temps et le regard. Comment les gens de l’époque de Donato Creti par exemple percevaient ces œuvres là… certainement pas avec nos yeux et pas sans culture non plus. Pour moi c’est un abîme de perplexité.
O.P : Dans votre film, Claude Gaillard l’un des deux architectes de la requalification du lieu, témoigne. Vous a-t-il expliqué comment ils avaient abordé le projet ?
F.B : Claude Gaillard m’a expliqué que ce qui avait été déterminant dans le choix du projet présenté avec Adrien Fainsilber* était l’idée d’une requalification qui permettait de recréer une porte d’entrée vers le centre de Montferrand et redonnait du sens à l’encadrement ancien de Montferrand, rouvrant la perspective vers la place Marcel Sambat. Mais ce que je trouve absolument génial c’est l’utilisation des bâtiments et le rejet des circulations dans la cour coiffée d’une verrière. Techniquement c’est une prouesse.
O.P : Comment Claude Gaillard voit-il le musée aujourd’hui, 30 ans après sa construction ?
F.B : Je l’ai vu deux fois deux heures. Ce n’est pas quelqu’un qui livre ses sentiments. Je l’ai titillé un peu pour essayer de savoir ce qu’il avait éprouvé le jour de la livraison. Il était très content du résultat en terme esthétique et fonctionnel. Mais ça le remue encore aujourd’hui quand il revient sur place. Cela a été une très grande aventure, ambitieuse, qui touchait au domaine des arts et c’est quelqu’un de formé à l’ancienne école, qui a appris l’architecture en dessinant. Et puis, il faut dire qu’il n’a pas travaillé ensuite sur un autre projet de cette envergure car il a fait le choix de rester dans la région.
O.P : Vous avez découvert des choses sur l’histoire du MARQ ?
F. B : Oui, par exemple j’ai appris qu’au moment de la fin des travaux, la donation Combe s’est concrétisée administrativement. Roger Quilliot a repris le dossier et a demandé expressément que l’on creuse un peu plus pour accueillir une collection supplémentaire. Claude Gaillard m’a également expliqué que le projet initial comportait des cheminées en forme d’oreilles de lapin qui ont été refusées.
Un travail d’auteur non rémunéré
Olivier Perrot : Ce film n’est pas une commande mais un travail personnel. Les portes se sont ouvertes facilement ?
François Breugnot : Oui, pas très rapidement mais simplement. Je ne connaissait personne dans ce milieu là. J’ai présenté un dossier à Nathalie Roux, la directrice de l’époque et j’ai eu l’autorisation par voie hiérarchique. Je n’ai pas eu le droit de filmer dans les réserves mais ce n’est pas ce qui m’intéressait spécialement. J’ai pu filmer la vie du musée sans problème. En fait c’était comme dans la rue. Une fois le trépied planté, au bout d’un quart d’heure on devient invisible et on filme simplement.
O.P : Quel est l’avenir de ce film sur le MARQ ?
F. B : C’est un travail d’auteur non rémunéré donc je n’en tirerai aucun profit, sauf si une chaîne de TV voulait acheter une diffusion… pourquoi pas. J’ai dit à la Métropole qu’elle pouvait en faire ce qu’elle voulait et je l’ai mis sur YouTube et Viméo pour que tout le monde puisse en profiter et comprendre ce lieu dans lequel il n’y a pas de proposition d’itinéraire. On y fait ce que l’on veut… commencer par la collection Combe et remonter jusqu’au vierges médiévales. Je l’ai fait dans plein de sens et cela ne m’a jamais gêné de passer d’une chose à l’autre.
Le documentaire Les marques du temps, un musée dans la ville de François Breugnot est également diffusé en libre accès et dans son intégralité sur 7 Jours TV
*Adrien Fainsilber, 1932-2023, est notamment l’architecte de la Cité des sciences et de l’industrie, de la Géode et du Musée d’art moderne et contemporain de Strasbourg
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