
Fernand, c’était un imper à la démesure de ses gestes, un chapeau mou à la mesure de sa calvitie, un visage en caoutchouc de chez Bib, un accent usiné dans les cités Michelin de son enfance et une habileté diabolique pour les tours de cartes.
28 septembre 1973, Le Cheix-sur-Morge – Une légère courbe, une Rolls en folie, une malencontreuse bétaillère, la mort… Presque 45 ans ont filé et Fernand c’est toujours le Français moyen un peu franchouillard, passablement philosophe et Clermontois dans l’âme : « Lorsque, venant de Paris, après Aigueperse, j’aperçois le puy de Dôme et que, passant par Riom, je vois “Clermont-Ferrand 14 km”, je suis ému comme un amant qui va retrouver une femme aimée ! »
Années 1940 – Après plusieurs « numéros » sans rappels à l’école des beaux-arts, au conservatoire, à l’INSEE, sur les pistes d’Aulnat (comme terrassier) et à la section artistique de l’ASM, où il fait beaucoup rire dans le rôle pourtant tragique d’un hallebardier[1], l’indomptable Fernand, né le 19 mai 1926 au n° 1 de l’allée de Beaulieu, dans le quartier de l’Oradou, « monte » en vélo à Paris ! C’est un gamin tenaillé par le désir de faire l’artiste et par la faim que papa Auguste, contremaître à l’« Usine », rapatrie vite à Clermont.
Ça eut payé…
Dès 1945, le garnement se remet en selle pour rallier… Paname ! Bien loin du haut de l’affiche, il se retrouve représentant en outillage auto, commis chez un fourreur puis, un échantillon d’histoires drôles en bandoulière, embauché à La Boule noire, une boîte miteuse de Pigalle qui le paie 250 francs[2] tous les trois jours. L’accompagnateur de ses prestations, essentiellement de mime, est un certain Louis de Funès. Le déclic se produit à Biarritz où Jean Nohain décide de pallier l’indisposition passagère de Marcel Amont par les pitreries de Fernand qui joue dans un café de la station. Un triomphe inespéré. Une amitié tenace. Nohain l’accueille dans ses émissions (Reine d’un jour ou Trente-six chandelles) et sera son témoin lors de son mariage, en janvier 1955, avec la comédienne et chanteuse Renée Caron.

Si certaines formules de Fernand sont, suprême honneur pour un artiste populaire, entrées dans le domaine public du langage familier (Y’a comme un défaut, J’m’excuse de vous d’mander pardon, Ça a eu payé, Bourreau d’enfant, Le 22 à Asnières, C’est étudié pour, C’est l’plombier, Tonton, pourquoi tu tousses ? » J’aime pas les étrangers ! « …), sa vraie personnalité s’est calfeutrée dans le domaine privé. Le 30 septembre 1973 à la une de La Montagne, Jean-Jacques Simonet[3] écrivait sur son ami : « Il avait une sorte de pudeur qui l’empêchait d’être ce qu’il était vraiment : foncièrement bon, serviable, chic type […]. Mais que de travail – ce compagnon peu sympathique de la chance – entre le porte-plume en bois et la Rolls-Royce blanche !… »
1 : À l’origine du sketch Tiens, v’là l’hallebardier !
2 : Environ 8,5 € de 2016.
3 : Que Fernand appelait « mon trèfle à quatre feuille » depuis qu’il lui avait consacré, dans La Liberté, le premier « papier » de sa carrière.
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