« Pour moi, tu es toujours un journaliste » me confiait récemment un ami comme je lui apprenais que j’avais déposé mes oripeaux professionnels et laissé derrière moi toute fonction sociale. Il avait sans doute un peu de mal à m’imaginer sans le stylo et les carnets qui m’ont accompagné fidèlement pendant près de quatre décennies. « J’ai tourné la page sans le moindre regret » lui ai-je répondu un peu effrontément comme pour chasser ses propres doutes ou peut-être écarter les miens.
La réalité, évidemment, est plus complexe, plus nuancée que ne le supposerait cette réplique à la va-vite. On ne tourne pas le dos au passé sans en conserver quelques traces, on ne tire pas un trait sur ses habitudes comme on referme un livre. Ce serait trop simple, évidemment.
Au-delà du virage
Cesser ses activités du jour au lendemain représente d’une certaine façon l’ultime aventure de l’existence. Un grand virage qui n’est pas sans danger surtout si vous le négociez sans avoir la moindre idée d’où il vous conduit. Vers le vide, peut-être, ou bien, dans le meilleur des cas, vers une forme de sérénité propre à l’absence d’obligations, de contraintes et de responsabilités. D’une certaine façon, la retraite ramène l’individu vers l’essentiel. Mais l’essentiel n’est pas toujours facile à affronter, ni même à accepter.
Tri sélectif
Cette séquence tardive de l’existence, dont on ignore la durée, induit un nouveau rapport distancié avec la société et suscite un nouvelle relation au temps. Les week-ends, les vacances ont une toute autre signification, le réveil ne sonne qu’en de rares occasions. Elle en apprend aussi sur la nature humaine. Ceux qui auraient entretenu quelques illusions en seraient pour leurs frais. Les poignées de main se font plus rares, les coups de fil ne sont plus légion. Certains qui, hier, vous courtisaient semblent ne plus vous reconnaitre ; d’autres qui vous souriaient abondamment vous tournent le dos. Ils n’ont plus la moindre raison de vous solliciter, vous n’êtes plus qu’un individu ordinaire et il y en a tant dans la rue. Le tri s’opère de façon sélective, dès lors, il ne reste que les vrais amis d’autant plus précieux qu’ils sont rares, d’autant plus appréciables qu’ils se révèlent désintéressés.
La retraite ne représente pas un accomplissement. Tout juste l’aboutissement logique d’années d’efforts, quelque chose comme le repos du guerrier dont on sait qu’il sera sans retour. La vie, en effet, est un itinéraire à sens unique..
Bonsoir
Continuez. Le vrai journalisme a besoin de vous.
Bon répit toutefois
Pourtant occasionnellement, je vous vois au coin de rues, et je me dis « Je le salue ou non ?… »
Et puis je me dis que la vie d’un homme public peut-être bien pénible, et que maintenant que vous êtes en retraite, vous devez aspirer à un peu de tranquillité.
Mais cela ne doit pas dire ‘être oublié’. Du coup, pardonnez-moi si je vous accoste la prochaine fois ; vous saurez qui je suis en espérant que cela vous donne un peu de baume au coeur.
On espère vous lire encore pour longtemps Marc !
Pour ma part, je ne t’oublie pas, Comme tous retraités, j’ai beaucoup à faire, mais je compte bien te revoir.
Je sais que tu vas trouver ton rythme, le problème, contrairement au cancer, c’est que 100% des retraités meurent.
Alors profitons, nous n’avons plus rien à craindre…
Mon cher Marc,
Tu verras, il ne reste que ceux avec qui tu as créé un vrai lien. On s’y fait très bien. Cela oblige à se voir tel que l’on est, Sans image sociale. Nu. Il ne reste que ses centres d’intérêts personnels, quelques vrais amis et tout ce que nous pouvons découvrir sur nous même. Au bout du compte, l’essentiel. C’est chouette aussi.