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David M. Dufort durant la Traviata à Albi./ Photo DR
David M. Dufort durant la Traviata à Albi./ Photo DR
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Dans les coulisses de Clermont Auvergne Opéra #2 : le surtitrage

Au sein de Clermont Auvergne Opéra, David M. Dufort est l'homme qui joue avec les mots. Il est non seulement chargé de la communication de la saison, mais travaille aussi sur une partie artistique méconnue, le surtitrage. Le procédé permet au public, de mieux comprendre les histoires racontées sur scène par les comédiens et les chanteurs.

Le surtitrage est un procédé technique mis en œuvre pour aider à la compréhension des pièces de théâtre ou des opéras. Le mot « surtitrage » s’est imposé dans le spectacle vivant car, généralement, les phrases apparaissent au dessus de la scène alors que le mot « sous-titrage » est employé pour le cinéma et la télévision, le texte étant positionné au bas de l’écran.

Arrivé à l’époque du centre Lyrique d’Auvergne

David M. Dufort a intégré Clermont Auvergne Opéra en 2007, (à l’époque, il s’appelait encore Centre Lyrique d’Auvergne) pour s’occuper de la communication. Trois ans plus tard, Pierre Thirion-Vallet, lui a proposé d’élargir ses compétences, en prenant en charge une partie surtitrage jusqu’alors inexistante. L’idée du directeur était d’aider le public à comprendre les histoires et en même temps favoriser la venue de nouveaux spectateurs. Sans savoir ce qu’était réellement le surtitrage côté production, David a accepté la mission et à appris « sur le tas », ce qui d’ailleurs, n’est pas la moins bonne des formations.

Le choix de la technique

Plusieurs techniques sont possibles. CAO* à débuté avec un surtitreur à LED rouges qui ne donnait pas satisfaction « Par exemple, il n’y avait pas de C cédille et pourtant des déçus, il y en a plein les opéras » raconte David avec humour. La technique vidéoprojecteur a également été utilisée mais le positionnement du texte sur la partie haute de l’écran empêchait les spectateurs assis sous le balcon de l’Opéra de Clermont, de voir le texte. La solution a été trouvée avec un système de trois grandes TV reliées à un ordinateur, une au dessus de la scène, les deux autres sur les côtés.
Dans des grands opéras modernes, les spectateurs bénéficient d’écrans individuels comme dans un avion. Ils peuvent choisir la langue qu’ils veulent ou éteindre l’écran s’il n’ont pas besoin d’accompagnement. Des entreprises travaillent également sur les lunettes sur lesquelles défileront les surtitres. Que de chemin parcouru depuis le XIXe siècle, époque où l’on traduisait le texte des œuvres en fonction du pays où elles étaient jouées. Si fut une époque, le public connaissait les œuvres et maîtrisait les langues, aujourd’hui présenter un opéra sans surtitrage est quasi inconcevable.

Tout débute avec le livret

« Il n’y a pas besoin d’être artiste pour être surtitreur, mais il faut savoir aller à l’essentiel » explique David. « C’est préférable de savoir lire une partition mais comme on travaille sur la partie chant on arrive à suivre sans trop de problème. Le travail commence avec le livret de l’opéra dans une langue étrangère, italien, allemand, russe, perse et même basque… Je ne maîtrise pas toutes ces langues mais comme les œuvres sont celles du répertoire, il existe déjà des traductions, mot à mot, assez fiables.
J’utilise aussi des DVD. Ensuite je fais ma propre traduction en opérant des choix car on ne peut pas mettre l’ensemble du texte, le public n’aurait pas le temps de tout lire. On fait donc un travail d’adaptation pour aller à l’essentiel et gagner en fluidité. Mais il faut également travailler avec le metteur en scène pour adapter le texte à sa mise en scène. Comme lui même adapte l’œuvre, il faut qu’il y ait cohérence. « Par exemple, j’ai travaillé sur La Bohème de Puccini. Dans le texte est écrit « elle a un joli chapeau » mais dans la mise en scène elle avait une casquette. Evidemment cela dénature le texte, mais l’idée est que le public ne perçoive pas de différence entre ce qu’il lit et ce qu’il voit. Récemment nous avons décidé de surtitrer les textes des œuvres chantées en français. Dans ce cas on ne peut pas couper le texte et se pose le problème du découpage et du rythme de ce qui apparaît. Il faut simplifier et bidouiller pour trouver le bon tempo afin que le public puisse lire et comprendre tout en regardant aussi les comédiens et chanteurs.

Le temps du fichier

« Une fois l’adaptation terminée, on découpe le texte en « carton » en essayant de limiter à deux lignes de texte, sans couper les phrases n’importe comment et en faisant quelque chose d’esthétiquement assez joli. Le but est que le surtitrage ne se remarque pas. C’est d’ailleurs pour cela que personne n’en parle.  On a régulièrement des commentaires sur la mise en scène ou les décors, jamais sur le surtitrage, sauf si il y a un problème… c’est assez frustrant. Je travaille souvent avec des enregistrements, parfois avec des captations, mais quand le spectacle arrive à Clermont, il faut retravailler le fichier parce que le spectacle est vivant. Sur une tournée de La Traviata de 30 dates, j’ai du modifier le fichier 30 fois… ». Un opéra comme Les Noces de Figaro représente 1 400 diapos qu’il faut envoyer, en appuyant 1 400 fois sur la touche Enter de l’ordinateur durant le spectacle. Ce travail de préparation peut durer de nombreuses semaines.

Partition annoté de La Traviata / Photo D. M. Dufort
Partition annoté de La Traviata / Photo D. M. Dufort

Quand tout est ok, il se met sur le premier « noir »

Une fois le fichier prêt sur le logiciel Powerpoint, le surtitreur doit assister aux répétitions et à la générale pour caler l’ensemble et pour s’assurer que le chef n’a pas fait de nouvelles coupes en oubliant de le signaler. « Cela m’est déjà arrivé de me retrouver avec du texte qui ne correspondait plus. Lors de La Flûte enchantée, par exemple, au moment du Chœur des prêtres, j’attendais qu’ils commencent à chanter et… il ne chantaient pas alors que la musique défilait sur la partition. Je n’avais jamais vu ce spectacle puisque c’était une invitation de CAO. Je suis donc parti à l’aveugle alors que metteur en scène avait décidé de couper le chœur sans me prévenir. Dans ce cas, il faut déconnecter le système et tout recaler ». Le soir du spectacle, David arrive deux heures à l’avance pour connecter le matériel et le vérifier. Quand tout est ok,  il se met sur le premier « noir » et attend le début de la représentation. Comme à chaque fois le rythme varie, il n’est pas possible d’utiliser la fonction « défilé automatique ». Conscient que son travail contribue à la qualité artistique, le surtitreur doit rester concentré durant toute la représentation, deux à trois heures parfois, et suivre tout ce qui se passe sur scène, car il n’a pas droit à l’erreur.

*Clermont Auvergne Opéra

 

À propos de l'auteur

Olivier Perrot

Pionnier de la Radio Libre en 1981, Olivier Perrot a été animateur et journaliste notamment sur le réseau Europe 2 avant de devenir responsable communication et événements à la Fnac. Président de Kanti sas, spécialisée dans la communication culturelle, il a décidé de se réinvestir dans l'univers des médias en participant à la création de 7jours à Clermont.

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