Accueil » Culture » 25 ans de singeries ! Histoire de la Baie #2
Baie des Singes archives / Photo DR
Archives de la Baie des Singes : Philippe Mougel en bas à droite, Chraz avec la moustache / Photo DR
Culture

25 ans de singeries ! Histoire de la Baie #2

Ce weekend, La Baie des Singes à Cournon fête ses 25 ans. Pour évoquer l'histoire de cette salle de spectacle pour le moins atypique, nous avons interrogé Philippe Mougel, il en connait tous les secrets.

Ce weekend, La Baie des Singes, à Cournon, fête ses 25 ans. Pour évoquer l’histoire de cette salle de spectacle pour le moins atypique, nous avons interrogé Philippe Mougel qui y a travaillé de 1997 à 2015 dont plus de 12 ans en tant que directeur-programmateur et homme à tout faire. Après la génèse #1 parlons spectacle #2 :
(Pour retrouver la première partie de l’interview cliquez ici)

7 Jours à Clermont : Comment s’opéraient les choix qui composaient la programmation ?
Philippe Mougel : On avait donc nos carnets d’adresse mais on prospectait à droite, à gauche. On allait voir des artistes, des festivals… cela a ressemblé  vraiment à  une mécanique qui se lançait. Une fois que des artistes ont vu que d’autres artistes étaient passés à Cournon,  ils se disaient moi aussi, je peux y aller.

7JàC : Compte tenu des moyens vous étiez obligés de faire des choix par défaut ?
P.M : Ah non… on fouinait et quand on estimait qu’un spectacle était intéressant, on essayait de le programmer. Aujourd’hui les programmateurs sont beaucoup de le web, à regarder le nombre de like et des vues, mais à l’époque il n’y avait pas cela. Donc on allait voir ce qui se passait dans d’autres cafés-théâtres notamment à Lyon, où il y en avait une quinzaine de lieux de ce type.

7JàC : En dehors de vos déplacements, les artistes ou leurs chargés de diffusion vous contactaient ?
P.M : On recevait beaucoup  de propositions par la poste. Tous les matins, on ouvrait la boîte à lettres dans laquelle on trouvait des CD, des dossiers de presse avec des photos, des K7 vidéo. On regardait et on épluchait tout cela. Je me souviens très bien le jour où on a reçu le premier album de Bénabard dans la boîte, il s’appelait « La Petite Monnaie ». On ne savait pas qui il était, alors on a mis le CD dans le tiroir de la machine à musique et 25 secondes plus tard on a décidé de le programmer parce que ça sonnait et ça swinguait. A l’oreille cela nous paraissait bien…voilà comment cela se passait. Florence Foresti a débarqué un jour de Lyon avec son trio de filles qui s’appelait Les Taupes Models. Comme c’était bien, on les a reprogrammées deux ou trois fois et après elle est venue seule, comme les deux autres filles d’ailleurs. Les Bodins c’est Chraz qui les avait repérés dans un festival, Les Wriggles qui sont passés à la Baie plus de 40 fois, c’est aussi une découverte de Chraz dans des festivals. Donc voilà, on faisait beaucoup de repérage.

7JàC : Justement le repérage c’est le travail des petites salles ?
P.M : Pas que les petites, les grandes salles aussi mais elles en font moins…hélas. Mais pour les petites, c’est leur travail et c’est tout à leur honneur. La raison d’être de ces lieux est de repérer des nouveaux artistes et dans tous les domaines, café-théâtre, jazz, chanson… musique expérimentale. C’est un vrai bonheur de dénicher quelqu’un. Quand en plus, ça marche et que le public adhère c’est absolument fabuleux, même si cela ne marche pas à tous les coups. Je rappelle que Bénabard, la première fois, a réuni 23 spectateurs, 12 payants, 8 invités, Chraz, son fils et moi. Donc des fois, ça ne marche pas. Par contre les Wriggles ont fait le plein à chaque fois dès le début.

7JàC : Mais vous avez aussi programmé des artistes plus réputés comme Juliette
P.M : Quand elle est venue, elle n’était pas encore très connue, mais Chraz a osé la faire passer non pas à la Baie mais à l’opéra municipal. Je me suis dit que ce mec était vraiment fou. Mais on a rempli. Cela veut dire que de temps en temps il y a des rencontres entre les programmateurs, les artistes et le public et ça c’est fantastique. Cela ne marche pas tout le temps mais il faut le tenter.

7JàC : Pourquoi certains artistes sont passés un grand nombre de fois ?
P.M : On avait nos piliers : Les Bodin’s, Les Wriggles, Bénureau, Graemme Allwright, Alévêque… qui étaient pour nous des gros spectacles, ceux qui permettent de gagner de l’argent. C’est avec eux que l’on pouvait financer ceux, plus petits, qui n’en gagnaient pas et même en perdaient. Il fallait donc fonctionner avec le partage de billetterie, la coréalisation, qui est d’ailleurs encore d’actualité aujourd’hui à la Baie. Mais il y a aussi des artistes qui passaient souvent tout simplement parce qu’ils représentaient exactement ce que l’on voulait faire. Je pense à Bénureau qu’on a adoré et que l’équipe actuelle adore encore. Malheureusement il y a avait aussi des artistes qui nous plaisaient mais qui ne remplissaient pas…on ne pouvait donc pas les programmer car il fallait que l’on s’impose des limites.

7JàC : Cela fait 10 ans que vous avez quitté la direction de la Baie des Singes, vous estimez que l’équipe actuelle a gardé ce qui faisait le sel des origines ?
P.M : Oui franchement, il y a continuité. Claire, avec son équipe, continue à programmer beaucoup de spectacles d’humour, toujours avec le volet « découvertes », tout en donnant la parole à de grands anciens comme Topick, Albert Meslay, Alévêque, des gens qui tournent depuis 25 ans, voir beaucoup plus. La Baie est même revenue à de la programmation musique improvisée, expérimentale, jazz que j’avais mis en place dans les années 2 000 et que j’avais progressivement délaissée parce que les nouvelles salles s’étaient mises à programmer ces styles. Aujourd’hui le rapprochement Auvergne et Rhône-Alpes permet de faire plus de choses via des structures comme Jazzra.

7JàC :  La Baie des Singes change, mais pas les spectateurs ?
P.M : C’est un peu ça. Il y a des gens qui venaient déjà il y a 25 ans et qui continuent à y venir. Parfois je vais voir des spectacles et je retrouve des spectateurs de la première heure. L’autre jour j’ai vu un monsieur qui avait les programmes sur 24 ans… il ne lui manquaient que le premier et venait voir si on pouvait lui fournir. Le tout premier programme de 97 est devenu un objet collector difficile à trouver. Mais si ce monsieur avait tout, c’est qu’il est venu souvent. Il y a donc des petits signes qui prouvent la fidélité. En préparant le 25e anniversaire, on a regardé des photos et on a retrouvé plein de gens qui viennent encore aujourd’hui.

7JàC :  Vous ressentez un peu de fierté au regard des années passées dans cette salle ?
P.M : Moi oui, mais aussi l’ensemble des différentes équipes. La Baie a ouvert la voie de la programmation humour ce qui ne se faisant pas beaucoup à l’époque parce que cela ne devait pas trop intéresser le milieu, et puis il y avait aussi moins d’humoristes. Beaucoup d’artistes passés à Cournon ont été invités dans d’autres salles. Et il y aussi ceux qui passent aujourd’hui au Zénith. Ferrari, Ngijol, Eboué et je n’en parle même pas des Bodin’s. Benabard à la Baie en 98, Coopé en 2001, Zénith en 2003… que dire de plus ? Donc la Baie a joué un rôle et continue d’ailleurs à le jouer. Il y a sans doute des artistes qui rassemblent 100 personnes aujourd’hui et qui rempliront le Zénith dans l’avenir.

La Bande à Chraz / Photo DR
La Bande à Chraz / Photo DR

La Baie des Singes,
6 avenue de la république, 63 800 Cournon

 

À propos de l'auteur

Olivier Perrot

Pionnier de la Radio Libre en 1981, Olivier Perrot a été animateur et journaliste notamment sur le réseau Europe 2 avant de devenir responsable communication et événements à la Fnac. Président de Kanti sas, spécialisée dans la communication culturelle, il a décidé de se réinvestir dans l'univers des médias en participant à la création de 7jours à Clermont.

Commenter

Cliquez ici pour commenter

Sponsorisé

Les infos dans votre boite

Sponsorisé