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Photo Valentin Uta.
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Arrêtez le massacre !

Pour tout vous dire je m’apprêtais, en ce début d’année, à évoquer les choses de la vie du foot clermontois. Mais l’actualité médicale du rugby ‘’Jaune et Bleu’’ me pousse finalement à prolonger l’une des réflexions entamées en décembre concernant les dérives de l’Ovalie.

A la mi-parcours de cette saison 2017-2018, l’ASM-Clermont ne compte pas ses records en nombre de points ou d’essais marqués mais au nombre de ses ‘’accidentés du travail’’. Trois avants plus treize joueurs des lignes arrière, dont la quasi-totalité des internationaux, étaient sur le flanc à l’heure d’entrer dans la nouvelle année…incroyable mais vrai.

La faute à quoi… la faute à qui?

Bien naturellement, le supporter s’interroge sur les causes de cette nouvelle malédiction. Serait-ce la faute du gazon ‘’technologique’’ du stade Michelin, celle des préparateurs physiques, celle du staff médical ? Autant d’hypothèses écartées d’emblée par le professeur Jean Chazal, responsable de la commission médicale du club :

« Le gazon est hors de cause…tout comme la préparation physique ! En fait, beaucoup de joueurs sont hyper sollicités. Les intersaisons, beaucoup trop courtes, ne laissent pas de temps aux organismes de se régénérer, la faute à un calendrier irresponsable ».

Un diagnostic confirmé par le manager Franck Azéma lorsqu’il répète « qu’il aurait changé depuis longtemps le Top14 s’il possédait le pouvoir de le faire ». Mais on sait bien que le pouvoir n’appartient pas aux hommes de terrain.

Sans compter que l’hécatombe qui a touché les internationaux (et pas seulement les Clermontois) au fil de l’automne n’est sans doute pas étrangère à la douteuse initiative de la FFR qui leur a imposé de suivre une préparation physique ‘’spéciale XV de France’’ en parallèle au travail effectué en club. Un bide dont on a vu le résultat durant les tests-matchs de novembre.

La violence des Golgoths

Le trop-plein de compétition est une chose, la violence qui s’est installée dans le rugby en est une autre.

Le neurochirurgien, doyen de la fac de médecine de Clermont, ne cache pas son inquiétude. Désigné expert national auprès de la Fédération et de la Ligue Nationale de Rugby dans le dossier brûlant des commotions cérébrales, Jean Chazal constate les dégâts : « 102 commotions ont été constatées la saison dernière en Top14, le chiffre a doublé en quatre ans ». Mais la commotion cérébrale n’est pas le seul accident grave possible : « Je vois des placages destructeurs, à retardement, par derrière, sur un joueur relâché. L’aorte peut se désintégrer sur un tel choc ! ». Alors, que faire ? « Adapter rapidement les règles et sensibiliser les arbitres ! »

Lorsqu’on observe l’infirmerie montferrandaise en faisant remarquer à Jean Chazal que la plupart des blessures ne semblent pourtant pas relever directement de cette violence, sa réponse est sans équivoque :

« Le poids moyen des joueurs a augmenté de 10 kilos en 10 ans. Alors qu’un pack de 900 kilos était exceptionnel, certains approchent actuellement de la tonne ! Pourquoi ne pas fixer une limite ? La philosophie de jeu de l’ASM fait que son effectif ne ressemble pas à une armée de Golgoths, on ne pratique pas d’hyper-musculation, on privilégie la mobilité avec des gabarits adaptés. On est donc d’autant plus exposés à la violence des chocs qu’il n’y a plus d’éthique sur le terrain. A l’examen détaillé des images, on observe fréquemment que la gravité des blessures ligamenteuses est due au fait que les défenseurs ‘’en ont rajouté’’ volontairement en chutant sur le joueur ».

De là à ce que nos acteurs de terrain se sentent délibérément et systématiquement provoqués et agressés il n’y a qu’un pas… que certains d’entre eux n’hésitent pas à franchir.

« Il faut arrêter le massacre…on a atteint les limites de l’organisme…le rugby est devenu un sport trop violent…je redoute un mort sur le terrain, ça va arriver, je l’ai dit et je le redis ! »

Et le professeur Chazal de conclure : «Je suis prêt à claquer la porte si rien ne bouge rapidement ! » 

Le rugby était à l’origine un sport d’évitement mais ses vertus ont sombré dans les vices de la démolition. Il faut dire que la médiocrité du système d’arbitrage et de sanctions n’est pas faite pour stopper la dérive. On l’a vu au Michelin le 31 décembre quand Morgan Parra se fait exploser sans ballon devant les poteaux adverses…et que seul l’ouvreur clermontois Isaia Toaeva se trouve finalement convoqué devant la commission de discipline.

Incompétence ou ‘’ASM basching’’ ? That’s the question….

 

NDLR: la chronique d’Yves Meunier a été écrite avant le choc subi par Ezeala face au Racing 92.

À propos de l'auteur

Yves Meunier

Bourbonnais originaire de Gannat où il s’est essayé au rugby sous le maillot de l’ASG pendant une douzaine d’années. Diplômé d’Etudes Supérieures en Sciences Economiques à l’Université de Clermont. Journaliste à France3 Région de 1972 à 2007. Aujourd’hui impliqué avec des amis dans une aventure viticole du côté de Saint-Emilion et toujours en prise avec le sport auvergnat au sein de l’Union des Journalistes de Sports en France.

1 Commentaire

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  • Une analyse réaliste de l’évolution du rugby qui passe d’un jeu d’évitement à une jeu de percussion (quand on connait les qualités d’apui et de crochet de Vakatawa, on s’interroge sur le pourquoi de cette percussion sur Ezeala), mais il faut arrêter de pleurnicher sur le sort de Clermont ; ils ne sont pas les seuls à faire les frais de cette évolution du jeu. Rappelez-vous le déblayage à l’épaule de John Ulugia sur Thomas Laranjeira le 16 septembre ; le joueur de Brive a été blessé et le joueur de Clermont n’a pas été cité….

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