Clermont Auvergne Métropole vient officiellement de signer la convention liant les 21 communes de l’agglomération au Ministère de la culture dans le cadre de l’attribution du label Villes & Pays d’art et d’histoire. Créé en 1985, ce label qualifie les territoires, les communes ou les regroupements de communes, qui s’engagent dans une démarche active de sensibilisation au patrimoine, à l’architecture et au cadre de vie.
Actuellement 200 Villes et Pays d’art & d’histoire composent un réseau national, dont 8 en Auvergne : Billom, Haut-Allier, Issoire, Moulins, Le Puy-en-Velay, Riom, Saint-Flour et Clermont Auvergne Métropole.
Entretien avec Isabelle Lavest, vice-présidente de Clermont Auvergne Métropole, en charge de la Politique culturelle :
7 Jours à Clermont : Comment va s’inscrire ce label dans la politique culturelle de la métropole ?
Isabelle Lavest : Il faut déjà rappeler que la compétence patrimoine est une compétence métropolitaine liée à la culture. À cet égard, depuis des années, on coordonne les Journées du Patrimoine, on produit des études en lien avec le service régional de l’Inventaire. Dans les trois missions dans lesquelles le label nous engage, on a une mission de recensement du patrimoine, c’est d’ailleurs un récolement au long cours, on a une mission de protection et enfin la mission la plus importante, celle destinée à révéler le patrimoine. C’est la médiation que l’on doit mettre en place avec tous les publics de manière la plus inclusive possible.
7JàC : Comment obtient-on ce label ?
I.L : Pour présenter ce dossier, il a fallu environ deux ans d’études avec deux passages devant la Direction Régionale des Affaires Culturelles qui étaient des étapes de validation. Il s’agissait de définir le périmètre et de valider s’il était cohérent de l’installer au niveau de la métropole. Après, il y a eu tout un travail de recensement du patrimoine.
7JàC : Maintenant que la convention du label Villes & Pays d’art et d’histoire est signée officiellement que va-t-il se passer ?
I.L. La prochaine étape, c’est le recrutement d’une équipe dédiée avec un spécialiste du patrimoine et un autre de la médiation qui est très lié au label. Et puis, il y aura la création d’un CIAP, Centre d’Interprétation de l’Architecture et du Patrimoine qui devrait être installé vraisemblablement dans l’ancienne bibliothèque Lafayette.
7JàC : Concrètement sur le terrain, ce label crée des obligations ?
I. L : Par exemple, un professionnel qui a un obtenu un marché de « volets et façade » sera mis en lien, par nos soins, avec les services du PLUI, Plan Local d’Urbanisme Intercommunautaire ou en lien avec le service SPR, Site Patrimonial Remarquable. Lorsqu’une municipalité va imposer de refaire les façades, le CIAP va pouvoir devenir une matériautèque, désignant les types d’enduits, interdisant les fenêtres en PVC sur un bâti XVIIIe… le label sera à la jonction de tout cela.
7JàC : Et pour le grand public ?
I. L : Pour le grand public, nous avions déjà les parcours patrimoine qui étaient depuis longtemps dans les parcours culturels, mais on doit désormais organiser tout cela. Cela passera par la mise en place de visites patrimoniales « plus plus » organisées en équipe à la Métropole et en liaison avec Clermont Auvergne Volcans, l’office de tourisme, qui met à disposition des guides conférenciers professionnels sur les thématiques et les angles que l’on aura choisi. On va donner de la visibilité à des visites qui sont déjà nombreuses et parfois mieux connues des touristes que des clermontois et des métropolitains.
« Lorsqu’on connaît mieux son cadre de vie, on le respecte davantage
7JàC : Dans la candidature au label Villes & Pays d’art et d’histoire qu’aviez-vous mis en avant ?
I.L : On est très attaché au patrimoine XXe et XXIe siècle. 88% du patrimoine sur la métropole clermontoise est XXe, donc il y a vraiment une appétence pour nous de se pencher sur ce patrimoine qui est souvent moins bien considéré. Par exemple les cités Michelin, le patrimoine Thermal… on va documenter tout cela dans des études plus approfondies pour avoir des outils de travail et pour savoir sur quoi s’appuyer pour la médiation.
7JàC : Récemment, on a vu disparaître la pergola du bar Le Ballainvilliers sur demande des Bâtiments de France. Y aura-t-il une collaboration entre le label et ce service ?
I. L : Je passe tous les dossiers en intelligence, une fois ou deux par an, aux services de l’État. L’ABF c’est le Ministère, c’est la centrale, nous, nous sommes davantage des régulateurs, au titre du label qui n’est pas coercitif, mais plutôt incitatif et pédagogique. Le label est là pour faire découvrir le patrimoine. L’ idée derrière tout cela, c’est de dire à notre niveau, que lorsqu’on connaît mieux son cadre de vie, on le respecte, in fine, davantage… en tous cas c’est que l’on espère. Il s’agit d’être informé pour ne pas être choqué de voir qu’il y a une protection sur un bâtiment du XXe. Par exemple ce pourrait le cas demain, et d’ailleurs je le souhaite, pour la « Baleine »* de l’Université, boulevard Gergovia ou la piscine Tournesol pour laquelle on a ouvert un dossier de protection. Il existe aussi un label « Patrimoine du XX e siècle » et il est de notre rôle d’aiguiller la Commission régionale patrimoine et architecture, que je connais bien pour avoir été sa présidente 5 ans, pour dire que tel ou tel monument nous semble intéressant et qu’il est pertinent de faire quelque chose.
7JàC : Ce label Villes & Pays d’art et d’histoire va enfin permettre d’empêcher la disparition des bâtiments qui ont un réel intérêt patrimonial ou architectural ?
I. L : On réduit souvent le patrimoine aux vieilles pierres, mais en réalité il faut qu’il y ait une direction politique derrière la préservation et la valorisation. C’est que l’on fait avec la transformation Ballainvilliers-Vercingétorix en réintroduisant au XXIe siècle, l’idée du cardo maximus d’Augustonemetum ou à Montferrand près des remparts. Aujourd’hui, on a vraiment envie de soutenir ce patrimoine XXe qui a été malmené ces dernières années.
*La baleine est le surnom donné au bâtiment de l’UCA, œuvre de l’architecte Georges Noël, boulevard Gergovia à Clermont, qui abrite le grand amphithéâtre Agnès Varda.
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