Les nouveaux travaux entrepris cet été sur le Viaduc Saint-Jacques donne l’occasion de se pencher sur l’histoire de cet ouvrage d’art qui à révolutionné Clermont tant sur le plan visuel que pratique.
Retour dans les années 60 : Clermont est en pleine croissance et se développe de plus en plus loin du centre historique. Perdant, peu à peu, son allure campagnarde, le quartier Saint-Jacques voit fleurir des zones pavillonnaires, les grands ensembles de sa ZUP dont la Muraille de Chine, le nouvel hôpital et la Fac de médecine. Au milieu des années 60, Saint-Jacques compte déjà 15 000 habitants. Pour se rendre directement sur le « plateau Saint-Jacques », il faut alors passer par Lafayette ou Léon Blum ou encore emprunter les petites rues très pentues autour de Dolet. À l’époque où tout est pensé « pour la bagnole » et que la circulation se densifie, accéder au quartier ou aller du quartier au centre devient de plus en plus problématique.
Viaduc Saint-Jacques, une promesse de campagne
Installé dans le fauteuil de Maire de Clermont depuis mai 1945, soit depuis près de 20 ans, Gabriel Montpied n’entend pas laisser sa place d’édile à ses nombreux concurrents lors des élections municipales de 1964. Dans son programme de campagne, il a couché un gros projet permettant de créer un trait d’union entre le centre historique et le nouveau quartier populaire. Ce projet, symbolique pour un homme de gauche, est celui du viaduc Saint-Jacques, facilitateur de mixité et élément indispensable dans le cadre d’un nouveau plan de circulation. Ce projet type autoroute aérienne et urbaine est d’une modernité folle. Toutes les villes y réfléchissent au tournant des années 70. Fluidifier le trafic en créant deux couches de voitures qui circulent en voilà une bonne idée… Bon, question esthétique, mieux vaux ne pas être regardant, de toute façon, de ce côté de la ville, le mal est déjà fait avec la Muraille. En complément du Viaduc Saint-Jacques, Gabriel Montpied envisage même une prolongation du viaduc sous forme de deux grandes artères souterraines : l’une entre Lecoq et Gaillard, l’autre sous Delille entre Trudaine et les Carmes. Réélu pour un nouveau mandat avec 66% des suffrages le Maire lance le projet viaduc et jette ses tunnels surréalistes aux oubliettes.
Inauguré par deux futurs Présidents de la République
Les travaux de construction du pont-viaduc débutent en 1964 et se terminent 3 ans plus tard. Avec 430 mètres de long, 18 de large, 27 mètres de haut à son sommet et une pente à 6%, l’édifice est imposant, c’est le moins que l’on puise dire. Mis en service en juin 1967, il est inauguré en grande pompe à l’automne suivant en présence de deux futurs Présidents de la République, Georges Pompidou alors premier ministre, fan d’automobile* et Valéry Giscard d’Estaing, régional de l’étape.
Les Clermontois adoptent rapidement de nouvelles habitudes de circulation et le viaduc enregistre 15 000 passages quotidiens de véhicules peu de temps après son ouverture. Aujourd’hui plus de 20 000 voitures l’empruntent chaque jour mais elles doivent rouler sur une seule file, car depuis 2006, l’édifice est aussi emprunté par le tramway et ses nombreux voyageurs. 56 ans après sa mise en service, le viaduc se montre encore un outil nécessaire pour la mobilité, une utilité qui fait un peu oublier son impact visuel.
Nouvelle tranche de travaux durant une année
Aussi imposant soit-il, le Viaduc Saint-Jacques vieillit, comme tout ce qui est construit en béton. En 2016, dix ans après le passage du premier tramway, il doit être fermé 7 mois pour un gros lifting. Il s’agit de régler des problèmes d’étanchéité mais aussi d’intervenir sur les joints de dilatation et sur les patins amortisseurs situés entre les piliers et le tablier. Pour cette dernière opération, les moyens mis en œuvre sont spectaculaires. D’énormes vérins soulèvent le tablier pour permettre les interventions. Et voici que 7 ans après cette rénovation, il est de nouveau nécessaire de lancer une nouvelle tranche de réhabilitation. Les examens auxquels le géant est soumis régulièrement révèlent qu’il est attaqué par les chlorures. En gros, le sel déversé pour permettre la circulation hivernale des autos et du tramway, ronge et fait gonfler le métal du béton armé qui est poreux, menaçant de le faire éclater et donc de mettre les piles en péril. ce nouveau chantier va permettre de créer de nouveaux système d’évacuation de l’eau mais aussi du purger le béton malade par jet d’eau sous pression avant d’injecter une nouvelle forme de béton plus étanche. Des bâches de protection et des piliers provisoires pour soutenir le tablier seront installés. Les différentes phases s’étaleront sur une année complète. (lire notre article du 10/07/2023 pour connaître les différentes fermetures programmées. )
*Georges Pompidou adorait la voiture et prenait le volant dès qu’il le pouvait. Une célèbre photo l’a immortalisé, clope au bec, descendant de sa Porsche 356 personnelle garée dans la cour de l’Elysée. L’histoire a retenu qu’il avait fait basculer la carte grise au nom de son épouse avant l’élection présidentielle.
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