La Résidence Vénétie doit son nom à son emplacement, au carrefour de l’avenue de l’Union Soviétique et de l’avenue d’Italie. Ce nouvel immeuble clermontois, récemment inauguré, est la concrétisation d’un projet porté par la bailleur social Auvergne Habitat – Action Logement en lieu et place de l’ancien Hôtel Bellevue*, d’un garage et d’une maison particulière. La résidence compte 62 logements, dont 46 locatifs et 16 en accession à la propriété, auxquels s’ajoutent, des locaux pour accueillir des services médicaux et un restaurant. Chaque appartement est doté d’un balcon ou d’une terrasse ainsi que d’un garage ou d’un parking. Derrière un traitement architectural très moderne se cache un mix de techniques de construction rendues nécessaires par son emplacement et les normes environnementales. Le projet a été confié à l’agence clermontoise MTA, Mouvements Territoire Architecture, dont le co-gérant est l’architecte DPLG, Philippe Thuilier.
Olivier Perrot : Est-ce que le projet Vénétie a été difficile à monter ?
Philippe Thuilier : Oui, la somme de tous les objectifs liés à cet immeuble a rendu les choses compliquées. Quand je parle d’objectif, c’est faire près de 70 logements dans un angle de rue avec des contraintes de vue sur des côtés qui réduisent la taille de la parcelle et donnent obligation d’avoir une certaine densité pour respecter la faisabilité économique… et ce n’est pas un gros mots. Sur ce type de projet, on est obligé de monter une opération en respectant un budget lié à des financements et il faut aussi respecter une masse critique pour arriver à faire l’opération.
O.P : La construction a-t-elle posé des problèmes ?
P. T : Sur ce site, la phase chantier a été particulièrement compliquée. Il y avait des travaux tout autour de notre propre chantier, lui même sur un site extrêmement exiguë. Dans la cour intérieure, il y avait une grue de 45 mètres qu’il a fallu évacuer en passant par le bâtiment que l’on avait construit. Ces opérations se sont faites de nuit pour impacter le moins possible le tissus urbain. Ici le moindre glissement sur le chantier devenait problématique, glissement inévitable puisqu’on a débuté les études en 2019 et que le chantier a démarré en mars 2020. Il a pris de plein fouet la crise Covid.
O.P : Ce carrefour est stratégique à Clermont, quel impact cela a-t-il eu sur le projet ?
P.T. Il y avait un véritable enjeu d’être à cet endroit. On est à la fois sur une pointe d’îlot de noms de rues emblématiques, mais on est également en fond de scène du carrefour avec le boulevard Fleury qui arrive. Il y a une quantité impressionnante de véhicules que passent ici chaque jour et on ne pouvait pas faire quelque chose qui soit banal et sans saveur. Le travail d’élaboration a été long et extrêmement compliqué avec énormément d’essais et de prototypes. On avait des idées et des dessins mais les mettre en place dans le respect des règles de constructions, de sécurité des personnes et des conditions de poses imposées par le site, nous ramenaient à la difficulté du réel. On a du détacher des personnes spécifiquement sur ce dossier pendant plus de deux ans. C’était le seul moyen pour arriver à ce résultat. CDR, le maître d’œuvre, a d’ailleurs fait la même chose.
O.P : Quels sont les enjeux environnementaux liés à la construction d’un tel immeuble ?
P.T. Actuellement, construire c’est trouver un équilibre. On compte tout : la construction, la durée de vie, on va compter aussi la destruction du bâtiment pour établir le bilan carbone. Aujourd’hui, on doit des comptes à la société sur le bilan carbone de ce que l’on fabrique. Et cela ne s’arrête pas à la livraison puisque l’on doit intégrer la durée de vie avec le chauffage** et la production d’eau chaude sanitaire qui produisent du carbone. On doit donc tenir compte de ce que cela va coûter en carbone en utilisation mais aussi dans 50 ou 100 ans quand on va transformer l’immeuble ou le démolir, tout cela pour arriver à élaborer un poids carbone du bâtiment.
O.P : Mixer les techniques de construction était nécessaire ?
P.T : Moins on met de béton qui n’a pas un bon bilan carbone, plus on se simplifie la tâche. Mais ici, le site est tellement exposé au bruit que le meilleur moyen de se protéger est de créer un effet de masse avec du béton pour un effet d’écran. On a du équilibrer tout ce que l’on pouvait en ramenant des matériaux bio sourcés et en même temps avoir une protection qui donne sur les rues les plus problématiques en terme de nuisances sonores. Il y a donc une carapace en béton et tout le reste n’est que de l’ossature bois. On est donc protégé du bruit à l’intérieur et le mix a permis de rééquilibrer l’opération. Ce que l’on a mis devant pour le protéger, on l’a compensé sur la partie arrière. Aujourd’hui on a plus le choix, on doit faire cela sur toutes nos opérations.
7JàC : Finalement toute ces contraintes ont-elles un effet sur le style d’architecture et une influence sur « l’ardeur du coup de crayon » de l’architecte ?
P.T : Non… ce qui limite l’ardeur du coup de crayon, c’est la fainéantise… fondamentalement. La motivation, la passion, la flamme qui s’allume chaque fois que l’on pose le pied à l’agence c’est ce qui nous anime. Pour moi le vrai problème c’est la paresse. Après, est-ce que la mutation, les changements constructifs, les nouvelles réglementations vont avoir une influence sur l’écriture ? C’est possible quand on veut utiliser la culture constructible dans l’architecture, mais ce n’est pas un rapport de cause à effet automatique.
7JàC : Comment avez vous abordé le projet Vénétie d’un point de vue architectural ?
P.T : Ici l’écriture est étroitement liée à la situation emblématique à ce carrefour et aussi à un renvoi intéressant, puisque notre agence MTA a également fait le bâtiment de la CAF qui est à l’autre bout de la rue de l’Union Soviétique, lui aussi en pointe d’îlot. D’un seul coup, cela devenait intéressant de parler métropole. L’idée est d’entrer dans une écriture architecturale qui renvoie dans l’imaginaire collectif à un effet, une envie, une sensation de métropole. C’est parce que Clermont a effectivement un statut de métropole qu’il faut clairement assumer, qu’il faut commencer à épouser cette idée. Cela nous a influencé dans l’écriture.
7JàC : Vous voulez dire que la taille de l’agglomération a joué sur votre créativité
P.T : Oui car la question qui se pose est bien c’est quoi de faire de l’architecture aujourd’hui dans une métropole ? D’un seul coup, on change d’échelle est cela nous fait nous poser d’autres questions sur comment faire évoluer la ville sur elle-même. On nous a reproché d’avoir démoli une maison, même si nous avons commencé à travailler après cette démolition. Mais avant, on avait un hôtel de 12 chambres, un garage et un logement. Aujourd’hui il y a presque 70 logements sur le même emplacement et en plus on a livré de la pleine terre, sans doute plus qu’avant, puisque le garage avait une grande dalle béton. Cela change tout et c’est cela une métropole.
*Hôtel dont la façade était ornée d’un gros pélican jaune, symbole publicitaire d’une marque de bière brassée dans le nord.
** L’immeuble sera raccordé au réseau de chaleur, ce qui n’était pas prévu initialement.
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