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photo Valentin Uta.
Edito

Le selfie, symbole et symptôme d’une époque

Avec les selfies, l’individu devient son propre héros. Simple phénomène de mode ou reflet d’une société ?

Quelle étrange habitude que celle des selfies. A moins que ce phénomène révélateur ne soit le parfait symbole de l’époque ? L’époque de l’égocentrisme et de la médiatisation effrénée de sa propre image. «700 millions de petits chinois… et moi, et moi, et moi » chantait Jacques Dutronc en des temps évidemment révolus, les chiffres démographiques en témoignent. Comment exister au moins un peu dans ce monde bouleversé, en proie à une folie de la communication, de l’échange artificiel et d’un développement incontrôlé sinon incontrôlable ? Comment trouver sa place dans des sociétés mondialisées, standardisées et robotisées qui laissent très peu la place à l’initiative, à la pensée, au caractère, à l’originalité, à la personnalité, à la véritable identité ?

Où il est question de Descartes

Les réseaux sociaux, en général, les selfies, en particulier, participent de ce besoin urgent et presque existentiel. « Je pense donc je suis » estimait Descartes dans son  Discours de la méthode (pour bien conduire sa raison et chercher sa vérité dans les sciences). Notre époque, échevelée, lui répond « Je fais des selfies donc je suis ». Apparaître? C’est ne pas disparaître tout à fait.

« Moi je… à New York »

Les valeurs traditionnelles, comme la famille, Dieu ou la patrie, qui ont guidé des générations parfois jusqu’à l’absurde, ont du plomb dans l’aile. Le narcissisme se révèle dès lors comme un refuge, la seule façon de ne pas se perdre tout à fait : « moi je… à New York », devant la Tour Eiffel, les chutes du Niagara ou la Tour de Pise… Toujours devant, bien entendu, puisque dans le selfie, le lieu, en arrière plan, est un prétexte pour valoriser sa propre image. Ou encore « moi je… avec telle ou telle personnalité », individu subalterne en réalité, et presque anecdotique, puisque soi-même devient le seul héros récurrent, systématique d’une série nombriliste et très ordinaire. Prétendre que le selfie résume l’époque serait exagéré mais il en est à coup-sûr une illustration un peu grotesque et un symptôme significatif et spectaculaire.

À propos de l'auteur

Marc François

A débuté le métier de journaliste parallèlement sur une radio libre et en presse écrite dans les années 80. Correspondant de plusieurs médias nationaux, rédacteur en chef de l’hebdomadaire Info Magazine (Clermont, Limoges, Allier) pendant 9 ans, il a présidé le Club de la Presse Clermont-Auvergne entre 2009 et 2013. Il est l’initiateur de 7 Jours à Clermont.

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