A comme artiste et comme anarchiste. Comme aristocrate et comme anachronique : Léo, sa grande gueule et ses mots taillés à la serpe ou finement ciselés. Sa poésie onirique et tempétueuse. Ses notes orchestrées avec violence ou délicatesse. Un idéaliste, un marginal, un singulier, toujours révolté et à contre-temps. Léo de Monaco ou de Saint-Germain-des-Près, Léo l’amoureux ou Léo le machiste. Léo, le littéraire ou Léo qui éructe, qui crie. Léo le romantique, l’indépendant, l’anti-conformiste. Par principe. Léo de Hurlevent. Onomatopées. Rimes. Alexandrins. Mal dans sa peau ou mal de son siècle. A fleur de phrases. Inclassable. Provocant. Au-dessus du lot.
Sans concession
Léo Ferré s’en est allé. Il fallait bien que cela advienne puisque l’exception, aussi, est mortelle. Que reste-t-il de cet artiste, apparu dans l’effervescence des années d’après-guerre au détour des cabarets ? Des airs qui traversent le temps pour qui veut les entendre à l’ère du rap et des musiques électroniques. Pépée, Les étrangers, Tu ne dis jamais rien, mélodies poignantes qui écorchent l’âme. Quartier Latin qui évoque un Paris perdu, nostalgiseant l’auditeur au détour de ses accords. La mémoire et la mer comme le ressac de saisons évanouies. La the Nana , La solitude, On s’aimera, indélébiles et poignants… Petite que la morale contemporaine aurait tôt fait d’interdire comme les cigares sur les photos de Winston Churchill. Des disques qui grattent sur une vieille platine, écoutés les soirs humides de mélancolie. Et des mots, toujours, qui claquent comme des sentences.
S’il n’a pas aujourd’hui de successeur, c’est bien-sûr qu’il était unique, à sa façon. C’est aussi qu’il appartenait à un autre siècle.
« Je me souviens des soirs là-bas et des sprints gagnés sur l’écume
Cette bave des chevaux ras, au raz des rocs qui se consument Ô l’ange des plaisirs perdus, ô rumeurs d’une autre habitude Mes désirs, dès lors, ne sont plus Qu’un chagrin de ma solitude. »
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