Laurent Lebon a été nommé par le président de la République à la présidence du Centre Pompidou en juillet 2021. Dès son arrivée à Beaubourg, il a entendu parler du partenariat engagé avec la Ville de Clermont qui a conduit à la création de mille formes, le centre d’initiation à l’art pour les o-6 ans, ouvert rue Fontgiève depuis bientôt trois ans. Durant un récent déplacement à Clermont, Il a pu découvrir « en vrai » ce lieu unique qui pourrait ne pas le rester car des projets de duplication sont à l’étude.
7 Jours à Clermont : vous venez de découvrir mille formes : quelles sont vos impressions ?
Laurent Lebon : Je suis arrivé, il y a un an, au Centre Pompidou et dès les premier jours j’ai entendu la rumeur de mille formes, mille rumeurs si je puis me permettre. J’ai voulu tout de suite découvrir le lieux, mais j’ai du attendre un calendrier favorable. Au fond je ne regrette pas, car dans l’attente j’avais des questionnements et maintenant j’ai une vraie réponse.
7JàC : quelles étaient ces questionnements ?
L.L : Qu’est ce que faire un espace pour des jeunes de 0 à 6 ans aujourd’hui ? qui soit original, inédit, qui ne vienne pas de Paris, qui soit issu d’un dialogue constructif entre une ville et un établissement national. Je crois que mille formes coche toutes les cases.
7JàC : est-ce une tâche facile d’imaginer une première approche de l’art contemporain pour des enfants aussi jeunes ?
L.L : Non, c’est difficile. Le Centre Pompidou a eu la chance en 1977 d’être un peu précurseur avec « l’Atelier pour les enfants », mais là quasiment 50 ans plus tard, avec mille formes on rebat les cartes. Le titre est merveilleusement choisi parce que l’on voit dans la proposition de la diversité et des séquences avec des fondamentaux que sont l’hospitalité, l’attention, l’accueil… de l’atelier au café, de la salle de cinéma à l’exposition on retrouve finalement un vrai centre Pompidou. L’espace, en plus, avec été très bien choisi puisqu’il est traversant avec de la lumière naturelle. On retrouve l’esprit des grands plateaux de Renzo Piano et Richard Rogers. Bref de ce que j’ai vu, de ce que j’ai entendu, c’est un succès total.
7JàC : est-ce aujourd’hui une tentation du dupliquer le projet dans d’autres villes avec un peu d’adaptation ?
L.L : Olivier Bianchi est soucieux qu’il y ait un écho. Dans les années 70, on nous appelait « centrale de la décentralisation » cela n’a plus de sens. Aujourd’hui, s’il y a des demandes d’autres collectivités territoriales, nous devons répondre. La question est pertinente car justement nous ne pourrons pas faire du copier-coller. Il faudra partir de l’esprit mille formes et l’incarner à chaque fois dans une réalité qui sera différente… dans l’espace, dans l’équipe et puis à Clermont, l’espace exposition change tous les trois mois. Mais je crois que nous avons tous les fondamentaux pour que mille formes se déplace mais différemment.
7JàC : y-a-t-il déjà des projets en cours ?
L.L : On a déjà quelques contacts et nous espérons d’ici la fin d’année annoncer les premières conventions pour que, depuis Clermont, tout cela rayonne.
7JàC : à Clermont, a-t-on a trouvé l’équilibre avec le moment (Clermont 2028), la volonté politique, le lieu ?
L.L : c’était indispensable. Je crois qu’aujourd’hui dans la période un peu difficile que traverse le pays, s’il n’y a pas une cristallisation des énergies et des efforts, on passe évidemment à côté. Ici tout a été réuni et c’est très réjouissant, parce que cela n’arrive pas tous les jours. Nous sommes très heureux d’être là et surtout enchantés que le public soit présent, c’est la plus simple des réponses. Ce n’est pas le nombre de visiteurs qui importe même si les chiffres sont tout à fait étonnants… mais ce que l’on voit vraiment dans mille formes, c’est la qualité. Dans ce « monde d’après » que l’on a tous cherché à inventer, on a là une réponse très originale.
7JàC : avez-vous pu dialoguer avec des enfants ?
L.L : Oui et aussi avec les parents. Ce qui est intéressant dans mille formes c’est aussi l’aspect familial. On dit toujours que les enfants vont amener les parents au musée et réciproquement pour la première fois et je crois que là, avec ce qui est proposée, sans contrainte, la démonstration est faite, y compris dans cet espace un peu isolé pour des raisons de qualité du silence pour les 0 à 2 ans et qui est peut peut-être un des moments les plus originaux de mille formes. On a pris le temps de dialoguer avec les parents et il n’y a pas de débat… tout le monde semble heureux.
7JàC : vous avez également découvert l’exposition Peuple de demain, adaptation de la version parisienne. Qu’en pensez-vous ?
L.L : là aussi c’est très intéressant car on est dans un rapport constructif entre une proposition initiée au Centre Pompidou et une incarnation à Clermont. On est parti d’une proposition de Jean-Charles de Castelbajac qui a pris le temps de la réinventer, de dire cela fonctionne, cela ne fonctionne pas. Par exemple pour la façade donnant sur la rue, à Paris on avait pris un système de drapeau qui ne pouvait pas fonctionner à Clermont et l’idée des oculus au niveau des enfants est simple mais magique pour pénétrer dans l’exposition.
7JàC : dernière question, que pense-t-on, à Paris, de la candidature à la Capitale Européenne de la Culture de Clermont-Massif central ?
L.L : la dialectique est celle d’un immense territoire. Le fait que Clermont soit associé au Massif central est ce qui lui donne son sel et sa qualité. Je ne vois comment elle ne peut pas perdurer.
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