Chaque chronique du nouvel opus de Monsieur Rusigby mériterait une musique à elle toute seule, tellement l’auteur sait jongler avec les mots et livrer avec justesse les émotions que seul ce sport sait transmettre. À l’image des plus grands folk singers américains, l’écrivain raconte des histoires de vie de personnes qui embellissent celles des autres et livre des anecdotes remplies d’humanité.
Glory Days
Au pied des volcans d’Auvergne, de la chaîne des Puys jusqu’au Massif du Sancy, souvent chantés par le poète auvergnat Jean-Louis Murat, le rugby se joue chaque week-end, le dimanche souvent pour le rugby amateur, et entraîne avec lui tout son orchestre de bénévoles et autres passionnés du ballon ovale. Des jours de gloire ! car c’est un moment important pour chaque village, chaque territoire où il va s’agir de mettre tous les joueurs dans les meilleures dispositions afin de remporter la victoire et de la partager avec les fidèles supporters, et aussi avec les vaincus ! Et tout cela Didier Cavarot le raconte avec le talent que nous lui connaissons. Chaque acteur de ce rugby amateur que l’on joue en Régionale 3 ou en Fédérale 1 avec le club d’Issoire en fil conducteur, trouve sa place dans ce livre où personne n’est oublié. Du bénévole qui s’occupe de tracer le terrain, à celui qui confectionne les repas avec soins, en
passant par les coachs, joueurs, joueuses, arbitres, officiels, spectateurs, femmes de joueurs et de dirigeants, ceux qui ne sont plus là, mais à qui on pense souvent, chaque personnage à sa place dans ce rouage qui prend vie des premières couleurs de l’automne au printemps finissant. Sans oublier l’importance du bistrot, lieu de lien social évident, où on refait le match et aussi le monde, quelquefois.
Monsieur Rusigby connaît la musique
Un peu comme les chansons de Bruce Springsteen, le boss du New Jersey, qui sait que chaque mot, chaque note ont leur importance dans des textes parfaitement ciselés qui narrent l’histoire des invisibles, des opprimés, de ceux sur qui ont peut compter, avec des mélodies riches d’arrangements. Car en arrangements, Monsieur Rusigby excelle en ce genre ; il sait toujours à travers ses chroniques, trouver le mot juste pour faire briller le texte ; un peu comme le joueur qui va faire la passe dans le bon tempo, qui à la sortie d’une combinaison moult fois répéter va éclairer la partie. Où comme le musicien qui saura poser la bonne note, au bon moment, sans en mettre plus qu’il n’en faut à l’image de la mandoline de Steve Van Zandt sur Glory Days du kid de Long Branch.
Crossroads
« Je me tiens au carrefour, il y a beaucoup de routes à prendre, mais je reste là si silencieux par crainte d’une erreur », chante l’énigmatique Calvin Russel dans les années 1990/2000, dans cette superbe chanson Crossroads magnifiée par la batterie de Manu Katché et la mandoline d’Eric Sauviat. Et de par ses chroniques, ses livres écrits au cœur de l’âme, comme les œuvres du musicien d’Austin au Texas,
Didier Cavarot nous rappelle à quel point, le rugby est une route merveilleuse à prendre, tortueuse, quelque fois, qui vous apprend de la vie, où chacun tient son rôle et qui ne peut se jouer sans la partition de l’autre. Cet autre, ces autres, qui vont aider à se construire dans la vie, à passer de l’enfance à l’adolescence, à se plonger dans le monde pas toujours drôle de la vie d’adultes. Les histoires singulières de Thomas, Paulo, Vincent pour ne citer qu’eux, sont de véritables exemples de ce que le rugby peut apporter pour rester debout face à différents écueils. C’est un espace de médiation important qui permet de se construire, de se relever aussi des épreuves de la vie, où l’autre est présent pour aider à avancer. Ce n’est pas pour rien que ce sport est utilisé dans beaucoup de clubs et d’associations pour faciliter les échanges, et s’apercevoir que l’autre est finalement accessible et source de richesses quel que soit, sa différence. Le développement des sections rugby adapté et l’utilisation de ce sport dans les quartiers prioritaires peuvent en témoigner. C’est un peu tout cela que nous pouvons ressentir, au fil de ce livre de 266 pages, relatant des anecdotes, des souvenirs, de fines analyses, et des histoires pensées (pansées) comme des chansons.
C’était mieux avant, mais c’est toujours bien maintenant
Et de se dire que le rugby, c’était mieux avant, mais que c’est toujours bien maintenant, et qu’il n’y a pas de raison que cela change si l’on croit à ce que l’on entreprend. Alors on en a envie de déclarer au terme de ce beau voyage : Didier Cavarot, Monsieur Rusigby, continuez à livrer de beaux albums comme celui-là, car lorsque l’on se penche bien sur chaque écrit, on entend les notes des guitares boisées, des notes et des mélodies qui restent ancrées dans nos têtes et qui rendent le monde un peu meilleur, peut-être pas pour l’éternité, mais juste le temps de le vivre et de le partager.
Le rugby c’est sérieux…mais ce n’est pas grave !
Les éditions du Volcan, 16,50€
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