Durant près de vingt ans, je suis allé au cinéma une fois par semaine, au minimum, non pas par choix personnel mais pour répondre aux exigences professionnelles. Au-delà de la simple vision du film, il s’agissait de rédiger une critique de l’œuvre en question, dans un format déterminé. Le plaisir de la séance- celui que l’on ressent logiquement lorsqu’on prend place dans le fauteuil d’une salle obscure- s’estompait en partie devant les contraintes de l’exercice. Bref, durant cette longue période, j’en ai vu de toutes les couleurs. Des meilleurs et des pires. Il m’est même arrivé, je le confesse, de m’endormir devant un navet patenté, au lendemain- il est vrai- d’une soirée arrosée.
Rencontres
Cette mission hebdomadaire m’a aussi permis d’assister à de nombreuses avant-premières, à Clermont ou à Paris, et de rencontrer réalisateurs et comédiens. Avec in fine des impressions aussi diverses et variées que celles laissées par les long-métrages eux-mêmes. Assortiment d’ individus chaleureux et courtois, comme Jacques Perrin, Alain Corneau ou Michel Galabru, ou d’autres franchement imbuvables ou capricieux dont je ne citerai pas le nom car ils ne sont plus de ce monde … Après tout, peut-être étaient-ils dans un mauvais jour ?
Pas de confusion
Mais qu’importe la personnalité des acteurs, comme celles des écrivains. C’est l’empreinte qu’ils laissent sur la pellicule ou sur les pages qui compte ; pour cette faculté, ce talent qu’ils nous enchantent ou nous hérissent le poil. Ces propos nous ramènent à l’actuel débat sur les frasques de Gérard Depardieu. Il agite exagérément les médias et même le Président de la République s’en est emparé… Laissons donc l’individu à la justice, s’il le mérite, mais ne touchons pas au comédien, encore moins à ses films. Ou alors c’est à une véritable inquisition de l’art en général qu’il faudra se livrer.
Le tohu bohu qui accompagne la fin d’existence d’Alain Delon met également mal à l’aise, et pour d’autres raisons. On aimerait simplement que la star s’éteigne dignement. Le reste, c’est du cinéma.
Oui, laissons la justice faire, mais il faudrait aussi quel le talent ne délivre pas un totem d’impunité.