Accueil » Chroniques » La tête dans le guidon
Pro Immo "Rouge et noir" / Photo ACVA
"Rouge et noir" / Photo ACVA
Chroniques Sports

La tête dans le guidon

Avec Bardet, Alaphilippe et Cavagna l’Auvergne affiche une belle dynamique sur la scène du cyclisme international. Mais en trompe l’œil car derrière les stars, le vélo régional, actuellement privé d’amateurs de haut niveau, se trouve réduit à un rôle de figurant.

Lorsque la flamboyante Jeanne Mas culmine au Top50, dans les années 80, c’est la « toute première fois » que le circuit du Bédat ouvre la saison cycliste en Auvergne. Tradition ininterrompue depuis 37 ans au gré des routes de Cébazat, Blanzat, Durtol, Nohanent et Sayat. Sauf qu’en ce 27 février 2022, pour la toute première fois aussi, quelque chose manque au sein du peloton de l’Elite Nationale. Un quelque chose en rouge et noir « affichant son cœur… allant plus haut que les montagnes de douleur »… selon Jeanne Mas.

La course en tête

Nicolas Roux / photo Pro Immo
Nicolas Roux / photo Pro Immo

Si le rouge et le noir furent au fil des dix dernières années, les couleurs portées très haut par les acteurs du Team Pro IMMO Nicolas Roux, elles furent aussi, par délégation, celles de l’Auvergne toute entière ainsi présente au top niveau hexagonal du vélo sur route.
Les performances de l’équipe ne laissaient pourtant guère présager de sa disparition au terme de la saison 2021. Qu’on en juge : 58 départs pour 28 victoires en 2020, écrasante domination avec 46 victoires en 2021… Quatre premières places en autant de saisons au Challenge DirectVélo (classement des équipes de Nationale 1 sur l’ensemble des courses). What else ?
Le hic, c’est que derrière les résultats sportifs se cachait une énorme charge de travail pour ficeler un budget de 450 000€ incluant les salaires de six coureurs et deux directeurs sportifs, les primes, les indemnités des vacataires du staff, d’importants frais de déplacement (100 000€) ou encore l’achat des équipements et matériels de course. La participation des collectivités publiques n’excédant pas 12%, seule la forte implication du mécène Nicolas Roux, doté d’un pouvoir de persuasion auprès de quelques autres entreprises, permettait de tenir le haut du pavé. «On aurait pu continuer comme ça un an de plus mais non ! Je m’essoufflais, il faut savoir dire stop !».

"Victoires" / Photo Pro Immo
« Victoires » / Photo Pro Immo

En fait, pour sortir de cette spirale du vrai-faux amateurisme bouffeuse d’énergie, il eut fallu franchir le pas du professionnalisme avec une équipe Continentale, antichambre de l’UCI World Tour. Pro Immo l’avait envisagé pour 2022 en partant à la pêche aux partenaires titres, ceux qui ont les moyens de s’exposer et de communiquer. Mais les gros poissons n’ont pas toujours faim et n’ont pas mordu. Fin de l’histoire (?).

L’histoire en question

Poupou et Bulidon /photo archives UC Sayat
Poupou et P. Bulidon /photo archives UC Sayat

Quarante ans plus tôt, le jeune et fringant Nicolas était venu proposer ses services à l’incontournable Patrick Bulidon. « Je n’ai pas de sous… » avait annoncé le gourou de l’UC Sayat. « Je ne viens pas pour l’argent mais je veux faire de belles courses !» lui avait rétorqué le coureur. L’argument ne pouvait que séduire l’ancien champion d’Auvergne de cyclo-cross qui avait commencé à tisser ses liens dans le ‘’grand monde’’ du vélo lors d’une association avec Raymond Poulidor sur un cross à l’américaine (un pro + un amateur) C’était l’année où VGE tapait dans le ballon rond à Chamalières (1973).
L’amitié avec Poupou ne devait jamais se démentir. C’est d’ailleurs après avoir organisé les adieux du creusois que Bulidon, touché par la grâce de la mise en scène, avait monté le club de l’UC Sayat en 1979 «avec les gens du pays et des coureurs du coin» rappelle-t-il.

Présentation 1988 / Photo Y. Meunier
Présentation 1988 / Photo Y. Meunier

Les produits du terroir y seront vite rejoints par quelques-uns des meilleurs régionaux et des talents venus d’un peu plus loin qui vont assoir la notoriété et le palmarès de l’équipe. Le titre de champion de France amateur de Gérard Guazzini en 87 en sera l’un des fleurons. Mais comme on n’a rien sans rien, la traque des partenaires est devenue le quotidien du club qui devra changer de bannières (« Aulnat 63 » puis « Aulnat63-Montluçon ») en même temps que se succèdent les sponsors principaux : Capri, Labo France, Groupama, Conseil général 63. Jusqu’à ce que Nicolas Roux, devenu lui-même partenaire via son activité immobilière, établisse le contact avec la société aubièroise Besson en 97. Des épousailles d’abord fructueuses portant le « Team Besson Chaussures » jusqu’au circuit professionnel durant deux saisons, avant que le rideau ne soit brutalement tiré en 2000 et que la lumière ne s’éteigne une première fois sur la belle aventure.

Fiat lux ! bis repetita

Patrick Bulidon / photo Pro Immo
Patrick Bulidon / photo Pro Immo

Eteindre la lumière ne signifie pas pour autant couper le courant. Après avoir rongé son frein pendant une décennie, Patrick Bulidon sort de sa retraite des rives du Bédat en 2010 pour organiser un critérium pro du côté du Zénith. Qui dit Zénith dit Cournon où, justement, le Vélo Club possède alors une belle équipe de jeunes qu’il ne pourra pas retenir bien longtemps faute de moyens.
Comme il y a peut-être à faire en s’appuyant sur cette source d’énergie, Nicolas le mécène et Patrick le manager conjuguent leurs enthousiasmes pour brancher le fil rouge sur le bouton rouge et le fil noir sur le bouton noir. Voilà comment revient la lumière avec la création du Team Pro IMMO Nicolas Roux en 2012. Vainqueur de la Coupe de France DN3, les « Rouge et Noir » accèdent dès la saison suivante à la DN2, simple étape vers l’élite nationale de DN1 où, après quatre ans d’apprentissage et de structuration, le Team ne quittera pas le haut du panier du cyclisme amateur avec 250 victoires. On connait la suite.

"Nouveau départ" / Photo France Bleu
« Nouveau départ » / Photo France Bleu

Rémy Cavagna, ex Pro IMMO formé au VC Cournon, et Julian Alaphilippe sont toujours licenciés au VCC mais «il n’y a pas actuellement de coureurs auvergnats de premier plan» soupire Nicolas Roux dont la flamme a vacillé. Il n’empêche que les deux directeurs sportifs de Pro IMMO, Jean-Philippe Duracka et Nicolas Vogondy ne veulent pas laisser tomber le feu. Pour 2023, ils sont aujourd’hui à la relance d’une équipe Pro Continentale de 17 salariés (coureurs et staff). Condition sine qua non : boucler un budget d’un million d’euros en trouvant trois partenaires titres plus quelques autres pour faire la maille.
Et qui donc les accompagne comme conseiller dans cette démarche ? Patrick Bulidon bien sûr, histoire de remettre la tête dans le guidon pour « aller plus haut que les montagnes de douleur ».

À propos de l'auteur

Yves Meunier

Bourbonnais originaire de Gannat où il s’est essayé au rugby sous le maillot de l’ASG pendant une douzaine d’années. Diplômé d’Etudes Supérieures en Sciences Economiques à l’Université de Clermont. Journaliste à France3 Région de 1972 à 2007. Aujourd’hui impliqué avec des amis dans une aventure viticole du côté de Saint-Emilion et toujours en prise avec le sport auvergnat au sein de l’Union des Journalistes de Sports en France.

Commenter

Cliquez ici pour commenter

Sponsorisé

Les infos dans votre boite

Sponsorisé