On le surnomme l’Américain. Dans l’histoire du Guide Rouge Michelin, il est le seul à ne pas être rouge mais couleur sable… Cette couleur n’est pas due à une pénurie de pigment mais tout simplement à un choix stratégique. Le célèbre guide a eu droit, en effet, à une édition en tenue de camouflage pendant la seconde guerre mondiale.

Un peu d’histoire

Remontons 80 ans en arrière, en juin 1944. Les Alliés s’apprêtent à débarquer dans un pays mis à mal par la guerre. La majorité des panneaux indicateurs ont disparu et pour un soldat venu de loin, se repérer au milieu d’un pays en ruine n’a rien d’évident. À Washington, en préparant le débarquement, les instances militaires cherchent la meilleure solution pour aider les soldats. Elles  arrivent à la conclusion que le guide Michelin est le meilleur outil de navigation, puisqu’il offre, pour chaque ville française, un plan très détaillé, des informations de distances entre les localités et une nomenclature facile à comprendre par des non-francophones. En 1944, il ne reste évidemment plus trop de restaurants à proposer de la gastronomie, mais les rues sont toujours là, c’est d’ailleurs souvent la dernière chose qui reste après les bombardements. Décision est prise de faire imprimer à quelques milliers d’exemplaires, une version spéciale du guide 1939* à glisser dans les paquetages des hommes du débarquement. Sur la couverture de l’Américain figurent deux mentions « For official use only » et « Reproduced by Military Intelligence Division War Department Washington D.C. ».

Le rôle clé de Gustave Moutet

Lorsque l’on évoque le Guide Michelin, le spécialiste Pierre Gabriel Gonzalez n’est jamais très loin. Un collectionneur l’a récemment contacté pour lui dire qu’il avait retrouvé un article du Sunday Times de juin 1984, publié à l’occasion du quarantenaire du débarquement. Dans cet article la journaliste française Anne-Elisabeth Moutet évoquait le rôle de son père, Gustave Moutet, officier de la France Libre parti rejoindre les Forces françaises avec son guide Michelin 1939 dans ses bagages. Repérant que les cartes utilisées par les Alliés étaient de piètre qualité, il suggéra au haut commandement américain d’utiliser le fameux Guide Michelin… et voilà comment les services secrets américains ont eu l’idée de la reproduction du guide. Par la suite l’État-Major Allié commanda à Michelin en aout 1944, plus de 380 000 cartes destinées à faciliter l’avancé des troupes dans le processus de libération.

Une vente symbolique et une réédition de « L’Américain »

En collaboration avec Pierre Gabriel Gonzalez, la maison de ventes clermontoise Vassy/Courtadon, organise un événement à l’occasion du 80e anniversaire du D-Day. Le 6 juin 2024, à 14h45, elle mettra aux enchères un des rares exemplaires survivant du guide 1939 dit l’Américain,  dans un lot unique estimé entre 5 000 et  7 000 euros.
De son côté le Groupe Michelin célèbre le 80e anniversaire en participant aux cérémonies. Des Bibs bénévoles de sa filiale d’Amérique du Nord accompagnent une soixantaine d’anciens combattants pour un voyage en Normandie d’une dizaine de jours. À leur arrivée les vétérans se verront remettre un fac-simile du guide 1939 réimprimé par Michelin Éditions. Au total, ce sont 1000 exemplaires qui vont être offerts à la Mission Libération.

*En 1944, l’édition 1939 est la dernière éditée depuis le début de la seconde guerre.