L’épidémie de coronavirus a percuté de plein fouet le monde de la culture. La Comédie de Clermont s’est ainsi retrouvée de longues semaines aux abonnés absents, devant tirer un trait sur une fin de saison qui aurait du voir l’ouverture de son théâtre tant attendu. Ça n’est que partie remise… La structure dévoile ce lundi l’intégralité de sa saison 2020-2021 : elle ne peut pas être comme les autres. L’occasion d’un entretien à bâtons rompus avec Jean-Marc Grangier, le directeur de La Comédie, déjà projeté vers la rentrée…
7 JOURS A CLERMONT : Comment avez-vous vécu, à titre personnel, la période que nous venons de traverser ?
JEAN-MARC GRANGIER : Plutôt bien. En effet, j’ai beaucoup travaillé. Mon souci était d’accompagner les équipes artistiques, de voir comment il était possible de les aider. J’ai aussi régulièrement discuté avec mes collègues, afin de savoir comment nous allions réagir à la situation évidemment inédite. Une autre préoccupation était de trouver des solutions vis à vis des publics. Nous nous sommes retrouvés avec 17.000 places vendues entre la mi-mars et le début juin pour des spectacles qui n’ont pu avoir lieu. Nous avons proposé soit un remboursement intégral, soit un avoir jusqu’au mois de décembre 2020, pour rester dans ma même année fiscale, soit, enfin, le principe d’un don à La Comédie. 922 personnes ont choisi de faire un don, 1400 ont préféré un avoir… Cet engouement, ce soutien du public nous a énormément rassuré et encouragé.
7JC : Les spectacles en ligne ont foisonné, ici et là, durant cette période. Est-ce la diffusion culturelle du futur ?
J.M.G : Nous n’avons pas été en pointe dans ce domaine-là. Le spectacle filmé est, à mon avis, rarement intéressant. Pour moi, cela reste avant tout un outil de travail. Sincèrement, le théâtre ou l’opéra ne sont pas du cinéma, c’est du spectacle vivant, avec des artistes et des spectateurs en chair et os. Lorsqu’ils sont filmés, il leur manque des dimensions essentielles, notamment celle de l’émotion. Bien-sûr, pendant le confinement, nous avons mis en ligne des choses intéressantes sur le site mais c’était avant tout pour rester en contact avec le public.
7JC : Les spectacles qui ont du être annulés seront-ils reprogrammés ?
J.M.G : Nous allons en reprogrammer un maximum. Ce sera le cas de La ménagerie de verre avec Isabelle Huppert, en avril 2021 et du spectacle de flamenco de Marie-Agnès Gilot et Andres Marin au mois de novembre. Mais aussi de la pièce La collection avec Mathieu Amalric en décembre et de Ma, un spectacle circassien original, toujours en décembre. Une femme sous influence de Maud Lefèvre, d’après le film de John Cassavetes est reprogrammé pour le mois d’octobre de même que le spectacle du collectif de danse Es, inscrit pour le mois de mai. Enfin, Krysztof Warlikowski a accepté de repousser la création de l’Odyssée d’un an. Elle sera présentée au printemps prochain. Nous aurons donc une saison très dense, intense puisque les reprogrammations s’intégreront à un calendrier déjà soutenu. Devant la situation sanitaire, nous nous sommes un moment demandés si nous allions démarrer seulement au mois de janvier, jouant alors la carte de la prudence. Mais c’est l’année de l’ouverture du théâtre, il était difficilement envisageable de construire un programme avec trois fois rien. Donc je me suis dit « ayons confiance » . Nous allons ainsi proposer une saison très riche avec pas moins de 39 spectacles. C’est un pari …
7JC : Quel est le timing des prochaines semaines ?
J.M.G : Nous lançons la saison ce lundi, elle sera en ligne sur notre site Internet. La brochure, elle, va paraître à la mi-juillet. Mais nous ne vendrons pas de places avant septembre. Nous ne connaissons pas les conditions sanitaires qui accompagneront la rentrée. Début septembre, on en saura davantage sur les jauges autorisées. J’espère qu’il sera possible de vendre la totalité des fauteuils…
« L’inauguration aura lieu le 4 septembre »
7JC : La crise aura-t-elle des conséquences financières importantes pour La Comédie ?
J.M.G : Elle en a, bien entendu. Mais si tout se déroule pour le mieux à la rentrée, les conséquences seront limitées. Les partenaires financiers nous ont garanti les subventions pour 2020. L’apport du don des spectateurs nous permet de faire face à certaines pertes. Bien-sûr, il y a une part d’incertitudes due à notre arrivée dans le nouveau théâtre. Elle ira de pair avec des dépenses de fonctionnement que nous n’avions pas jusque-là. Tout cela a été anticipé mais lorsqu’on découvre un lieu, il peut y avoir quelques surprises. Tout devrait bien se passer à condition que la situation sanitaire le permette.
7JC : Où en est-on aujourd’hui du chantier ?
J.M.G : Tout a été arrêté brutalement. Le redémarrage fut compliqué, les clauses étaient lourdes. A la mi-mai, le chantier a repris, on en est désormais au stade des finitions. Le 6 juillet, les équipes vont emménager dans le nouveau lieu, il faudra en particulier installer le matériel technique. Début août, nous prendrons deux semaines de vacances et puis nous reviendrons afin d’être fin prêts. On est évidemment ravi.
7JC : Quelle est la date prévue pour l’inauguration ?
J.M.G: Elle aura lieu le 4 septembre. J’aimerais que ce soit une soirée pour se retrouver, pour découvrir le lieu, boire un verre. Une soirée festive, conviviale, sans spectacle. Je crois que l’on a besoin de temps comme cela pour être ensemble. Deux jours plus tôt, le 2 septembre, nous lancerons la vente des billets.
7JC: Ce théâtre, c’est le lieu dont vous rêviez ?
J.M.G : J’imagine que l’on découvrira des imperfections, de petites choses, des détails. C’est toujours ainsi lorsqu’on s’installe. Mais le plus important, ce sont les salles de spectacle, l’acoustique, l’espace … C’est un grand architecte qui a réalisé le théâtre. Le lieu est magnifique, l’outil, fabuleux, on s’y sent immédiatement à l’aise. Il y a des jeux de lumière, de la rondeur, le rapport entre l’homme et l’espace s’y révèle exceptionnel. En plus, Eduardo Souto de Moura a eu l’intelligence de conserver le hall de la gare routière et la brasserie, située de l’autre côté, sera ouverte sept jours sur sept. On pourra y manger après le spectacle…
« Pour toutes les générations »
7JC : Vous souhaitez un théâtre « ouvert » sur la ville…
J.M.G : Il n’y avait pas jusque là de théâtre ouvert dans la journée à Clermont. Ce sera le cas désormais. On essaiera de faire vivre le lieu. Parmi les idées que l’on va mettre en place, il y a celle d’un marché nocturne qui démarrera dès le 14 septembre et se déroulera le deuxième lundi de chaque mois dans le hall des pas perdus, avec des producteurs, des conférences, des ateliers d’écriture. Mon souhait est de participer à un rapprochement avec le monde rural, trop souvent mis à l’écart et qui est pourtant essentiel.
7JC : Revenons brièvement sur la programmation 2020-2021. Aura-t-elle une couleur particulière ?
J.M.G : On y retrouvera beaucoup de spectacles familiaux. J’ai envie, en effet, que toutes les générations viennent découvrir le nouveau théâtre. Nous aurons aussi de grands artistes internationaux et des spectacles événements. Et des découvertes, de jeunes talents…
7JC : Sera-ce votre dernière saison à la tête de La Comédie de Clermont ?
J.M.G : En effet, je partirai à l’été 2021. Il s’agit de ma dernière saison pleine mais je préparerai aussi celle de 2021-2022. Mon successeur, pour sa part, arrivera à la rentrée 2021. A un moment donné, il faut savoir s’effacer, laisser la place. Mais, avec la réalisation du théâtre, il s’agit pour moi d’une très belle sortie. La construction du théâtre à Clermont, c’est quelque chose qui a une très forte signification…
Découvrez la saison 2020-2021 sur le site de La Comédie de Clermont.
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