Fin juin 2010. Les bleus de Raymond Domenech viennent de quitter prématurément l’Afrique du sud ‘’la queue entre les jambes’’, éliminés dès le premier tour de la coupe du monde de foot après leur fameuse grève de l’entraînement au camp de base de Krisnach. Motif du patacaisse : Nicolas Anelka venait d’être exclu du groupe pour avoir insulté le sélectionneur.
Peu enclin à converser avec les journalistes, Domenech prend la route de son refuge breton avec Estelle et les deux enfants quand il est averti par un coup de fil des voisins que la presse fait déjà le siège de sa maison.
Toi l’Auvergnat qui sans façon…
Demi-tour immédiat et Raymond lance un SOS à Francis. Les deux se connaissent depuis longtemps. L’ami Graille propose alors aux fugitifs de rejoindre sa planque auvergnate. La traque médiatique se poursuit sur l’autoroute mais, toujours aussi déroutant, Domenech réussit à semer ses poursuivants dans les méandres d’une zone industrielle. Il va retrouver son sauveur au péage de Gerzat pour gagner la quiétude des environs de Billom.
« Acabatz d’intrar » (finissez d’entrer !), aurait pu lancer l’occitan Francis Graille puisque né au Puy-en-Velay. Si les Domenech sont restés dix jours au vert chez lui, c’est durant cinq mois que l’ex-attaquant international José Touré, alors en pleine dérive personnelle, était venu se refaire la santé dans la propriété du bon samaritain.
Propulsé président du LOSC en 1999 jusqu’en 2002, président délégué du PSG de 2003 à 2005 puis président de l’AJ Auxerre, sous propriété chinoise, de 2017 à 2021, administrateur à la Ligue de Football Professionnelle, le Ponot s’est d’autant mieux installé dans le paysage du foot hexagonal et international qu’il a mené de pair d’autres croisades liées, notamment, au ballon rond.
De 2007 à 2009, Francis Graille occupe le poste de vice-président exécutif chez Sportfive, agence qui vient d’être achetée par le conglomérat français Lagardère. Sportfive opère à l’international dans le conseil en sport, la vente de partenariats, le marketing et la mise en œuvre de sponsoring. Sous cette casquette puis à titre personnel comme consultant, il interviendra sur quatre éditions de la Coupe d’Afrique des Nations, superviseur des dispositifs télé dans les stades.
Une success story qui ne doit rien au hasard.
Francis Graille, l’instit
Issu d’une famille imprégnée de foot, son père fut président du Val Vert Sport et s’occupait des cadets de la ligue d’Auvergne, le jeune Francis Graille n’était pas né avec une cuillère d’argent dans la bouche. Sorti de l’Ecole Normale, il se retrouvait à 20 ans instit dans les campagnes de Haute-Loire. « J’ai vécu des moments extra dans ces classes uniques dont les élèves venaient de hameaux alentours avec les parents qui m’apportaient des œufs ou du beurre… ».
Et puis, rapidement, lui vint le goût de l’image avec l’envie de jouer « la strada » sans se prendre pour le « grand Zampano » de Fellini. Au volant d’un J7 bardé de livres, diapos et films documentaires fournis par le CRDP, m’sieur Francis parcourut les départementales afin, deux années durant, d’étancher la soif de connaissance des petits altiligériens. C’est lui qui choisissait les thèmes : Culture, sport, évènements…
En 1981, l’avènement des « radios libres » allait tout bousculer et l’instit s’essayer au journalisme au micro de Radio Stéréo 43 qui couvrait la moitié du département. Merci à l’Education Nationale et vive le foot avec le CO le Puy qui accédait à la D2. C’est donc dans le cadre éminemment désuet du stade Lafayette, où j’allais couvrir les matchs pour FR3, que j’eus le plaisir de faire sa connaissance. Nous y avons partagé des moments de bravoure dans la fièvre des samedis soirs.
L’envol
De correspondant local de l’AFP à la direction régionale du groupe NRJ en passant par une expérience d’animateur à FR3 Auvergne, l’ex-instit atterrit à Télé Lyon Métropole et propose à Jean-Michel Aulas de diffuser en différé les matchs de l’OL qui opère en D2. Sous la houlette de son mentor Jérôme Bellay, co-fondateur de France Info, Francis s’immerge alors dans le monde des médias où tout restait à faire en matière de captation des matchs.
Quittant TLM, il crée TV Concept, formant des cadreurs pour filmer le foot et devenant le prestataire attitré de Canal+ et TF1 en proposant une production innovante à quatre caméras.
Il va bientôt racheter la société Visual, l’un des ses fournisseurs tombé en redressement judiciaire, avec laquelle il montera en puissance jusqu’à obtenir 50% du marché de retransmission de la Coupe du monde 98. La vente de Visual cette même année ne l’éloignera pas du bizness puisqu’il en assurera le suivi et le conseil pendant six ans.La suite, avec Lille, le PSG, Auxerre ou la CAN, on la connaît.
C’est passé à ça !
L’auvergnat qui réside à une demi-heure du stade Montpied ne s’intéresserait-il pas au Clermont foot ? Si bien sûr mais…bon!
En fin de saison 2004-2005 il y a crise à la tête du club. Le président Dalan est écarté par des administrateurs dont la mairie ne veut pas entendre parler. Laquelle mairie focalise sur Francis Graille pour reprendre le Clermont foot et demande à son ami Claude Michy de jouer les entremetteurs. «Ce n’était pas le bon moment. Je sortais juste de l’épreuve PSG, je souhaitais un peu de repos et ne pas me replonger dans un contexte compliqué ! » Et le ponot de suggérer à la mairie « Vous avez Claude Michy, voyez donc avec lui, je pourrai le conseiller » Et voilà comment…c’est passé à ça !
Depuis lors, l’eau a coulé sous les ponts de la Tiretaine et l’ex-futur président du CF63 peut prendre le temps de parcourir sa bibliothèque et les vieux documents dont il est fan. Fan aussi de Ferrari tout en étant rangé des voitures.
Clermont et ses supporters ont vécu trois années d’aventure en Ligue1 et la relégation interroge maintenant sur les intentions et l’investissement du propriétaire président. De l’interview accordée par Ahmet Schaefer au journal La Montagne à l’occasion du récent changement d’entraîneur, on retient davantage la pertinence des questions que la limpidité des réponses (1)
Les gros sous des uns…
Le budget officiel de 11M€, le 8e de Ligue 2, est essentiellement un budget ‘’dépense’’ qui ne reflète pas une réalité économique. Le propriétaire ne s’est d’ailleurs jamais caché d’être un businessman. La contrepartie du contrat d’assistance au club de sa holding amène chaque mois une somme rondelette du côté de la Suisse et les 6M€ de dividendes encaissés sur les deux dernières années ne sont pas démentis. Sans méconnaître que la balance des transferts sur les 5 dernières années est positive de plus de 41M€ (2) et que le club s’est désengagé de sa contribution de 5M€ à la construction de la Sagrada familia Gabriel- Montpied.
Rien de délictueux certes mais quand Oncle Picsou, comme l’appelle un ancien du club, prétend « je ne suis pas riche », on n’ira pas jusqu’à ouvrir une cagnotte en ligne. En revanche, lorsqu’il affirme « j’aime ce club ! » là, on veut bien le croire. Quand à Francis Graille, discret sur ce sujet des gros sous, il juge dommageable le choix d’avoir mis Bichard dans les pattes de Pascal Gastien en cours de saison dernière mais salue l’arrivée du coach Laurent Batlles comme « une bonne pioche, un meneur d’homme, un mec bien, capable de rétablir une autorité qui semblait défaillante. » Francis ne va pas régulièrement au Montpied mais dit-il « je suis attentif à ce qui se passe au club. » En matière de bizness foot, il en connaît un rayon le Francis. « Tornariái ! » (je reviendrai !).
(1) La Montagne 31/10/24 Itw par Valéry Lefort
(2) Source Transfermarkt
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