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Daniel Pautrat avec Poulidor et Hinault
Daniel Pautrat avec Poulidor et Hinault / Photo DR
Histoire Sports

Daniel Pautrat : « L’ascension du puy de Dôme était surnaturelle »

L’Auvergne accueille de nouveau le Tour de France. Dans la liste des suiveurs de cette drôle d’édition 2020, figure Daniel Pautrat, grande figure du journalisme sportif qui a couvert le Tour dès les années 60 pour France Inter puis pour TF1. Nous lui avons proposé de nous livrer quelques souvenirs des passages de la Grande boucle dans le département.
Daniel Pautrat a gardé ses 59 badges Tour de France. Il ajoutera celui de 2020.

De sa voix reconnaissable entre mille, Daniel Pautrat, 82 printemps revendique 60 badges Tour de France. Champion de France universitaire de cyclisme en 1960, il participe l’année suivante à la coupe de France des téléreporters et se fait remarquer par Georges Briquet, le «roi des radio-reporters », qui le fait entrer à France Inter. Il succède à Robert Chapatte et commente le Tour jusqu’en 69 avant de basculer, lui aussi, sur la seconde chaîne de TV en 70. De 75 à 85, il officie sur TF1 qui retransmet alors le Tour et ne quitte l’antenne qu’en 92 après avoir pris part à la création d’Eurosport. Il se reconvertit alors en organisateur de courses cyclistes en particulier en Afrique.

«L’ascension du puy de Dôme était surnaturelle»

Le Tour de France est passé de nombreuses fois dans le département et l’on décompte pas moins de 13 arrivées au sommet du puy-de-Dôme. Même avec un journaliste présent à chaque édition depuis 1961, pas moyen d’échapper au Tour 64. «Les souvenirs s’effacent mais on ne peut pas oublier cette édition qui reste l’apogée du Tour de France. C’est sans doute le plus beau de toute l’histoire» confie Daniel Pautrat, qui assurait les commentaires pour la radio et qui a assisté au fameux coude à coude Anquetil-Poulidor. «L’ascension du puy de Dôme était surnaturelle. On avait jamais vu cela. On aurait dit deux copains en train monter, il ne manquait que les regards et les paroles. Je garde l’image en mémoire. Poulidor sans gant avec casquette, Anquetil sans casquette mais avec des gants et sa montre au poignet droit. Anquetil était épuisé mais il était calculateur, il savait qu’il avait gagné le Tour même en laissant partir Poulidor à un kilomètre du sommet. Cette ascension a aussi permis d’oublier les images du drame vécu la veille en Dordogne à Port-de-Couze où un camion à fauché la foule. L’accident s’est déroulé un quart d’heure avant le passage des coureurs, nous sommes arrivés les premiers sur les lieux »*. Tout le monde s’accordait à dire que le Tour 64 était celui que Poulidor pouvait gagner, Daniel Pautrat confirme. « On pensait qu’il pouvait gagner car il était meilleur en montagne, il a perdu cinq fois ce Tour, à cause des chutes, des crevaisons et de son erreur à l’arrivée à Monaco ».**

«Poulidor, un héro de Balzac»

En parlant de Poulidor, à qui le Tour vient de rendre un hommage en passant à Saint-Leonard-de-Noblat, Daniel Pautrat évoque un héro de Balzac. «Heureux de Fernand Raynaud était son sketch préféré avec la fameuse phrase « y’en a qui tiennent le haut du pavé, moi je tiens le bas du fossé… » Sa poupoularité lui a apporté la gloire et l’argent et il était heureux comme cela. Tout ce qu’il avait était bien au delà de ce qu’il avait espéré. Une course lui rapportait autant que ce que son père gagnait en six mois. S’il perdait une épreuve, il se projetait l’année suivante en rêvant d’une victoire ».

«L’éternel second c’est Zoetemelk»

En dehors de l’édition 64, Daniel Pautrat garde un bon souvenir de deux autres arrivées jugées au sommet du puy de Dôme. Celle de 1967 qui a vu la victoire de Felice Gimondi, récent vainqueur du Giro, grimpant facilement après s’être échappé à 11 km de la ligne et surtout celle de 1978 gagnée par Joop Zootemelk. L’étape est un contre la montre de 52,5 km au départ de Besse. Le Hollandais de la formation Miko-Mercier impressionne. Au bas du puy de Dôme, il change de vélo pour une machine légère avec le bon développement. Au sommet il a repris 1’33  à Hinault, ce qui lui permet de prendre la seconde place au classement général sur les Champs-Elysées. «L’éternel second, c’est Joop Zootemelk ce n’est pas Raymond Poulidor. Durant sa carrière, il s’est hélas retrouvé face à Eddy Merckx puis à Bernard Hinault».

Tango clermontois avec Dalida

Dalida / Photo Wikipédia

Décidément l’année 64 est riche d’anecdotes. « Cette année là, Dalida était la vedette du Tour » raconte Daniel Pautrat « Comme les femmes étaient interdites sur la course, nous lui avons fait suivre une partie de l’étape qui arrivait au puy de Dôme en la déguisant. Elle a enfilé la combinaison d’un photographe de l’Equipe, un casque et elle est monté sur une moto. Les officiels n’ont rien vu. Le soir à Clermont, Raphaël Géminiani nous a embarqué faire la fête chez son ami Nayou (Maurice Arnal-ndlr) qui avait un appartement avec une terrasse. A une heure bien avancée de la nuit, je me suis retrouvé sur cette terrasse à danser le tango avec Dalida… l’époque était différente. Aujourd’hui deux heures après le passage du Tour, tout est démonté».

 

Bibliographie de Daniel Pautrat chez Mareuil Editions
Mémoires du Tour de France avec Jean-Paul Vespini,  juin 2017
Daniel Pautrat raconte les plus belles histoires du Tour,  juin 2018
Le roman de Raymond Poulidor, mai 2020

*Le 11 juillet 64, à Port-de-Couze en Dordogne, un 1/4 d’heure de l’arrivée des coureurs, la route n’est pas encore fermée. Un camion citerne, arrivant trop vite, rate son virage et tombe dans la rivière fauchant les spectateurs massés au bord de la route. Le bilan est lourd : 9 morts une quinzaine de blessés. C’est l’accident le plus dramatique survenu sur le Tour depuis sa création. La direction de course a stoppé l’épreuve pour un moment de recueillement.

**La 9e étape arrivait sur le vélodrome de Monaco sur lequel les coureurs devaient effectuer 2 tours. Poulidor l’ignorait et lance le sprint au premier passage pensant la victoire à sa portée. Il termine 5ème épuisé alors qu’Anquetil gagne au sprint empochant une minute de bonification.

À propos de l'auteur

Olivier Perrot

Pionnier de la Radio Libre en 1981, Olivier Perrot a été animateur et journaliste notamment sur le réseau Europe 2 avant de devenir responsable communication et événements à la Fnac. Président de Kanti sas, spécialisée dans la communication culturelle, il a décidé de se réinvestir dans l'univers des médias en participant à la création de 7jours à Clermont.

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