Accueil » Culture » Cie L’Excentrale : dépoussiérer le patrimoine immatériel du Massif central
Ramdam Fatal / Photo  Nicolas Mayrand
Ramdam Fatal / Photo  Nicolas Mayrand
Culture

Cie L’Excentrale : dépoussiérer le patrimoine immatériel du Massif central

Depuis 2018, la compagnie clermontoise distille son art de l’hybridation musicale dans la revisite des répertoires du Massif central. 2023 s’annonce dense.

Ramdam Fatal, La Dévorante, Louise (& Fabienne), La Bête, Jeuselou du dimanche, Drahlas, Batalh : huit groupes tiennent l’affiche de l’Excentrale. « Ce n’est pas un label, c’est une compagnie musicale », précise Félix Gibert, tromboniste dans plusieurs des formations citées (1). Héritée de L’Auvergne Imaginée d’André Ricros et Alain Gibert. Le premier est passionné d’oralité et de musiques traditionnelles auvergnates ; le second, de jazz. L’un fonde l’AMTA (2) ; l’autre co-fonde l’ARFI (3). Dix ans qu’Alain Gibert s’en est allé et la reprise, assurée.

Drahlas / Photo Fem collectiu

En dehors des cadres

Les fistons, également musiciens, « [ont] voulu raviver la flamme. » Félix, on vous l’a présenté. Clément souffle lui aussi dans des cuivres. En 2018, avec « une nouvelle équipe », ces deux-là cherchent un nom. Dans leur alambic, infusent « plusieurs jeux de mots », en extraient la quintessence. Ça sera L’Excentrale, référence au Massif central, « mais pas seulement. » « On se déporte du Massif central pour aller voir ailleurs. » Les frangins tiennent à faire savoir que leurs paysages sonores ne se poseront pas sagement au centre de l’objectif. Qu’en dehors du cadre ils s’agiteront. « Car notre matériel est un matériel de musique trad, et vu qu’on aime bien travailler là-dessus, le triturer, le travestir, [on] s’excentre de ce matériel premier. » La Cie constelle à géométrie variable. En scène, des instruments classiques et contemporains, maniés par des instrumentistes rompus à des styles en dehors des sentiers battus. Les uns ont fait leurs classes aux Brayauds (3). C’est le cas de la violoniste, Clémence Cognet rodée aux bœufs et aux bals. D’autres, comme Félix, baignent depuis l’enfance dans le jazz et s’adonnent à l’improvisation. Ce goût, il le partage avec Guillaume Grenard, trompettiste du big band, La marmite infernale qui, sur la grille, donne libre cours à son éclatant talent. A tous, en commun, un état d’esprit : le désir de jouer, dans le « infiniment-Ici. » « On collabore toujours avec des gens avec qui on a envie de travailler. » A chaque création, on « invite des artistes extérieurs. »

Dépoussiérage des répertoires traditionnels

L’Excentrale est affaire d’hybridations. Un dialogue de cultures et d’histoires, de mémoires et de territoires. Une nouvelle matière sonore jaillissant d’expérimentations puisées dans les écritures et esthétiques contemporaines : free-jazz, musiques improvisées, électro-acoustiques, et d’autres formes musicales tirées de l’oralité. Pour des univers tantôt exubérants, tantôt feutrés. Cependant, toujours intenses et authentiques. Pensés en « cartographes, dans le sens où nous cherchons […] des chemins entre des univers, des arts ou des esthétiques voisins ou éloignés » (4) et menés par des directeurs artistiques : « il y en a quatre dans la Compagnie.»
Dans Drahlas et Batalh! se joue une culture « de l’oreille et du son » (5) : l’art campanaire. Objet d’étude d’Iris Kaufmann, artiste sonore piquée d’agropastoralisme, à l’écoute de pratiques qu’elle collecte dans FeM collectiu pour en extraire ce qu’elle nomme des transhumances audiovisuelles. Mêlant, chez Drahlas, récit et musique répétitive sur fond d’archives de transhumances, en Cévennes et Lozère, et de tintements de ces sonnailles qui, en cadence avec les sabots des animaux témoignent, dans les drailles, des itinérances. Des identités sensorielles qu’Iris s’ingénie à transcender. Bidouillant, à cette attention, pour Batalh!, un campanophone. « 50 cloches et autant de notes de musique. » (6)

Quoi de neuf dans les tuyaux ?

Le rendez-vous annuel de l’Eutropique du Concert, dans le quartier Saint- Alyre. Félix complète : « nous avons le projet de créer une chorale avec les gens du quartier, notamment les jeunes travailleurs du Corum Saint-Jean. Et de faire jouer une fanfare. » Pour Ramdam Fatal, des actus en pagaille. Un tremplin, organisé par le CMTRA (7), le festival Eurofonik. Puis un album, prévu « le 6 mai », et une date, « au Périscope, à Lyon. » Avant le retour en studio pour un « retravail de répertoire (…) au prochain semestre. » Ça promet des instants chavirés.

(1), in Ramdam Fatal, Jeselou du dimanche.
(2), Agence des musiques des territoires d’Auvergne.
(3), Association à la recherche d’un folklore imaginaire.
(4), in entretien de Guillaume Grenard par Franpi Barriaux, Citizen Jazz,
février 2016.
(5), in « Alpages et arpèges Réflexions sur les paysages sonores du
pastoralisme ovin transhumant du sud de la France », Guillaume Lebaudy,
2013.
(6), « Diagonale du vide : Sourdure, MC Circulaire, Iris Kaufmann », Tracks,
ARTE, 2021.
(7), Le Centre des Musiques Traditionnelles en Rhône-Alpes.

À propos de l'auteur

Sandrine Planchon

Après une prépa lettres et des diplômes en sciences humaines, Sandrine Planchon s'oriente vers la radio. Depuis 1999 elle travaille différents formats sur Altitude, Arverne, RCF, RCCF. Investie depuis 2015 dans un projet sur le numérique avec Elise Aspord, historienne de l'art, elle encadre aussi depuis 2014 les projets d'étudiants du Kalamazoo College (US).

Commenter

Cliquez ici pour commenter

Sponsorisé

Les infos dans votre boite

Sponsorisé