À l’occasion de la conférence La monnaie sous toutes ses formes récemment organisée dans le cadre des 400 ans de la naissance de Blaise Pascal par l’IAE, L’Institut d’Administration des Entreprises Clermont Auvergne, nous avons rencontré Erick Lacourrège, directeur général de la Banque de France en charge des paiements en espèces. Ce dernier a accepté de répondre à nos questions à propos du déménagement confirmé de l’imprimerie de Chamalières vers Vic-le-Comte, un projet à 250 millions d’euros qui étonne alors que le paiement dématérialisé est une tendance de plus en plus forte.
7 Jours à Clermont : Confirmez-vous la baisse sensible du paiement quotidien traditionnel avec les billets ?
Erick Lacourrege : Oui, on utilise de moins en moins de billets pour payer, chez les commerçants, donc on utilise de moins en moins de papier. C’est vrai, les chiffres sont en baisse, même si les dernières études montrent quand même, que l’on a, dans les actes d’achat de la vie quotidienne, chez les commerçants, à peu près la moitié qui sont encore réglés en espèces, mais ça baisse et ça baisse vite.
7JàC : Moins de billets en circulation et pourtant vous dites que la demande reste importante, c’est paradoxal !
E.L : La fonction de transaction des billets est en train de s’estomper car les gens utilisent de plus en plus les moyens de paiements dématérialisés, Le paradoxe est que, en réalité, les billets sont encore plébiscités et même toujours plus, pour la thésaurisation. Il y a donc une espèce de mutation génétique, si je puis dire, du billet de banque qui passe d’un outil historiquement ultra dominant pour les transactions, à un outil d’épargne, même si cela n’apporte pas d’intérêt.
À la Banque de France, on estime que seulement 20% des billets servent à payer
7JàC : Vous êtes en train de dire que le bas de laine de nos grands-mères existe toujours ?
E. L : Oui, il existe énormément, puisqu’on estime, en valeur, le montant global des billets en euros qui circulent dans la zone euros et en dehors de cette zone, à environ 1 500 milliards d’euros. C’est très important et cette tendance s’est multipliée par plus de 4, depuis le démarrage de l’euro*. Cela montre bien l’appétit très fort pour les billets et là dessus, on estime que seulement 20% servent à payer… et ce pourcentage baisse. Le reste est thésaurisé pour à peu près 40% dans la zone et le solde de 40%, circule hors zone euro. Ces billets servent de garantie dans les pays émergents en Afrique, Extrême-Orient, Moyen-Orient… pour les populations qui ont moins confiance dans leurs monnaies nationales.
7JàC : Qu’est ce qui ne va plus dans l’usine de Chamalières de la Banque de France ?
E.L : L’usine actuelle est obsolète au niveau de sa conception et de sa gestion énergétique. On a beaucoup de raisons de déménager dans un bâtiment neuf qui sera beaucoup plus en phase avec les contraintes d’économies de l’énergie. L’outil de production actuel est moderne mais dans un bâtiment trop ancien. Le but est donc de déménager pour avoir l’ensemble qui soit le plus moderne possible. D’ici 4 ans à peu près, l’usine d’impression de billets, ultra-moderne, se retrouvera à côté de la papeterie, que l’on a rénovée il y a 7 ans et qui est déjà très très moderne. On aura, d’une certaine manière, l’ensemble de fabrication de billets le plus moderne d’Europe et il le sera de loin, par rapport à ce qui existe aujourd’hui dans les autres pays.
7JàC : Au niveau sécurité vous comparez cet future usine à une centrale nucléaire…
E.L : Oui c’est une comparaison qui vaut ce qu’elle vaut et il faut la prendre avec beaucoup de relativité. C’est vrai que dans la mesure où l’on fabrique un produit hyper précieux, hyper exposé et hyper convoité, on a des normes de sécurité qui ne sont pas les mêmes que pour une centrale nucléaire. Les risques en tant que tels ne sont pas les mêmes, mais on a des normes qui sont ultra élevées et ultra fortes.
7JàC : Ce sera un gros chantier ?
E.L : Un énorme chantier… ce sera le ou l’un des plus gros en France. Il est programmé dans les deux prochaines années et on a mobilisé beaucoup, beaucoup d’entreprises pour faire cette usine. Elle sera de très grande taille avec des contraintes de sécurité, y compris sur la structure elle-même, qui seront très élevées et inhabituelles par rapport aux opérations que l’on fait d’habitude dans le pays.
*L’euro est entré dans le quotidien des Français le 1er janvier 2002.
Bonjour,
Qu’en est-il des volumes à produire pour la BCE au regard de l’investissement et des capacités de production théoriques?
Les putchs de pays de la BEAC ne vont-ils pas finir par une demande de faire imprimer le CFA ou l’ECO, si cette monnaie voit le jour, par un pays non colonialiste?
Mieux vaut poser la question à la Banque de France directement.