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Armaggedon- photo D.R.
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Armageddon (le combat final)

Même si le président de l’OL persiste à contester l’arrêt définitif de la Ligue1 qui contrarie ses projets et même si le Clermont Foot peut se sentir floué par le gel de la compétition en Ligue2, la LNF aura eu au moins le mérite de prendre une décision claire et nette. Tout le contraire du scénario branquignolesque offert par le syndicat de copropriétaires qui tient les destinées du rugby pro dont l’avenir s’assombrit.

« On a perdu un temps incroyable dans des palabres sans prendre en compte la réalité. On est ridicules. On n’est pas dans le monde réel en fait, je crois ».(1)

Ce n’est ni moi ni Teddy qui l’a dit mais l’expérimenté chef d’entreprise François Rivière qui dirige l’USA Perpignan. Le réquisitoire vient en forme du constat d’aveuglement de la Ligue Nationale de Rugby qui, avant de mettre un terme à la saison 2019-2020, avait amusé la galerie en prévoyant une reprise des championnats pros en juin, ensuite à la mi-juillet, puis en août, histoire de remplir à nouveau les stades comme si le virus allait partir aussi vite qu’il était arrivé.

A côté des pompes  

Image 123RT.com

Imaginez, pendant ce temps-là, les nuits cauchemardesques des préparateurs physiques privés de toute perspective dans leur stratégie de réhabilitation du corps des gladiateurs.

Il aura donc fallu, d’abord que les médecins des clubs montent au créneau pour faire savoir que ces supputations n’étaient qu’absurdités, ensuite que le premier ministre vienne siffler officiellement la fin des illusions. ‘’Game over !’’ disions-nous dans la chronique d’avril. Et le président de l’USAP de conclure : « Quand on est chef d’entreprise il faut prévoir le pire et se préparer au meilleur. Et non le contraire. On n’a fait que subir les évènements, on n’a rien anticipé ».

Il est vrai que, dans sa récurrente cacophonie, notre rugby relève moins des chœurs de l’Opéra de Paris que de la chorale des Branquignols. Il en va ainsi lorsque l’intérêt collectif se trouve constamment bafoué par l’improbable méli-mélo des intérêts particuliers.

Inévitablement, tout revient à des affaires de budgets et c’est bien pour cela que l’entendement se trouve ainsi dépassé.

Prenons le cas de figure de l’ASM Clermont. Entre le manque à gagner des cinq matchs de TOP14 qui restaient à disputer (plus un éventuel barrage à domicile) et un quart européen renvoyé aux calendes grecques, la perte de cette fin de saison est estimée par le club à 4,5M€. Un écueil que l’ASM pense néanmoins pouvoir franchir tant bien que mal. 

Huis clos fatal

Le Radeau de la Méduse- photo Musée du Louvre.

Mais jusque là, on ne chiffre pas ce qui pourrait arriver si la prochaine saison, dont le démarrage est envisagé début septembre, devait se faire à huis clos, ce qui n’est pas exclu sinon probable. Le Top14, autoproclamé navire amiral du rugby mondial pourrait alors devenir le radeau de la Méduse.

A la différence du foot, sous perf des droits TV jusqu’à hauteur des trois-quarts des budgets, ce sont les partenariats (plus de 50%), la billetterie (20%), les produits dérivés et l’événementiel (10%) qui font l’essentiel des recettes d’un club comme l’ASM.

La perspective, réaliste, de voir s’effriter le partenariat et l’affluence au stade oblige le club jaune et bleu à envisager une perte supplémentaire de plus de 5M€ pour le début de saison….sans compter l’hypothèse du huis clos !

Hypothèse redoutée par le président de la LNR Paul Goze : «Le principe du huis clos met en péril toute la structure financière de bon nombre de clubs (…) qui se trouveraient très vite en cessation de paiements » (2) Et le président toulousain Didier Lacroix de confirmer : « Si on doit jouer à huis clos, notre club a une espérance de vie de 40 jours ! »

Jouer à huis clos ne serait donc qu’un palliatif, insuffisant pour tenir le navire à flot. Sauf peut-être dans les clubs adossés à des mécènes milliardaires…on les connait, du côté de Paris et de la Méditerranée. Et puis, qu’on se le dise, le rugby comme le sport pro en général se doit d’être avant tout un spectacle dans une arène avec des supporters, des cris, des larmes, de l’angoisse et du bonheur…en plus du bizness.

Que les gros salaires lèvent le doigt !   

La DNACG, qui veille sur les comptes des clubs, leur a demandé d’anticiper une diminution de 30% du sponsoring et d’ajuster la masse salariale en conséquence Pour info, celle de l’ASM représente plus de 50% de la colonne dépenses.

Comme il est difficile de comprimer les effectifs, la seule voie praticable passe par une réduction des salaires, lesquels avaient augmenté de 60 à 70% au fil de la dernière décennie.

Même si le président du syndicat des joueurs Robins Tchale Watchou annonce sans coup férir : « …on n’est pas responsables de la crise ! », il ne peut qu’avouer un peu plus loin « …c’est vrai qu’on vit au-dessus de nos moyens ». (3)

Du coup, si les joueurs ont accepté d’abandonner le solde de leurs congés, le bras de fer se poursuit dans les clubs pour que les gros salaires se montrent compréhensifs. « C’est ça ou le dépôt de bilan !» leur a d’ailleurs lancé le président du Lyon OU. A Clermont, on discute.

Repenser le modèle

Castres et Toulon ont été les premiers à acter des coupes salariales tandis que le président Castrais Pierre-Yves Revol se lançait dans une croisade pour que le Top 14 abaisse son salary cap immédiatement et de manière significative afin d’éviter l’accident industriel. 

Devant les risques de naufrage, le président du rugby pro fait savoir de son côté qu’il attend, comme tout le monde, « une aide massive de l’Etat ». Déjà très impliqués, notamment par le financement du chômage partiel de 12,4 millions de salariés, les contribuables n’ont qu’à bien se tenir.

Bruno Le Maire, ministre de l’économie, espère faire de cette crise « une occasion historique de repenser le modèle économique français ». Et si le rugby en profitait lui aussi pour entamer d’urgence une réforme de ses compétitions en réduisant les voilures ?

Mais pensez-vous ! D’ailleurs, les diffuseurs TV n’ont pas envie que ça change, donc…

Pendant ce temps là, et même si ses effectifs sont impactés par la pandémie, les affaires reprennent pour les fiers à bras du foot européen car le fric de la télé a toujours raison.

Armageddon, c’est maintenant ? Au secours Bruce, reviens !

 

(1) Rugbyrama 01-05-20

(2) Midol 04-05-20

(3) Le Figaro 03-05-20

Bruce Willis dans « Armaggedon ».;

À propos de l'auteur

Yves Meunier

Bourbonnais originaire de Gannat où il s’est essayé au rugby sous le maillot de l’ASG pendant une douzaine d’années. Diplômé d’Etudes Supérieures en Sciences Economiques à l’Université de Clermont. Journaliste à France3 Région de 1972 à 2007. Aujourd’hui impliqué avec des amis dans une aventure viticole du côté de Saint-Emilion et toujours en prise avec le sport auvergnat au sein de l’Union des Journalistes de Sports en France.

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