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Fanny Taillandier Crédit photo Leslie Moquin
Fanny Taillandier / Photo Leslie Moquin
Culture

A l’ESACM, des résidences donnent du temps au temps de la création littéraire

Depuis 2011 l’ESACM accueille des résidences d’écrivains. Pour cette nouvelle saison, c’est Fanny Taillandier, autrice aux racines auvergnates qui viendra à la rencontre des étudiants clermontois. Un temps pour les accompagner ; un temps pour poursuivre l’écriture d’un livre d’art pensé avec la photographe du quotidien, Leslie Moquin.

Une résidence pour sanctuariser le temps de création

« Je n’étais encore jamais allée dans une école des beaux-arts. De voir toute la diversité des formes artistiques, c’est hyperintéressant. » Ces propos, c’est Fanny Taillandier, autrice en résidence à l’ESACM sur 2022-2023 qui les tient, d’un espace de l’école pour le moins approprié : la bibliothèque. Douze ans que
l’école d’art publique de Clermont invite des auteurs. A raison d’une semaine par mois, pour un agenda construit en amont. Différentes dates ponctuent ce temps de résidence durant lequel l’auteur se consacre essentiellement à ses projets.  « Ce n’est pas une commande, c’est une liberté qui t’est donné », commente la lauréate de la bourse Arcane 2022 (1). Dans la vie, des temps, il y en a de multiples. Celui des écrivains répond à une temporalité particulière. Non quantifiable, incompressible, vitale à la création. « Ce qui est luxueux, c’est que tu vas prendre le temps qu’il te faut pour créer. » En France, il existe de nombreuses résidences d’auteurs. La plupart relève de dispositifs publics propulsés dans les années 80. Les résidences de création sanctuarisent ce temps de création des écrivains,
« en les soutenant financièrement. » Anthony Poiraudeau, chargé d’écriture à l’ESACM, a pour tâche de les sélectionner.
Depuis 2019, chaque année, il soumet à ses collègues « une petite liste d’écrivains. » Leurs critères d’éligibilité ? « Des écrivains à soutenir, pas forcément très installés dans une reconnaissance publique », au parcours et travail intéressants.

Des interventions ponctuelles auprès des étudiants

A l’image des étudiants, Fanny a fait sa rentrée en octobre dernier. L’exercice lui est familier. Dans une précédente vie, Fanny était prof de lettres. Son entrée en résidence, elle l’a saluée d’une conférence, histoire de « se présenter. » Avant d’enchainer sur des ateliers d’écriture, répartis sur l’année afin d’« être à disposition des étudiants s’ils en [ont] besoin. » Le dernier s’est déroulé au mois de janvier. « [Ils] me contactent parce qu’ils travaillent sur des idées d’écriture, ils ont besoin d’avoir un point de vue de quelqu’un qui pratique déjà l’écriture. » De quoi limiter le risque d’isolement inhérent au travail littéraire. En résidence, notre écrivain s’immerge dans un environnement nouveau, au contact du monde. A l’écoute. Dans la médiation. Prodiguant des conseils, partageant son expérience, sous réserve de ne pas être assigné à un « rôle de pourvoyeurs de contenus ou d’animateurs culturels. » (2) Les étudiants sont issus de l’ESACM et du master Création littéraire de l’UCA. Initiés en 2012, les masters Création littéraire s’inspirent des programmes creative writing des universités anglo-saxonnes (3). Selon Le Monde, ils cartonneraient (4). Anthony confirme cette ouverture pédagogique, l’identité de l’ESACM résidant justement dans la pluralité des disciplines artistiques enseignées et la « communication entre les pratiques. » D’attester de l’attrait durable des jeunes pour l’écriture. « De plus en plus d’étudiants en école d’arts sont curieux de poésie, de littérature et de formes d’écriture au- delà des barrières de genre. »

En préparation, un livre d’art aux éditions Secondes

« Sortir des carcans », telle est la démarche de Fanny Taillandier. Contribuer au décloisonnement des genres en abordant différentes formes d’écriture. Suite on ne peut plus logique pour cette fan de rap, « la forme poétique qui l’a le plus suivie dans la vie, depuis [ces] 12 ans. » En elle bout l’envie d’investir d’autres espaces que le livre. D’expliquer qu’elle veut « spatialiser la littérature, la faire sortir du livre. » A cet effet, elle imagine des alternatives aux lectures à voix haute. « Des formes musicales. » Sa créativité se nourrit du dialogue entre les disciplines artistiques. Son nouveau projet, c’est d’ailleurs avec une photographe qu’elle le mène, Leslie Moquin, à l’objectif posé sur le quotidien. L’idée d’un projet commun leur est venue lors d’une résidence, en 2020, à la villa Medici. « On a décidé de travailler
sur quelque chose qui nous intéressait toutes les deux. » Le quelque chose sera un livre et un genre, le fait divers. « Je suis une grande lectrice de polars. » Ce fut là son point d’entrée dans la littérature (5). Le titre est, quant à lui, connu : « Un fait divers, l’affaire de la D904 ». Il mêlera texte et photographies sur fond de disparition d’un couple. Pour elle, ce type d’association n’est pas une première. « J’aime beaucoup la photographie. » L’objet devrait sortir « à-priori en 2023 », à condition que le binôme obtienne de quoi le finaliser. « On attend pour une bourse et deux résidences. » Car éditer un livre d’artiste coûte cher. « Ouvrir des portes qui ne sont pas forcément ouvertes au départ », c’est exactement ce à quoi pallient les résidences, à l’instar d’une littérature plus que jamais sport de combat.

(1), Bourse créée en 2021 par l’ADAGP et la SDGL
(2), « Être écrivain aujourd’hui », Gisèle Shapiro, entretien pour
Ciclic Centre Val-de-Loire, 2017
(3), « Comment apprendre à devenir écrivain », Pauline Moullot,
Slate, 27 octobre 2022
(4), « A l’université, les formations pour devenir écrivain font un
carton », Margherita Nasi, le Monde, 25 mars 2022
(5), « Les confessions du monstre », éditions Flammarion, 2013
(6), « La littérature est un sport de combat », Pierre Jourde,
éditions Page Centrale, 2015

À propos de l'auteur

Sandrine Planchon

Après une prépa lettres et des diplômes en sciences humaines, Sandrine Planchon s'oriente vers la radio. Depuis 1999 elle travaille différents formats sur Altitude, Arverne, RCF, RCCF. Investie depuis 2015 dans un projet sur le numérique avec Elise Aspord, historienne de l'art, elle encadre aussi depuis 2014 les projets d'étudiants du Kalamazoo College (US).

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