Plus de mille pages et pourtant inachevé…Le roman 2666 du Chilien Roberto Bolano enchevètre ainsi les histoires, les récits, les temps, les continents. Se jouant des formats, des règles, intemporelle à sa façon, l’oeuvre devait, à l’origine, comportait cinq parties pour autant de volumes distincts. On y rencontre ainsi des universitaires européens en quête d’un mystérieux écrivain allemand, un professeur espagnol qui entend des voix, un journaliste new yorkais allant chroniquer un combat de boxe au Mexique. Et des policiers mexicains, englués dans de nébuleuses affaires criminelles, à la frontière avec les USA, là à peu près où aujourd’hui Donald Trump voudrait construire un mur. Et ce jeune Allemand qui aspire à devenir auteur de romans…Un roman-fleuve, assurément, mais un fleuve qui aurait beaucoup d’affluents et s’en irait de ci, de là, effectuer des méandres, des demi-tours. Un fleuve qui ne se jetterait jamais dans aucun océan et visiterait des paysages, des contrées. Roberto Bolano est mort en 2003 et son roman, en France, est paru en un seul ouvrage.
« Une expérience totale »
Julien Gosselin, jeune metteur en scène français, a déjà mis en scène Les Particules élémentaires de Michel Houellebecq, spectacle vu à Clermont. Homme de défi, incontestablement, voire de défi improbable, il s’empare ici du chef d’oeuvre de Bolano. « Le livre dit la force de la littérature, la force de la poésie, mais raconte aussi l’échec de celle-ci face à la violence. Pour l’adapter au théâtre, je vais conserver la structure de l’œuvre, les cinq parties » explique-t-il. Mais le livre auquel s’attaque le metteur en scène n’est pas un ouvrage ordinaire. Et Julien Gosselin souhaite en conserver l’esprit, la singularité et la déraison. « Je veux concevoir cette adaptation comme une expérience totale, une traversée commune entre les acteurs et le public, en gardant la force et la complexité du livre. Les treize interprètes au plateau seront, comme c’est toujours le cas dans notre travail, tour-à-tour musiciens, performers, narrateurs quand il le faudra, ou personnages. Je veux réunir tous les outils nécessaires à la tentative de somme théâtrale que nous faisons, dans la scénographie, dans la lumière, le son ou la vidéo. »
Au-delà des habitudes
Sur la scène de la Maison de la Culture naîtra un spectacle-monstre, un voyage de douze heures en immersion totale, une journée entière à intégrer cet univers à la fois multiple et intrigant. Comme une expérimentation théâtrale, bousculant les habitudes. Fondée en 2009 par sept anciens élèves de l’Ecole professionnelle supérieure d’art dramatique de Lille (EPSAD), la Compagnie Si vous pouviez lécher mon cœur a déjà créé Gênes 01 de Fausto Paravidino puis Tristesse Animal Noir d’après Anja Hilling avant d’adapter Les Particules élémentaires de Michel Houellebecq, dans une mise en scène de Julien Gosselin. Avec 2066, elle prouve qu’elle ne recule devant rien…
Samedi 28 avril à 11h à la Maison de la Culture de Clermont, salle Jean-Cocteau dans le cadre de la saison de La Comédie de Clermont (création 2018).
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