Elles s’appellent Marie-Louise, Pascale et Annelise, sont toutes trois agricultrices en Haute-Loire mais sont de générations différentes, âgées respectivement 82, 55 et 30 ans. Ces femmes sont au cœur du documentaire Les immortelles tourné en autoproduction durant la période Covid par Pierrick Laurent et Léa Rossignol, deux jeunes vidéastes formés à Clermont. Descendants tous les deux de familles paysannes, ils ont choisi de s’installer temporairement dans une maison familiale à Saugues, afin d’être au plus près des trois femmes, partager leur intimité et obtenir leurs témoignages. La réalisation du film « né d’images de leur enfance en Auvergne et de souvenirs de leurs mères et grands-mères » a durée une année.
Olivier Perrot : Qu’est ce qui vous a poussé à traiter ce sujet des femmes paysannes à travers ce portrait ?
Pierrick Laurent : On avait envie de réaliser un portrait qui relate sur trois générations, ce qu’est l’âme paysanne, comment elle a évolué au fil des générations, si elle a vraiment changé et sur quels points. Il nous a semblé important d’observer cette évolution entre Marie-Louise qui a 82 ans et Annelise qui en a 30. C’était le sujet de base quand nous nous sommes mis à l’écriture du film.
O.P : C’est un sujet vous touche à titre personnel tous les deux ?
P.L : C’est une idée que l’on avait avec Léa bien avant de démarrer le film, sachant que l’on est tous les deux issus du monde agricole. La grand-mère de Léa était agricultrice, mes grands-mères l’étaient et ma mère l’est. Mais ce sujet est finalement venu assez tard. J’étais parti faire des études, je n’étais plus baigné dans ce monde au quotidien. C’est en revenant pour des vacances que je me suis dit qu’il y avait quelque-chose à faire. J’avais l’image de la femme agricultrice d’aujourd’hui, mais n’ayant pas de référence filmique j’étais plutôt sur l’idée de faire un portrait photo de ma mère. C’est Léa qui a voulu que l’on travaille au plus proche, sur trois générations pour comprendre ce qu’est l’âme paysanne aujourd’hui.
O.P : Bien que de générations différentes, partagent-elles une même approche ?
P.L : Elles ont toutes les trois des histoires très différentes, trois parcours divergents, mais elles se rejoignent sur beaucoup de points, en fait. Toutes les trois ont finalement un même amour de l’âme paysanne même si elles ne l’ont pas abordé de la même façon et à des époques différentes. Nous voulions montrer aussi des types de productions différents. Marie-Louise était une paysanne vivrière avec quelques brebis, quelques vaches, un potager… elle vivait presque de manière autonome. Pascale, éleveuse de bovins a connu les années 80/90 durant lesquelles on était plus axé sur la production et Annelise travaille sur des plantes en étant paysanne, meunière, boulangère et herboriste.
O.P : Se retrouvent-elle aussi sur l’aspect environnement ?
P.L : Entre la génération de Marie-Louise et celle d’Annelise, il y a un point de synergie sur l’idée de redonner du sens à ce qui est fait en protégeant la nature, en portant attention à sa production, à ne pas se diriger vers des usines agricoles. Pascale fait partie de la génération qui a suivi une école d’agriculture qui la poussée vers la production, même si elle exploite une petite ferme. Cela dit, elle a, en elle, cette idée de protection de cette nature avec laquelle, elle a une relation très particulière. Elle a suivi ce que l’école lui disait de faire, mais elle s’est rendue compte que la production ne valorisait pas le travail qu’il fallait fournir. En tout cas, elles ont, toutes les trois, l’amour du milieu paysan, même si la valeur défense de la nature est plus marquée chez Annelise.
O.P : Et où sont passés les hommes dans votre récit ?
P.L : Nous voulions vraiment faire un sujet sur les femmes parce que pendant longtemps il n’y avait pas de film de cette forme, consacré à plusieurs femmes. Mais ce n’est plus le cas aujourd’hui, plusieurs productions sont sorties depuis notre tournage. L’image de la paysanne un peu rustique était répandue, mais ce n’était pas l’image que nous avions et nous voulions vraiment montrer leur rapport à la nature. L’idée était de donner une référence, disons artistique, au sujet. Cela dit, il y a quand même des hommes avec elles. Marie-Louise était femme d’agriculteur mais n’a jamais été considérée par l’État comme agricultrice, elle n’a jamais eu un statut enregistré comme tel. Pascale est indépendante, elle est cheffe d’exploitation et son mari qui fait un autre métier lui donne des coups de main de temps en temps parce que faire ce métier seule est un peu lourd. Annelise exploite avec ses deux parents et son compagnon qui n’était pas de ce métier là, mais elle l’a fait venir sur l’exploitation familiale, l’inverse finalement de ce qui aurait pu se passer à l’époque de Marie-Louise. Mais si les hommes sont assez absents du films, c’est parce qu’on a essayé de faire une sorte de point sur la maternité, sur l’idée de l’éducation. C’est parce que cette idée est présente dans l’agriculture que l’on trouvait intéressant de la traiter par le prisme féminin.
Les Immortelles de Pierrick Laurent et Léa Rossignol : projection (48 minutes) + débat en présence du réalisateur et de la réalisatrice.
Samedi 4 février à 17h30 au CGR Les Ambiances, rue Saint-Dominique à Clermont.
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