A gauche sur la photo, avec Mc Solaar, Si Mohamed Selloum a changé depuis 1996. Les cheveux sont plus courts, la barbe plus fournie… Mais sa passion pour le hip-hop, elle, n’a pas changé. Et surtout, il a maintenant beaucoup plus d’expérience. « Tout le monde vient me voir comme on viendrait voir un vieux sage », rigole Si Mohamed Selloum. Le Clermontois est une figure de la scène hip-hop de la ville. Lui s’en défend, explique « avoir raccroché », mais son nom résonne chez tous ceux qui s’intéressent à la culture urbaine de Clermont.
Aujourd’hui âgé de 52 ans et coordonnateur du dispositif de réussite éducative de la mairie, Si Mohamed a commencé à s’impliquer dans la vie associative de la ville il y a plus d’une trentaine d’années. « Avec une bande de copains on avait monté une association, on voulait organiser des trucs », se rappelle-t-il. Premier « truc » marquant, le concert du DJ Dee Nasty. « On a organisé ça avec le Secours Populaire, à la fin des années 1980. C’était à la salle Gaillard ! »
Le hip-hop, peace, unity and having fun
Un événement réussi, qui lui a donné l’envie de continuer à faire venir des artistes à Clermont. En particulier des artistes de hip-hop. « C’est la culture qui me parle le plus. Le hip-hop, c’est peace, unity and having fun », lance-t-il. Des valeurs qui résonnent avec « sa fibre sociale » et son « envie de rassembler. J’ai vraiment eu l’impression que ça me parlait », explique Si Mohamed.
Au début des années 90, le Clermontois doit quitter sa ville natale pour Paris dans le cadre de ses études. Mais son séjour dans la capitale ne lui fait pas oublier son amour pour la musique hip-hop. Au contraire même, et il revient quelques années plus tard avec plein d’idées. « En octobre 1994, avec Wally Hamdini, Vincent Hannach, Aziz Chahid et Mohamed El Akili on a lancé l’association Hip-Hop dans l’Âme« , rembobine Si Mohamed.
Le but ? Faire la promotion de la culture hip-hop, qui était déjà très active à Clermont à cette époque. « Il s’était passé beaucoup de choses dans les années précédentes. » Sur scène d’abord, avec la création de très bons groupes comme les Mecs de Clermont Nord, Leader Vocal ou encore Asphalte Jungle mais aussi dans d’autres domaines, comme la radio. « Il y avait cette émission sur Radio Arverne avec Larry MC et Christian Cromarias… Eux, c’était vraiment les pionniers du hip-hop à Clermont. » De quoi faire dire à Si Mohamed qu’il n’est pas « le premier dinosaure. Je n’ai fait que reprendre le flambeau. »
Faire connaître le hip-hop pour rassembler
Un flambeau qu’il a tenu à bout de bras pendant des années avec son association. De la même manière que les émissions de Radio Arverne « allaient chercher des artistes », Si Mohamed veut avant tout « faire découvrir » la culture hip-hop au plus grand monde. « Ça permet de rassembler les gens, ce que j’ai toujours aimé faire. Pour rassembler, il faut trouver le plus grand dénominateur commun entre les citoyens. Comme le hip-hop c’est quelque chose qui est beaucoup porté par les personnes issues de l’immigration, plus il y a des gens qui connaissent cette culture, plus il est facile de trouver ce dénominateur commun. »
Si Mohamed et l’association qu’il a lancée avaient donc un objectif. Mais un obstacle leur barrait le chemin : « le hip-hop n’était pas pris au sérieux, c’était une culture très marginalisée. » La faute à un manque de structure et à un monde culturel clermontois qui ne faisait pas preuve d’une grande ouverture. Pour ce qui est du premier point, Hip-Hop dans l’Âme a pris le problème à bras le corps. « Structurer la filière, c’était vraiment mon obsession. »
Une structure…
Pour commencer, Si Mohamed a instauré un cadre légal, en travaillant avec la Sacem. Il y a ensuite eu la mise à disposition et la création de studios pour enregistrer toutes les lignes de textes imaginées par les rappeurs locaux. « La digitalisation ça a permis à beaucoup d’artistes de s’auto-produire, mais ce n’était pas le cas à l’époque. Il fallait réserver un studio pendant un mois entier… » Il fallait donc beaucoup de ressources financières, qu’un grand nombre de rappeurs amateurs n’avaient pas.
Pour finir, Hip-hop dans l’Âme a lancé la Hip-hop connexion. « C’était un réseau mis en place avec Thiers, Montluçon et Vichy. Chaque année, on organisait un concert dans chacune des villes, avec un artiste de chacune des villes également. » De quoi créer des relations entre toutes les figures locales du hip-hop.
…un accès aux scènes
Problème, tous ces efforts ne pesaient pas grand chose face aux refus des salles clermontoises de programmer des artistes se revendiquant du hip-hop. « Pour les autres aspects de la culture, c’est à dire le graffiti et la danse, il y avait moins de soucis parce que beaucoup plus de monde pouvaient s’identifier à ce mode d’expression. » La musique par contre… Heureusement, le projet de la Coopérative de Mai a fini par voir le jour. « C’était très dur, j’ai longtemps prêché dans le vide et clairement, il y a eu un avant et un après. »
Derrière la Coopé, un nom : Didier Veillault. « Il est maintenant à la retraite, mais c’était un vrai programmateur qui était habité par la musique », lance Si Mohamed. Les concerts s’enchainent, et le rap grimpe dans les charts jusqu’à être la musique la plus écoutée en France. « On était en Nationale, puis on est allé en Ligue 2, en Ligue 1 et pour finir en Ligue des Champions », sourit Si Mohamed.
Et même un festival !
Une montée en puissance loin d’être du fait de la seule association Hip-hop dans l’Âme, mais le Clermontois et ses amis ont permis à la culture hip-hop de se développer localement.Et d’autres ont repris le flambeau comme Si Mohamed l’avait fait à l’époque. « A l’époque, on était seul mais maintenant il y a Supreme Legacy, l’Epicerie de Nuit, The Doug qui a signé avec Def Jam, un label historique… », énumère Si Mohamed. Chose impensable il y a quelques années, la culture hip-hop a même son festival : le Urban Clermont 2023.
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