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Stade Michelin / photo Yves Meunier
Photo Yves Meunier
Chroniques Sports

« Quand te reverrai-je, public merveilleux… ? »

On ne sait pas si le président de l’ASM Clermont reprend chaque matin en se rasant le refrain un brin anxieux de Jean-Claude Dusse dans la solitude nocturne du téléski des Bronzés. On pourrait l’imaginer en remontant jusqu’à l’une de mes partitions de l’hiver dernier imprégnée de la désolation des interminables huis clos de la pandémie. La conclusion portait à s’interroger : Les spectateurs n’auront-ils pas perdu le goût et l’envie de retrouver le chemin des stades lorsqu’un jour les portes leur seront de nouveau ouvertes ?

Il est sans doute un peu tôt pour prétendre que la question est définitivement tranchée mais la tendance ne porte pas vraiment à un optimisme béat lorsqu’on observe les affluences automnales dans les gradins du stade Marcel-Michelin.

Constat Chiffré

A l’aube du XXIème siècle, le stade Michelin accueillait en moyenne un peu plus de 5000 spectateurs. Les aménagements successifs de l’enceinte montferrandaise et les espoirs reboostés de conquête du Graal allaient permettre de doubler puis tripler ce chiffre à l’époque de Vern Cotter et des finales à répétition.
Après le bouclier historique de 2010, cette fréquentation moyenne franchissait régulièrement la barre des 17 000 spectateurs, plafonnant à 17 813 pour la saison 2018-2019. Avec un record d’affluence en janvier 2020 : 19004 spectateurs pour un match européen contre les Irlandais de l’Ulster.

Bien loin de cet enthousiasme, les affluences de la saison en cours, ponctuées par les maigres 12426 passages aux guichets lors du dernier match contre le Racing, faisaient ironiser l’un de mes voisins supporter historique de l’ASM : « Quand les rats quittent le navire, ça n’est pas bon signe ».
Réflexion caricaturale qui a le mérite d’ouvrir les yeux sur quelques réalités.

Abandons de postes

Avant même que la saison 2019-2020 soit stoppée nette par les évènements sanitaires, le psychodrame automnal du vrai-faux départ de l’emblématique Morgan Parra, sous contrat jusqu’en juin 2022, avait agité le landerneau montferrandais. A Noël, le brûlot était apparemment éteint mais la bisbille semblait s’être invitée au pays des Bisounours.

photo Actu.fr

Au « black-out » imposé par la pandémie succédait alors la saison des jauges partielles et des huis clos peu propices à générer la passion des foules. Le record historique des six revers subis au Michelin venant conforter l’idée que le ver s’était installé dans le fruit.
Au cœur de l’hiver, la rupture unilatérale de contrat par le seconde ligne australien Sitaleki Timani pour raisons personnelles posait déjà question lorsque, dans la foulée, Franck Azéma annonçait son désir de « tourner la page » et de ne pas honorer l’engagement qui le liait au club pour les deux saisons à venir. Le dossier de la désertion de l’entraineur en chef des « Jaune et Bleu’ », passé consultant sur Canal+ et tourné vers le XIII comme conseiller amical des Dragons Catalans, n’est toujours pas réglé.
A peine huit mois plus tard et alors que l’ASM patauge allégrement dans le bas du TOP14, c’est Camille Lopez qui demande un bon de sortie anticipé pour aller surfer au Pays Basque. Et dans le sillage de l’ouvreur, voilà Parra et Vahaamahina (eux en fin de contrat) qui lorgnent aussi vers un ailleurs ou un « autre chose ».
Comme dit mon voisin, « qu’est-ce que c’est que ce bintz ? »
S’il est vrai qu’il n’y a pas de fumée sans feu, il est rare que ce genre de scénario ne cache pas des affaires d’argent.

Vidange et dégraissage

Le problème se trouve en grande partie du côté des difficultés financières dans lesquelles se débat le club malgré les aides de l’Etat qui continuent de tomber.

photo Y. Meunier

Sachant que pour chaque joueur appelé en sélection nationale les clubs se voient accorder une autorisation de dépassement du salary cap (plafond de la masse salariale hors staff) de 200 000€ afin de conforter leur effectif, l’ASM, il y a peu de temps encore, pouvait compter sur un volant supplémentaire de 1,6M€.
Inconsidérément peut-être, on n’avait pas lésiné sur les salaires et la durée des contrats, y compris pour des joueurs en fin de parcours, sans s’imaginer que le nombre d’internationaux clermontois allait chuter de huit à deux et que le bonus autorisé se réduirait comme une peau de chagrin.

Pour éviter les (lourdes) sanctions d’un dépassement du salary cap (fixé à 11,3M€) Il y a donc urgence à dégraisser le mammouth, ce qui explique les nombreux départs en fin de saison dernière au regard d’un modeste recrutement (Hanrahan et Lavanini). Ce qui peut expliquer aussi que les actuelles ‘’envies d’ailleurs’’ de quelques gros salaires seraient paradoxalement les bienvenues pour soulager la trésorerie du club.

La quadrature du cercle

Photo Y. Meunier

Le problème c’est que pour rester au top niveau l’effectif aurait bien besoin d’être renforcé par des joueurs de premier plan aptes à tenir un rang dont la plupart des ‘’jeunes’’ issus de la formation locale sont encore trop éloignés.
Les renforts en question ne l’attachant sûrement pas avec des saucisses question salaire, la résolution de la quadrature du cercle a de quoi donner la migraine au président Jean-Michel Guillon qui parait naviguer en solitaire à la barre du navire.
Excepté l’inaltérable Jean-Pierre Romeu, où sont, comme on les voit à Toulouse ou ailleurs, les anciens joueurs charismatiques qui pourraient entourer la direction du club en assurant le lien avec le petit monde du rugby pro où il fait bon être du sérail pour mener les affaires ?
Jean-Marc Lhermet était de ceux-là, avant d’être placardisé puis définitivement éloigné.

Faut-il s’étonner que faute de visibilité sur la stratégie du club, un millier d’abonnés, des supporters ou autres simples spectateurs aient perdu goût aux tribunes du Michelin où l’ambiance a pris un sérieux coup de mou malgré les efforts du speaker et de la banda ?
Sans compter les performances peu alléchantes offertes sur le pré dès avant la crise sanitaire et les horaires inappropriés du diffuseur télé le dimanche à 21h que les food-trucks ne suffisent pas à compenser.
Sans compter aussi, qu’on le veuille ou non, l’attractivité de la Ligue1 et du Clermont-Foot qui draine pas mal de chalands du côté du Montpied où l’affluence serait en passe de dépasser celle du Michelin si le ballon rond disposait d’un stade à la hauteur.

Cela dit, la désaffection ne touche pas que l’ASM, preuve en est l’appel au peuple lancé par la Ligue Nationale de Rugby.
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À propos de l'auteur

Yves Meunier

Bourbonnais originaire de Gannat où il s’est essayé au rugby sous le maillot de l’ASG pendant une douzaine d’années. Diplômé d’Etudes Supérieures en Sciences Economiques à l’Université de Clermont. Journaliste à France3 Région de 1972 à 2007. Aujourd’hui impliqué avec des amis dans une aventure viticole du côté de Saint-Emilion et toujours en prise avec le sport auvergnat au sein de l’Union des Journalistes de Sports en France.

1 Commentaire

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  • Félicitations Yves pour cette chronique sans complaisance. Effectivement, l’ASM a eu un modèle économique très « XV de France dépendant » quand nous avions jusqu’à 10 joueurs sélectionnés chez les Bleus.
    Voici venu maintenant le temps des « vaches maigres », mais avec une masse salariale toujours au taquet ! Le dilemne est effectivement de réduire la voilure financière tout en essayant de recruter pour préparer l’avenir …
    Les choses n’auraient-elles pas pu être anticipées ? Ce n’est pas d’hier que le nombre de joueurs asémistes convoqués chez les Bleus s’est réduit à peau de chagrin ! Mécaniquement, le club savait bien que les retours financiers suivraient la même pente !
    Que dire de la saison 2019-2020, avant-covid, ou l’ASM n’était pas non plus dans les clous pour les JIFF (moins de 16 joueurs JIFF en moyenne par match ) ? Heureusement que la pandémie a mis l’étéignoir là-dessus, en même temps que la compétition ! Ce qui avait conduit à l’époque à se séparer de plusieurs éléments non-JIFF pour essayer de « se remettre d’équerre » pour la campagne suivante … Pourtant, là aussi, les évolutions de quotas JIFF étaient connues de longue date, à défaut d’avoir été prévues par l’ASM …
    Je ne suis pas dans la gestion du club, il est facile de critiquer. Mais que ce soit sur les JIFF et les internationaux, l’anticipation n’était-elle pas possible, eu égard à l’inertie de pilotage d’un groupe de 35 contrats pro, entre les souhaits des joueurs, le jeu des agents, les années en option activées ou pas et quelques « bons de sortie » accordés sur des contrats en cours ? Mais, comme il n’est pas possible de ré-écrire l’histoire, il va falloir gérer le dilemne entre la nécessaire réduction de la masse salariale et le besoin de recruter pour préparer l’avenir, sans oublier de faire éclore de jeunes talents en interne. La tâche est immense pour le président Guillon !

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