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Le "nouveau" Gaulois, toujours frappé de l'emblème de la statue de Bartholdi.
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Quand la distillerie Génestine renaît de ses cendres

Au début du XXe siècle, la distillerie clermontoise était, selon le journal "Le Monde", la plus importante de France. La marque, disparue au détour des années 50, est aujourd'hui relancée par un grossiste en spiritueux, Sébastien Jolivet. Une belle histoire qui relie passé et modernité.

Le passé se ranimerait-il dans les vapeurs d’alcool ? Longtemps éteinte, la flamme de la distillerie clermontoise Génestine va tout au moins se raviver, dans le sillage d’un grossiste en vin, Sébastien Jolivet, désireux de concevoir et de fabriquer sa propre gamme de spiritueux. « J’ai eu l’occasion d’acheter une magnifique cave sur le plateau central. Elle m’a donné l’envie d’élever des liqueurs et des élixirs. Au départ, l’intention était seulement de me faire plaisir. Puis, le confinement est arrivé, mes clients, les restaurateurs et les cavistes, étaient fermés, je me suis retrouvé sans activité. Et l’idée de lancer une marque de spiritueux est devenue une évidence. » Lancer ou plutôt relancer car, au cours de cette période en forme de gestation, Sébastien Jolivet découvre l’histoire de la distillerie Génestine. Et, selon ses propres propos, il emprunte alors « la machine à remonter le temps ».

Le Gaulois, un fameux étendard

Sébastien Jolivet à l’œuvre.

En 1845, Antoine Génestine, alors liquoriste amateur, décide de créer une distillerie. Elle est d’abord située rue Saint-Louis (l’actuelle avenue des Etats-Unis). Les premiers pas sont encourageants. Mais Antoine décède. Et c’est son épouse, une femme de caractère, qui va véritablement faire exploser l’activité de la marque. Autour de 1870, son fils, François reprend les rênes de l’entreprise, avec une vision, des projets, une stratégie. La distillerie, désormais située au 78 place Lamartine, est alors en plein essor. Le vermouth « Le Gaulois » en est le produit vedette, s’imposant non seulement en France mais à l’étranger. A ses côtés, la « liqueur du pauvre homme », une vieille liqueur d’Auvergne, un curaçao à la fine champagne, nommé « Royal Orange » et un cordial au Marc d’Auvergne, le « Marc Diamant ». « A l’époque, le marketing n’existait pas vraiment. Mais François Génestine avait tout compris. Il trouve ainsi son logo, avec l’accord du sculpteur Auguste Bartholdi. Ce sera une image de la statue de Vercingétorix, celle qui est érigée aujourd’hui place de Jaude et, à l’époque, était destinée au Plateau de Gergovie » explique Sébastien Jolivet. François Génestine obtient l’autorisation de Bartholdi dès 1886, alors que la statue n’est encore qu’une ébauche.

La liqueur « Le Gaulois » cartonne  Elle est récompensée lors de l’exposition universelle de Paris en 1889, primée à de multiples reprises, vendue dans le monde entier. Après la mort de François Génestine en 1909, son gendre poursuit le développement de la distillerie. Dans un article datant de 1924, le journal Le Monde la qualifie de « plus importante distillerie de France ».  Pourtant la marque ne survivra pas au tournant des années 50. « La deuxième guerre mondiale a marqué un coup d’arrêt et l’avènement des grandes sociétés d’anis, Pernod puis Ricard, a porté l’estocade » estime Sébastien Jolivet. Descendant de la famille Génestine, Philippe François se souvient encore aujourd’hui « des camions gorgées d’orange qui débarquaient sur la place durant mon enfance. Des fruits dont le zeste était utilisé dans la fabrication des liqueurs. »

« Une aventure à réveiller »

Des liqueurs élevées dans les caves de Clermont.

L’histoire aurait pu s’arrêter là. Elle serait même tombée aux oubliettes sans la volonté de Sébastien Jolivet et un concours de circonstances. « Il y avait quelque chose à raconter, une belle aventure à réveiller. C’est pourquoi j’ai décidé de conjuguer mon projet personnel avec l’histoire de cette marque qui est aussi une saga familiale ». La société « Liqueurs Génestine », dont l’activité est de créer et de distribuer des spiritueux, vient donc de naître, ou peut-être de renaître. Un projet que Sébastien Jolivet veut « authentique, local et raisonnable« . Depuis des mois, à Clermont et à Durtol, il teste des recettes, assemble alcool, fruits, huiles essentielles, plantes, épices, fait macérer, avec un mélange de passion, d’excitation, de curiosité et de patience. « Le monde des liquoristes est très secret, il n’existe pas d’écoles ou de diplômes. Il faut être autodidacte. Heureusement, je bénéficie de l’expérience de mon père qui fabrique ses propres liqueurs. Mon leitmotiv est de réaliser des produits d’un bon rapport qualité-prix, pouvant satisfaire un maximum de personnes. Et surtout à partir de choses saines et naturelles. »

Dès cet été

Un pastis qui n’a pas l’accent de Marseille.

Les premières bouteilles sont désormais fin prêtes. A la mi-juillet, elles recevront leurs étiquettes. Avec bien-sûr, le fameux logo de la statue de Vercingétorix, tout juste épuré. « La commercialisation s’effectuera dans la foulée auprès de 100 à 150 professionnels, des restaurants, des cafés, des hôteliers et des cavistes de la région. Ensuite, nous irons proposer les produits aux épiceries et aux lieux touristiques. Si la fabrication est clermontoise, l’idée est de vendre bien au-delà » souligne notre grossiste devenu concepteur de spiritueux. La nouvelle distillerie Génestine va bien entendu réveiller « Le Gaulois », désormais un Vermouth millésimé « à l’italienne », rouge et fruité. La gamme comprendra également « Cristal Menthe », un jet 31, à la menthe poivrée bio, « Pastis Sauvage », pastis local agrémenté de gentiane. Et encore « Zeste », limoncello fabriqué avec des citrons-feuilles de Sicile, zestés à Durtol. Sans oublier 1845 Elixir, conçu à partir de 80 plantes et épices, que nous avons eu le plaisir de goûter.

 » Pour la première année, nous partons sur un prévisionnel de 5 à 6000 bouteilles. Mais je suis sûr que nous ferons davantage » estime Sébastien Jolivet qui fourmille déjà de projets. Et d’évoquer la création d’un whisky made in Auvergne, la reprise de la fabrication du « Royal Orange » et du « Marc Diamant », histoire de demeurer fidèle au passé de la marque. « Nous avons déjà planté de la verveine pour faire dès l’année prochaine « La verte de Clermont ». Lorsque nous compterons une dizaine de références, nous aurons atteint notre vitesse de croisière » affirme-t-il. Outre-tombe, Antoine Génestine doit boire du petit lait. Ou peut-être trinquer à ce projet en forme de résurrection. La preuve est ainsi donnée que l’alcool conserve au moins les souvenirs.

Vermouth, jet, limoncello, pastis, élixir…

 

 

À propos de l'auteur

Marc François

A débuté le métier de journaliste parallèlement sur une radio libre et en presse écrite dans les années 80. Correspondant de plusieurs médias nationaux, rédacteur en chef de l’hebdomadaire Info Magazine (Clermont, Limoges, Allier) pendant 9 ans, il a présidé le Club de la Presse Clermont-Auvergne entre 2009 et 2013. Il est l’initiateur de 7 Jours à Clermont.

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