Souvent, il prend sa voiture et file rejoindre la nature, où il compte ses endroits favoris. Ses coins secrets. Ça, c’était avant le confinement, évidemment… Rien de telle qu’une plongée in situ pour s’adonner à cette expression graphique foisonnante qui accompagne ses journées depuis fort longtemps. Le dessin est une compagne fidèle.
Les cours du soir
Avant, Philippe François fut hématologue. Une discipline dont il a été l’un des tout premiers représentants en Auvergne. «A la fin de mes études de médecine, j’ai choisi cette spécialité, de préférence à une autre, en observant les coloris superbes des cellules de la moelle pendant une maladie de Biermer. Elles présentaient une indéniable dimension esthétique » précise-t-il. Plus tard, il suivra les cours du soir aux Beaux-Arts de Clermont, y croisant le chemin du peintre Henri Guibal, alors professeur. Rencontre précieuse, sinon déterminante. Et début d’une belle amitié.
« Durant de longues soirées, nous regardions des peintures et, avec ferveur, nous dessinions à l’aide de multiples outils : Philippe, concentré, traçait, estompait, gommait, questionnait les œuvres des Maîtres. Les « vespro della Beata Vergine » de Monteverdi passaient en boucle, nous étions à l’unisson, et discutions sur l’histoire de l’art en buvant du whisky irlandais dans des verres de Biot » raconte volontiers Henri Guibal, aujourd’hui installé dans les Landes.
Tortueux, noueux
Ce sont les arbres, en premier, qui retiennent l’attention de Philippe François, de manière instinctive. Des arbres qu’il représente presque à l’infini. Tortueux, noueux, biscornus, effeuillés, majestueux, étranges, complexes, silencieux et intimes, portant les marques indélébiles du temps et les stigmates du climat. Une représentation pleine de nuances, de contrastes, de faux semblants, d’ombres et de perspectives. « Je préfère l’arbre nu en hiver. Ces troncs qui s’enfoncent dans la terre avec cette espèce d’orgueil, de solidité » explique simplement l’ancien médecin, sans trop s’appesantir toutefois.
Digressions
Dans cette symphonie sylvestre, encore inachevée, exécutée au crayon, au fusain ou à l’encre de Chine, le dessinateur consent à certaines exceptions : des portraits, des auto-portraits sans la moindre concession, des paysages ramenés de ses excursions champêtres, des églises… et aussi, parfois, des peintures. Mais ce sont de simples digressions. « L’arbre crie cette forêt perdue, sans l’homme, peut-être même révolue. Il dialogue tout à coup avec l’artiste qui lui confie, à son tour, des arcanes intimes et des demandes bouleversantes » estime Henri Guibal à propos du travail de son ami, Philippe François.
Quelques expositions, à Clermont, Chamalières et Vichy, ont marqué l’itinéraire de l’hématologue, qui aurait pu devenir chanteur d’opéra. L’occasion de belles rencontres impromptues… Mais c’est dans la nature que l’homme finit toujours par revenir. Avec un carnet, des crayons et Jean-Sébastien Bach…
Ravie de retrouver Philippe en pleine forme artistique et naturaliste. J’aime bien sa manière sensiblement tourmentée de peindre les arbres de vie…