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Andrew Parsons / Photo France Paralympique
Andrew Parsons / Photo France Paralympique
Chroniques

L’éthique en prime

On appréciait déjà le charisme de Tony Estanguet président de PARIS 2024, nous avons découvert celui d’Andrew Parsons patron du Comité International Paralympique. Le Brésilien a su imprégner de mots forts, le formidable rendez- vous avec Paris et la France : « Liberté, égalité, fraternité !» déclamait-il en ouverture, « Révolution, acceptation, action, conviction…diversité et différence doivent nous unir ! » a-t-il martelé en clôture. Magnifique éloge du mot éthique.

L’éthique et la morale qui font bon ménage puisque désignant les mœurs, une réflexion sur la conduite de la vie et les règles de comportement. Des concepts auxquels l’individualisme forcené de notre époque demande malheureusement bien souvent d’aller se faire voir chez les Grecs.
Chez les Grecs, et comment donc !. En témoigne l’imposante fresque dont Raphaël (le peintre, pas le chanteur) a décoré il y cinq siècle la Camera della Segnatura du Vatican, baptisée L’Ecole d’Athènes. Un casting d’enfer réunissant notamment Diogène, Pythagore, Epicure, Platon, Euclide et j’en passe autour d’Aristote, héritier de Socrate, tenant ‘’L’Éthique’’ en sa main gauche. Athènes, berceau de la philosophie et de l’Olympisme.

L'École d'Athènes / Musée du Vatican
L’École d’Athènes / Musée du Vatican

Éthique et bizness

Succédant aux JO, les formidables émotions collectives offertes par les acteurs des Paralympiques ont provisoirement occulté quelques sombres recoins du sport.
Dans les premiers temps de sa splendeur parisienne Kilian Mbappé, devenu maintenant le joueur le mieux payé de l’histoire, touchait une prime d’éthique annuelle estimée à 1,4 million d’euros. Plus récemment, le quotidien espagnol El Mundo avait publié le chiffre de 541 680 € bruts versés à Neymar par le PSG au titre de cette fameuse prime.
Et pourquoi faire s’il vous plaît ? Eh bien… pour saluer les supporters, être courtois, disponible et sympathique, ne pas critiquer le club ni l’entraîneur, ne pas faire de propagande politique ou religieuse, et contrôler sa com sur les réseaux sociaux (pas facile pour certains !). Bref, être le moins con possible.
Le doute peut donc légitimement s’installer quant à la ‘’spontanéité’’ des stars mais aussi des seconds rôles, également concernés dans de moindres proportions. L’éclectique clermontois Claude Michy, n’avait-il pas confirmé sur Europe1 que cette prime (2% du salaire) était « le meilleur moyen de sensibiliser les joueurs au respect des règles » ajoutant que «… pour qu’ils comprennent, il faut toucher à leur porte-monnaie ! » Il n’avait sans doute pas tort l’ex président du Clermont Foot, mais si on rétribue le respect et les obligations naturelles… où est la sincérité ?

Désormais abonné aux colonnes des faits divers, comme c’est encore le cas en ce moment avec les déboires récidivants de l’ex monégasque Ben Yedder placé sous contrôle judiciaire pour des faits d’agression sexuelle en état d’ivresse et refus d’obtempérer, le foot n’est pas le seul sport concerné par la pratique des primes d’éthique. Quant à savoir si les employeurs sont réellement en mesure d’appliquer des mesures coercitives…

Le salut aux supporters /  Photo Y.Meunier
Le salut aux supporters / Photo Y.Meunier

Et ailleurs…

Du côté de l’ovale, l’ASM Clermont n’entend pas badiner avec l’éthique ni avec sa philosophie historique. La preuve en fut avec l’affaire Haouass même si, comble d’absurdité juridique, le club a dû cracher au bassinet. Le Biarritz Olympique et Montpellier se montrèrent moins regardants sur l’éthique.(1)
Au Michelin, c’est le Team manager Aurélien Rougerie qui est en charge du règlement intérieur. « Ici, la prime ‘’d’éthique et d’assiduité’’ est proportionnelle aux salaires dans lesquels elle est incluse ça va de… 3000 à 15 000 € annuels » On est loin des chiffres du foot.
Et Roro d’insister sur les valeurs du club auxquelles chacun doit se tenir : « Respect, être ‘’vrai’’ avec tout le monde, passion et persévérance. » Pour ce qui est d’être vrai avec tout le monde, on ne peut pas enlever cette qualité à l’entraîneur principal Christophe Urios quitte à ce qu’il en défrise parfois quelques uns.
« On est attentifs aux comportements déviants » ajoute Aurélien « …après l’entretien et le blâme c’est la pénalité financière qui peut tomber. Tout cela, bien sûr, en tenant compte du droit du travail… »
La démarche s’inscrit d’ailleurs dans ce que le club appelle le MAG, ‘’le Match à Gagner’’, où les rôles sont définis dans toutes les strates de l’ASM Rugby : à Didier Retière le développement associé à Christophe Urios, à Benoît Vaz la reconstruction de l’économie du club, à Rougerie les 3 C : Comportement, Compétence et Collaboration. « C’est maintenant zéro tolérance pour les comportements obsolètes. Le ‘’tout pour moi’’ est banni au profit du ‘’tout pour le club’’ ! »

Roro en bord de touche / Photo Yves Meunier
Roro en bord de touche / Photo Yves Meunier

Coke en stock

Phénomène sociétal, il est devenu courant d’associer alcool et cocaïne pour profiter pleinement d’une soirée festive. Le rugby n’échappe pas à cette manière d’envisager le plaisir, sachant que pour joindre l’utile à l’agréable, la cocaïne peut faire office de stimulant sans laisser de traces dans l’organisme passées 48 heures. Si l’Union Bordeaux Bègles a fait part de l’intention de soumettre ses joueurs à des tests de dépistage de la cocaïne après que la FFR ait annoncé un plan d’action imminent pour faciliter les contrôles, l’ASM entend insister avant tout sur l’éducation.
Ainsi à la veille de la reprise du TOP14 tout l’effectif jaune et bleu s’est trouvé convoqué à une réunion de prévention à propos de l’alcool, de la coke, de l’addiction aux paris sportifs (interdits aux joueurs et à leur entourage). « On veut être davantage dans l’éducation que dans la sanction » insiste l’homme dont la statue trône sur le parvis du stade Michelin. Si cela ne suffit pas ce sera ‘’tintin pour la prime’’.
Il est vrai que les tribulations du XV de France en Argentine ou le cas du Toulonnais Melvyn Jaminet s’exhibant alcoolisé sur les réseaux sociaux pour tenir des propos racistes ont relevé le niveau d’alerte dans les clubs. « Les joueurs sont mis en garde quant à leurs prestations sur les réseaux sociaux » conclut le team manager de l’ASM.
Ah, les réseaux sociaux dont l’addiction vaut bien celle à la coke ! Le philosophe écrivain Umberto Eco avait résumé le problème : « Les réseaux sociaux donnent la parole à des légions d’idiots qui, auparavant, ne parlaient que dans les bars après un verre de vin… » Et l’auteur du ‘’Nom de la rose’’ d’ajouter «…aujourd’hui ils ont le même droit de parole qu’un prix Nobel ! » C’est dit.
Récompensés à la même hauteur que ceux des JO (2), nos médaillés Paralympiques ne sont, pour la plupart, que peu concernés par le (parfois) nébuleux système des primes d’éthique. Ils n’ont pas eu besoin de ça pour apporter au sport et nous offrir à tous un ‘’petit truc en plus’’ avec l’éthique en prime.

Que la flamme ne vacille pas !

(1) Déjà condamné pour des faits de cambriolages en 2014, le joueur le fut à nouveau en
2023 pour violences conjugales.
(2) Médailles JO et Paralympique : Or 80 000 €, Argent 40 000, Bronze 20 000.

 

Souffler la flamme / Photo France paralympique
Souffler la flamme / Photo France paralympique

 

À propos de l'auteur

Yves Meunier

Bourbonnais originaire de Gannat où il s’est essayé au rugby sous le maillot de l’ASG pendant une douzaine d’années. Diplômé d’Etudes Supérieures en Sciences Economiques à l’Université de Clermont. Journaliste à France3 Région de 1972 à 2007. Aujourd’hui impliqué avec des amis dans une aventure viticole du côté de Saint-Emilion et toujours en prise avec le sport auvergnat au sein de l’Union des Journalistes de Sports en France.

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