Accueil » Chroniques » Les singeries en hiver
FIFA World up_Logo
FIFA World up_Logo
Chroniques

Les singeries en hiver

Soixante ans après que Gabin et Belmondo aient sublimé à l’écran le savoureux roman d’Antoine Blondin (1) le foot et le rugby apportent leurs lots de singeries. Chacun dans son domaine et sans attendre les frimas que le dérèglement climatique se fait un plaisir de déconnecter du calendrier des postes.

Entendons-nous bien, les singeries n’émanent pas tant des acteurs du terrain que des hommes (et femmes) qui ne ratent pas une occasion de rejoindre les braillards extrémistes pour faire briller leurs beaux esprits. Ainsi des polémistes de la Coupe du monde de Foot qui, douze ans après l’attribution de l’organisation au Qatar, ont sorti la tête des nuages pour condamner le rendez-vous de Doha.

Quand l’Émirat sent le gaz

clim stade / Photo France Info
Photo France Info

Loin de nous d’ignorer le mauvais sort réservé aux droits humains des travailleurs migrants du Qatar et les dégâts humanitaires engendrés par la construction des infrastructures sportives. Pas question non plus de nier l’ineptie de la climatisation des stades à ciel ouvert déjà évoquée en 2019 lors des mondiaux d’athlétisme quand des centaines de tuyaux crachaient de l’air frais pour faire tomber la température de 15 degrés sur la piste du Khalifa stadium.
Que voulez-vous, l’argent faisant le bonheur du sport pro, on va le chercher là où il est. Que le Qatar, gros producteur de gaz naturel, soit aussi le premier producteur mondial de CO2 avec 37 tonnes par habitant et par an n’émeut guère les décideurs (2). Pour preuve, le Qatar organisera les Jeux asiatiques d’été en 2030 après que l’Arabie Saoudite ait accueilli les Jeux asiatiques d’HIVER en 2029 ! Et les JO au milieu des dunes c’est pour quand ?
Bref, si les motifs d’indignation peuvent paraître légitimes, les cris d’orfraie ont surgi bien tardivement en forme de postures politico-démagogiques. Ce fut d’abord la sentence « Un écran géant et une fan zone ? Pas de ça chez moi ! » déclamée par plusieurs maires de grandes villes, Lille, Strasbourg, Marseille, Paris et…Bordeaux évidemment, où l’on ne badine pas avec la langue de bois ni les sapins de Noël.
A Clermont, interpellé par un opposant qui souhaitait que la mairie renonce à l’organisation d’une fan zone, Olivier Bianchi a réussi un joli salto en se contentant de répondre « il n’en a jamais été question ! » Circulez, il n’y aura rien à voir.

Fan zone, place de Jaude / Photo Thierry Zoccolan
Fan zone, place de Jaude / Photo Thierry Zoccolan

Boycotter qui, boycotter quoi ?

Eut-il été d’ailleurs bien raisonnable d’envisager de telles opérations financièrement coûteuses en pleine crise énergétique et avec un risque de faible mobilisation populaire compte-tenu des aléas de la saison ? Autant de raisons objectives qui auraient pu suffire à justifier l’absence d’écrans géants au lieu d’une récupération de bas étage permettant à des politiques de se parer de vertu.
Une singerie qui perdure quotidiennement lorsque les médias en mal de scoop interrogent des ‘’personnalités’’ pour savoir si elles suivront le mondial à la télé. Celles-ci répondant le plus souvent, embarrassées et zigzaguant à la normande, que « oui bien sûr…mais quand-même, au cas où les hommes de Deschamps…peut-être… ». Confirmant l’adage qu’il ne faut jamais dire jamais. Surtout en politique.
Et puisque les supporters d’Auxerre, Lens, Saint-Etienne ou Rennes affichaient ‘’Boycott Qatar 22’’ dans les stades de la dernière journée de ligue 1, pourquoi ne boycotteraient-ils pas eux-mêmes les matchs à venir du PSG, cheval de Troie qatari dans l’hexagone ?
Restaient aux zadistes à délaisser leurs occupations agraires pour aller camper sur le tarmac du Bourget afin d’empêcher le décollage de l’avion des Bleus pour Doha. On a échappé à la farce.

Banderole boycott / photo France Info
photo France Info

Singerie en Ovalie

Si le bon sens a conduit le foot à suspendre la compétition domestique pendant la durée du mondial, le ballon continue de ne pas tourner rond dans le petit monde de l’Ovalie. Comme d’habitude, la mini trêve de novembre n’aura pas suffi à masquer la singerie des vrais-faux doublons entre le TOP14 et le XV de France qui défient toute logique.
Certes, tous les clubs ne sont pas impactés de la même manière par l’absence de leurs joueurs internationaux mais cette année, en plus des nations ‘’majeures’’, l’intégration des Samoa, Tonga et Fidji dans la tournée d’automne aura eu pour conséquence de déshabiller un peu plus les effectifs.
L’ASM Clermont n’a pas échappé à cette ponction alors même que l’infirmerie affichait complet. Si l’indisponibilité de Damian Penaud, le quasi-unique facteur X de l’effectif, était écrite depuis longtemps et celle des argentins Lavanini et Delguy très envisageable, le club se serait bien passé des convocations du samoan Fritz Lee et du tongien Moala.
Plombée par l’étroitesse quantitative et qualitative de son banc, l’ASM a perdu ainsi des points précieux face à Bayonne dont l’entraîneur Grégory Patat, victorieux mais réaliste, nous confiait dans le couloir des vestiaires « C’est quand-même un drôle de championnat ! »Englués dans un calendrier international de plus en plus consommateur de dates et d’énergies, le TOP14 et son diffuseur restent droits dans leurs bottes en n’envisageant aucune adaptation sinon révolution. Le rugby est l’unique sport co dont le championnat ne fait pas entièrement relâche pendant la mobilisation des internationaux.

ASM-Bayonne / Photo France 3
Photo France 3

Stormy Weather

Paradoxalement, l’actuelle efficacité du XV tricolore n’est pas faite pour inciter à la révolution, confortant une impression de ‘’tout va bien’’ comme ca.
A dix mois de la Coupe du monde made in France, il est vrai que la troupe de Fabien Galthié collectionne des perf prometteuses. Son dernier grand combat victorieux contre les bœufs (mais néanmoins talentueux) Springboks, champions en titre, a apporté une nouvelle pierre à l’édifice fédéral. « Remettre l’église (le XV de France) au centre du village Rugby » n’était-il pas l’objectif avoué du président de la FFR Bernard Laporte.
Du springbok à la mode bison, les Montferrandais auront le loisir d’en déguster (méfions-nous de ce mot !) puisque les singeries européennes amènent quatre équipes sud africaines à disputer la coupe (dite) d’Europe. Avec les Stormers du Cap, ce pourrait bien être ‘’Stormy weather’’ au Michelin, en espérant ne pas revoir ce jeu délibérément violent qui n’incite sûrement pas les familles à envoyer leurs gamins dans les écoles de rugby.
Et puis tiens, au fait, savez-vous qui est le transporteur officiel des clubs pour les navettes Afrique du sud-Europe de cette Heineken Cup ?…Qatar Airways ! Alors du coup, qu’est-ce qu’on fait ? On boycotte ? « Allez, on cause trop, on se déshydrate ! » (1)

XV de France / Photo FFR
XV de France / Photo FFR

(1) Un singe en hiver. Réal Henri Verneuil
(2) Source Banque Mondiale

Qatar airways / Photo EPCR
Photo EPCR

À propos de l'auteur

Yves Meunier

Bourbonnais originaire de Gannat où il s’est essayé au rugby sous le maillot de l’ASG pendant une douzaine d’années. Diplômé d’Etudes Supérieures en Sciences Economiques à l’Université de Clermont. Journaliste à France3 Région de 1972 à 2007. Aujourd’hui impliqué avec des amis dans une aventure viticole du côté de Saint-Emilion et toujours en prise avec le sport auvergnat au sein de l’Union des Journalistes de Sports en France.

Commenter

Cliquez ici pour commenter

Sponsorisé

Les infos dans votre boite

Sponsorisé