The « Egyptian gazette » donne la réplique au francophone « Progrès égyptien ». Même format, même pagination chiche, même papier poreux, même encre baveuse, mêmes brèves qui ne sont que légende hagiographique des personnalités figées sur la photo, autour d’une table solennelle présidée, hiératique, par le pharaon ou l’un de ses scribes. Pour n’évoquer qu’un énième projet, forcément majeur et déjà réussi, phare de la grandeur égyptienne éclairant une Afrique reconnaissante vers un avenir radieux.
Ainsi, dans l’édition du jour, « d’une vie décente », programme sensé révolutionner la vie rurale ! Mais impossible d’en lire plus sur ledit programme que la seule grandeur et célérité de ses porteurs.
En der, les brèves du monde esquissent bien un semblant de sens critique, mais de peu de libre arbitre. Pas de météo non plus alors que pourtant, ici aussi, le changement transpire.
De chaleur accablée
En ce début septembre, c’est sous 45 à 50 degrés que l’on visite les sites de l’Égypte antique, entre Louxor et Assouan. L’avantage est que peu de fous s’y risquent, presque seul ainsi à profiter de ces temples de gloire qui jaillirent des sables alors même que nous sortions à peine de nos grottes.
Seul, Un, Wahid1, ainsi qu’au fil des jours les chauffeurs successifs répondaient aux gardes nonchalants et dépenaillés des incessants checks points :
• Combien de touristes ?
• un.
Je suis vite devenu Monsieur Wahid, au lent long du Nil, aux ombres rares des pylônes et colonnes, dans la moiteur étouffante des tombes, au soleil d’Égypte.
Trois millénaires en un
De Karnak à Philae, d’Edfou à Kom Ombo, des tombes des Rois aux colosses de Memnon, il faut bien constater l’unicité des règnes pourtant nombreux, celle des jeux immuables de pouvoir, des vies des dieux, des plans des temples, de leur ornementation, des récits hiéroglyphiques. Trois mille ans d’un même récit !
Un égyptologue dirait sans doute la diversité qui m’échappe, frappé par cette constance pour laquelle les jours de voile à remonter le Nil et ses rivages répètent les paysages.
L’impression que cette civilisation inventa tout à ses premiers jours et vécu trois millénaires sur ses acquis, architecturaux, religieux, politiques et sociaux.
Il demeure l’impressionnant rapprochement des édifices de leur temporalité, leur dialogue figé avec la mouvance des sables, la langueur sereine des rives vertes du grand fleuve, à l’ombre des voiles du Dahabieh.
Malgré de nombreux voyages dans l’Histoire, celui d’Égypte en est la quintessence, jusqu’à la nausée. Une émotion froide, mais aucun regret d’avoir vu.
Finir cette dérive voyageuse à Assouan, c’est se rapprocher du syndrome de Stendhal. D’autres ont succombé aux charmes de l’Old Cataract et à sa vue sur les méandres rocheux du Nil, au ballet des felouques, aux dunes en toile de fond. Ils avaient bon goût !
1 / Wahid : « un » en arabe
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