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Pascale Fontaine sur le stand des éditions Cipango au festival Etonnants Voyageurs de St-Malo, en 2018 - photo D.R.
Culture

Les éditions Cipango, l’appel de l’Ailleurs

A Durtol, la maison d'édition Jeunesse Cipango, créée par une ancienne assistante de Gallimard Jeunesse, s'apprête à sortir, ce printemps, cinq nouveaux albums.

Cipango, ancien nom chinois du Japon, peut-on lire dans le dictionnaire. Cipango, évoqué dans les récits de voyages de l’explorateur gênois, Marco Polo. Cipango, devenu depuis l’été 2015 le nom d’une maison d’édition Jeunesse fondée par Pascale Fontaine, à Durtol. Nouvelle aventure pour cette diplômée en lettres, qui, auparavant, en aura vécu d’autres. Une, notamment, formatrice, à Paris. Chez Gallimard Jeunesse, aux côtés de Pierre Marchand. « Un grand éditeur qui a beaucoup développé le département Jeunesse. » Suivront quatre ans de collaboration avec la maison d’édition clermontoise, Reflets d’Ailleurs, spécialisée dans les carnets de voyage. Et, entre-temps, l’enseignement.

Une appétence pour l’illustration Jeunesse

La cohérence est là qui se dessine au fil du parcours. D’un univers personnel tissé entre cultures du monde et littérature Jeunesse. Un secteur qui, en dépit d’une baisse de son chiffre d’affaires sur ces dix dernières années, « reste très dynamique. Avec énormément de talents, de projets, de maisons d’éditions de grande qualité, qui font leur place. » Un genre « souvent sous-estimé« , que Pascale affectionne : « avec mes enfants et dans mon métier, je (l’ai) beaucoup pratiqué » ; et qu’elle estime avoir « beaucoup  de potentiel. » A commencer par l’expression graphique. Un terreau fertile pour les illustrateurs. »C’est le rapport assez fort à l’illustration, et la diversité esthétique et littéraire qu’on pouvait trouver en littérature Jeunesse qui m’a plu (…)« , commente cette perfectionniste. « L’idée de transmettre aussi. » Pascale est également sensible à autre chose : l’objet livre. Consciente – par-delà le texte -, de l’importance de l’habillage. Des matières. Des détails. « Je choisis beaucoup de choses à toutes les étapes « , explique-t-elle. De la mise en page à la typographie, du choix du papier aux illustrations, elle « défend une sensibilité esthétique (…) souvent d’inspiration japonaise« , où dominent les rendus aquarellisés, les couleurs chatoyantes et les pastels.

Des valeurs et du goût pour les cultures du monde

La ligne éditoriale se construit sur des points cardinaux. « La richesse des cultures du monde. » L’imaginaire. Une combinaison de valeurs : « l’authenticité (…) l’éveil, la sagesse et la curiosité. » D’autres, encore, fondamentales « (…) que je cherche à transmettre « , tient-elle à préciser. « [Des valeurs] humanistes. Le respect de l’Autre, le droit à la diversité culturelle. Avec certains encouragements. Notamment en faveur des migrants (…) Et une certaine sensibilité poétique dans l’attention qu’on porte au monde. » Avec le temps le catalogue s’étoffe, autour de quatre collections. La plus emblématique, Cap sur l’Ailleurs, publie des adaptations de contes et des récits originaux des quatre coins du monde. Portes d’entrée dans le patrimoine immatériel de peuples millénaires, les collections Apprentis Sages & TamTam. La première est « une collection qui se veut ethnographique. Pour donner une voix, et une parole d’authenticité à ces cultures, qu’on a besoin de connaitre. Qu’il faut connaitre. » La seconde propose, quant à elle, des recueils de contes augmentés. Associés à un documentaire, pour approfondir la connaissance d’un pays.  

L’ouverture vers d’autres publics et des narrations innovantes

Deux autres collections enfin : Imaginaire & Poésie et Clair de Terre.  Récente, la seconde marque un tournant dans l’histoire de Cipango. L’ouverture sur un lectorat plus large (ados et adultes) et un format inédit : la nouvelle. Confirmation de cette évolution éditoriale avec la publication d’un album sans texte, On va où ? de Cécile Serres. Servi par la simple puissance évocatrice des images. Un genre en vogue dans l’édition Jeunesse, et qui, de l’avis des pédagogues, stimulerait l’apprentissage de la langue chez l’enfant. Pour Pascale, néanmoins, « c’est une prise de risques. » Qu’importe. Elle « privilégie le coup du cœur sur la rentabilité de l’album. » Pour ce qui est des sorties ? 7 à 8 par an. Un seuil maximal, car fabriquer un album demande du temps. « Une année, voire plus. » Et dans l’année, les projets d’albums, il y en a toujours plusieurs sur le feu. En même temps. Et la jeune éditrice est seule à gérer la chaîne de fabrication : de la préparation de l’album à l’impression, en passant par la vente. De bout en bout. Enfin, pas tout à fait. Autour d’elle gravite une équipe d’auteurs et d’illustrateurs, auxquels elle est fidèle. « J’ai confiance en eux. » Une belle mutualisation les lie. Des affinités, aussi. Des histoires d’accords. Comme celle avec l’illustratrice Bénédicte Nemo. Ensemble elles auront travaillé sur sept albums.

Cinq sorties d’albums et de la communication quand même un peu

Forte d’une trajectoire sans tempêtes, Cipango peut être fière du chemin parcouru en à peine cinq ans. Une trentaine d’albums, de nombreuses sélections, des prix, et ce malgré une communication confidentielle. Pascale d’avancer qu’il lui faudra mettre en place « de petites campagnes ponctuelles » lors des sorties d’albums. Pour mieux se faire connaitre et assurer le relais auprès d’un public toujours plus nombreux à la suivre : des libraires aux lecteurs, des blogueurs aux journalistes. Jusque-là le contact se faisait essentiellement sur les salons et les festivals, ces indispensables rendez-vous pour les petites maisons d’édition de province. Que se profile-t-il pour Cipango à l’horizon des prochains mois ? La publication de nouveaux albums. De nouveaux récits initiatiques empreints, sans nul doute, de sagesse, de poésie et de douceur, ce « retour sur soi qui invente l’avenir, à l’image de la spirale. » (1) A l’image de la voix de son éditrice. Plus que jamais sur le pont. Déjà portée vers de nouveaux champs d’exploration d’un Ailleurs à transmettre : « j’ai énormément de projets que je vais mettre en chantier très vite. »

(1), Puissance de la douceur, Anne Dufourmantelle, Payot, 2013.

 

À propos de l'auteur

Sandrine Planchon

Après une prépa lettres et des diplômes en sciences humaines, Sandrine Planchon s'oriente vers la radio. Depuis 1999 elle travaille différents formats sur Altitude, Arverne, RCF, RCCF. Investie depuis 2015 dans un projet sur le numérique avec Elise Aspord, historienne de l'art, elle encadre aussi depuis 2014 les projets d'étudiants du Kalamazoo College (US).

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