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Julie Gaucher / Photo © photofun
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Entretiens

Julie Gaucher : la tête et les jambes… les bras aussi

Docteure en littérature française, agrégée de lettres modernes, elle se passionne pour la littérature sportive, l’histoire du sport, de l’olympisme… et des sportives. Chercheuse associée au laboratoire L-Vis de l’université Lyon 1, elle fait également partie de la Commission Histoire de Paris 2024.

Docteure en littérature française, agrégée de lettres modernes, chercheuse associée au laboratoire L-Vis de l’université Lyon 1, la clermontoise Julie Gaucher est également membre de la Commission Histoire des J.O. Paris 2024. Telle une marathonienne de l’esprit, elle se passionne pour la littérature sportive, l’histoire du sport et de l’olympisme mais aussi de celle des femmes sportives auxquelles elle a consacrée un thèse intitulée Sport et genre : quand la littérature s’en mêle : féminités et masculinités dans l’écriture littéraire du sport (1920-1955).
A l’occasion de la sortie de Et elles se mirent à courir, recueil de poésie publié par Les Éditions du Volcan, elle a accepté de nous parler de son métier d’historienne et de la Commission Histoire des prochains Jeux Olympiques de Paris.

Olivier Perrot : Quel est le rôle des historiens du sport ?
Julie Gaucher : A partir d’un événement, d’une technique, d’un club, ou d’un sportif, pour ne citer que quelques exemples, il s’agit de prendre de la hauteur pour mieux comprendre la société et ce qui s’y joue. Le sport peut effectivement être pensé comme révélateur des tensions sociales, politiques ou géopolitiques qui traversent nos sociétés. Il est une autre porte d’entrée dans l’histoire.

O.P :  Cela veut dire que vous ne vous intéressez pas vraiment aux résultats ?
J.G : Les résultats ne sont pas nécessairement notre priorité. Faire l’histoire du sport dépasse le simple intérêt pour les palmarès, qui relève davantage d’un travail journalistique. Le monde du sport est-il attentif à ses archives et son histoire ? Pendant très longtemps les archives du sport n’ont pas été une priorité des instances sportives. Les historiens le savent bien, et il est parfois très compliqué de travailler sur les archives sportives qui n’ont pas forcément fait l’objet de politique de conservation. Ce n’est toutefois pas le cas pour toutes les instances du sport et le CIO, par exemple, a fait ce travail de conservation des archives. Mais du côté des clubs et des fédérations, les choses évoluent…

O.P : Et du côté des sportifs ?
J.G : Leur parcours est souvent accessible grâce à la presse. Certains sportifs ont réalisé des press-book relatif à leur carrière et sont parfois conservés dans des archives privées.

O.P : Donc il y a beaucoup d’éléments manquants ? 
J.G : Oui… Entre ce qui n’a pas été gardé et ce qui a disparu lors de changements de locaux par exemple, il peut y avoir de gros trous.

O.P : Et du côté des archives départementales et régionales ?
J.G : Il n’y a tout simplement pas d’entrée « sport » dans ces archives. Nous sommes obligés de chercher un peu partout. Les Archives Nationales du Monde du Travail de Roubaix avaient commencé un travail de collecte, mais il est en standby actuellement.

O.P : Comment vous êtes-vous retrouvée dans la commission histoire de Paris 2024 ?
J.G : En 2019-2020, Emmanuel Laurentin, (ndlr : animateur de « La Fabrique de l’histoire » sur France Culture durant 20 ans), a été chargé de réunir une commission paritaire consacrée à l’histoire pour accompagner les J.O de Paris 2024. Il a donc réuni des personnalités de la radio, des historiens, des historiens du sport… j’ai la chance de pouvoir faire partie de ce consortium des chercheurs. Nous travaillons avec une liberté intellectuelle et en toute indépendance vis-à-vis du C.I.O. et du COJO.

O.P : De quelle question traitez-vous dans cette commission ?
J.G : Il s’agit de réfléchir à l’héritage dont dispose Paris 2024, puisque les Jeux ont une importante histoire en France : faut-il rappeler que le restaurateur des Jeux, Pierre de Coubertin, est français ? Par ailleurs, la France a déjà accueilli les JO : en 1900 et 1924, à Paris pour les JO d’été ; en 1924, 1968 et 1992 pour les JO d’hiver à Chamonix, Grenoble et Albertville. La commission  Impact et Héritage du COJO travaille aussi sur l’héritage que les Jeux vont laisser. Que restera-t-il après 2024 aux Parisiens, aux Franciliens, et plus généralement aux Français ? C’est aussi une question fondamentale.

O.P. Comment le travail de la commission se matérialise pour le grand public ?
J.G : Nous participons à des cycles de conférences. Récemment à Marseille, deux des membres de la commission sont intervenus avec des sportifs pour parler de la voile, de l’héritage de la voile pour la ville, de l’évolution des techniques. Rappelons que Marseille accueillera les épreuves de voile en 2024. Nous sommes également présents chaque mois de juin aux arènes de Lutèce (Paris) pour des rencontres au cours desquelles nous évoquons notamment l’héritage olympique de la ville de Paris. La première édition a eu lieu en 2022 et sera reconduite en 2023 et 2024.

O.P : Et à l’issue des J.O, que restera-t-il pour vous, historienne du sport ?
J.G : Les échanges au sein de la commission et les rencontres que nous faisons, alimentent ma réflexion et apportent une matière utile pour mes futures recherches. Au-delà, j’espère que le travail de cette commission permettra de relancer l’idée de faire de la sensibilisation dans les territoires auprès des archivistes via le ministère de la Culture et les archives nationales afin que les documents liés au sport soient mieux accueillis et répertoriés.

Poétesse à ses heures

Et elles se mirent à courir, Julie GaucherJulie Gaucher vient de publier un très beau recueil de poésies dans lesquelles il est question de courses à pied, de longueurs de bassin, de sensation de fatigue et de bien-être, de combats contre soi ou contre l’autre, de combats féministes… Elle, qui sait si bien rédiger les montagnes de documents imposées par son statut d’enseignante-chercheur, est capable de se délester d’un encombrant vocabulaire pour aller à l’essentiel réclamé par la poésie. En croisant son expérience personnelle avec ses connaissances du sport féminin, elle offre aux lecteurs quelques perles remplies de sensations aussi intimes qu’universelles, parlant d’elle-même, parlant de femmes devenues des modèles, attirant le lecteur sur la cendrée d’une piste olympique ou dans l’eau délicieusement chlorée d’une Piscine Tournesol.

Julie Gaucher Et elles se mirent à courir, préface de Rim Battal,
Les Éditions du Volcan, collection Matières à Poésie.

 

À propos de l'auteur

Olivier Perrot

Pionnier de la Radio Libre en 1981, Olivier Perrot a été animateur et journaliste notamment sur le réseau Europe 2 avant de devenir responsable communication et événements à la Fnac. Président de Kanti sas, spécialisée dans la communication culturelle, il a décidé de se réinvestir dans l'univers des médias en participant à la création de 7jours à Clermont.

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