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« Game over ! »

Si le nuage de Tchernobyl avait eu officiellement le bon goût de ne pas franchir nos frontières, le Covid-19 n’a rien respecté. Et notre monde du XXIème siècle où les droits de chacun avaient pris l’habitude de s’asseoir sur les devoirs de tous, en prend un grand coup dans la gueule. La détresse sanitaire va se doubler d’une crise économique historique à laquelle le sport professionnel n’échappera pas.

Avant-même la fin mars, la plupart des fédérations françaises avaient pris la plus sage décision qui soit en mettant fin à la saison en cours pour les amateurs. Pas de titres de champions en 2020…serait-ce bien grave au regard des conséquences de la pandémie ? Poser la question équivaut à y répondre.

Show must go on !  

“La peur du vide’’- photo info-stades.fr

Du côté des pros, l’affaire n’était pas simple. Si des décisions fortes comme le report des JO de Tokyo et du championnat d’Europe de foot à 2021, ou l’annulation pure et simple du tournoi de tennis de Wimbledon (prévu du 29 juin au 12 juillet), s’étaient frayées un chemin dans l’actualité, certains sports restaient empêtrés dans leurs tiroirs caisses.

A tel point que l’Union Européenne de Football s’énervait toute rouge quand la Belgique et l’Ecosse annonçaient leur intention de mettre un terme définitif à la saison. Il faut dire que les recettes des compétitions européennes et surtout celles des droits TV sont vitales pour le bizness foot.

Pas de matchs, pas de sous. Les diffuseurs ont déjà suspendu le paiement des droits aux clubs dont certains se voient au bord du gouffre. Pour info, en Ligue 1 près de 40% des recettes proviennent des droits TV. On comprend pourquoi ‘’show must go on !’’

Côté rugby, où les budgets n’ont rien à voir avec ceux du foot, la situation n’en est pas moins compliquée. La Ligue Nationale entendait bien que les championnats pros continuent, d’où un feuilleton jusqu’au-boutiste alimentant la chronique.

En Top14, il restait (sans compter la coupe d’Europe) 12 dates à trouver dont une date butoir « qui pourrait être le 18 juillet pour la finale » affirmait le président Paul Goze

En partant de l’idée que les entraînements reprendraient début mai et les matchs début juin, une formule à géométrie variable permettrait de sauver les meubles en remplissant les stades et les caisses. ‘’Show must go on !’’

Mais franchement, et cela vaut aussi pour le foot, était-il bien raisonnable d’imaginer entasser des milliers de personnes comme des sardines dans les tribunes ?

A moins de trier les spectateurs en fonction de leur provenance géographique, de procéder à des dépistages individuels aux entrées des stades où tout le monde porterait le masque, y compris les joueurs….qui devraient, bien sûr, éviter tout contact !

Fallait-il être naïf pour envisager une fin de confinement telle l’ouverture d’une cage aux oiseaux alors que le retour ‘’à la normale’’ prendra plusieurs mois.

Les propos tenus le 13 avril par le Président de la République ont renvoyé les utopies dans le placard : « Pas d’évènements avec un public nombreux au moins jusqu’à la mi-juillet ! ».

La main au porte-monnaie

Que faire alors pour éviter le krach financier qui menace les clubs, à l’image de la Fédération de rugby des USA qui a déjà déposé le bilan ?

A la Juventus de Turin, footballeurs et entraîneurs, les premiers, ont accepté de renoncer à quatre mois de salaire tandis qu’au Barca la feuille de paye des joueurs sera réduite de 70% pendant la durée de la crise

Vous me direz qu’avec les niveaux pratiqués dans les grands clubs, il reste de quoi vivre aux joueurs qui ne changeront pas la Ferrari contre une Fiat 500.

En France aussi on vient de s’accorder pour tailler dans les salaires selon un barème progressif (revenu mensuel médian L1 hors PSG : 35 000€).

Quant aux clubs de rugby du Premiership Anglais, ils ont opté pour une baisse de 25% des salaires, ouvrant une voie sur laquelle les Néo-zélandais, notamment, se sont engagés derrière l’entraîneur des All Black, Ian Foster : « Pas de matchs, pas de recettes…il faut faire des coupes dans les programmes, les salaires en font partie ! »

Dans notre douce France, le syndicat des joueurs (Provale) ne l’entendait pas de cette oreille : « Ce truc là commence à m’énerver…c’est une connerie… » (1)

Et le chef syndicaliste de l’ovale hexagonale Robins Tchale Watchou d’ajouter sans rire, qu’une « baisse des salaires de 2 % » serait peut-être envisageable. Ah, quand-même !

« A la saison prochaine…’-photo Y.M.

Et si on dégraissait le Mammouth ?

Pour faire simple, la moyenne des salaires mensuels du Top 14 tourne autour de 20 000 € (55 000 pour le plus élevé à l’ASM). Dans la situation de chômage partiel où sont placés actuellement les joueurs, les clubs leur verse 70% des salaires bruts (84% du net) dont près de 5 000€ offerts par le contribuable dans le cadre des mesures gouvernementales d’aide aux entreprises.

Bon gré mal gré tout le monde joue le jeu. « Je ne vois pas au nom de quoi on resterait une bulle à part » affirme l’entraîneur clermontois Franck Azéma qui ajoute, lucide  « tout le monde va devoir faire des efforts. C’est simple à comprendre au regard de la réalité. » (2)

Avec Canal+ qui ferme le robinet et des partenaires économiques dont beaucoup auront probablement du mal à honorer de futurs engagements, il va bien falloir que tout le monde y mette du sien sous peine de faire exploser la bulle.

Ce serait, du coup, une belle occasion de dégraisser un système déficitaire (40M€ pour la saison dernière en TOP 14) qui vit au dessus de ses moyens et ne sauve les apparences que par la magie des gros chèques de quelques présidents fortunés. Les dirigeants pourraient peut-être aussi oublier leur égoïsme pour imaginer une toute autre organisation de notre rugby pro.

Le mieux serait quand-même que la nageuse-ministre des sports, autorité de tutelle, sorte enfin la tête de l’eau pour dire à ce beau monde « Game Over ! »

(A suivre)

 

(1°) Midol. 30 mars

(2) La Montagne.9 avril

À propos de l'auteur

Yves Meunier

Bourbonnais originaire de Gannat où il s’est essayé au rugby sous le maillot de l’ASG pendant une douzaine d’années. Diplômé d’Etudes Supérieures en Sciences Economiques à l’Université de Clermont. Journaliste à France3 Région de 1972 à 2007. Aujourd’hui impliqué avec des amis dans une aventure viticole du côté de Saint-Emilion et toujours en prise avec le sport auvergnat au sein de l’Union des Journalistes de Sports en France.

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