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Ilustration Zaïtchick.
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Faire le pari de la douceur pour border la violence

"Je suis professeur des écoles en primaire et je me pose de plus en plus de questions à propos de la violence. Les enfants que j’accueille en cours semblent en prise avec une violence qui me laisse bien démunie. Parfois un enfant voit chez un autre un objet que lui même ne possède pas et veut le prendre ou le détruire. Mais parfois, on dirait que la violence surgit, hors tout contexte, sans raison apparente. Ce qui m’interpelle, c’est que lorsque ça arrive, et c’est fréquent, je sens une souffrance chez l’enfant. Je ne sais pas trop comment me positionner pour l’apaiser ou au moins, ne pas en rajouter."

Il est important de saisir effectivement, ce qui se met en jeu lorsqu’un enfant rencontre en lui, une émergence de violence. Ce n’est pas toujours pareil.

Vous distinguez deux formes d’expression de la violence, radicalement différentes l’une de l’autre. La première correspond à l’intention d’agression d’un jeune vers un autre, car il est pris dans le piège de la rivalité ou de la frustration. Dans ce cas, vous pouvez l’aider à donner une signification à cette violence, à poser des mots sur ce qui lui arrive, dans le cadre d’un dialogue. D’abord avec vous, pour l’aider à faire déconsister les éléments de rivalité, et dans un second temps, si vous sentez que cela est possible, vous pouvez vous faire médiateur d’un dialogue entre lui et l’autre jeune avec lequel il y a le conflit. Pour cela, procéder avec douceur.

Un mouvement pulsionnel

Comme vous le remarquez très justement, parfois la violence n’a aussi rien à voir avec la parole. Elle surgit comme un mouvement pulsionnel sans refoulement et sans raison. La tendance à agresser apparaît violemment comme une effraction dans le corps, qui peut tout emporter.

Elias Canetti dans son texte La langue sauvée parle de cette violence qui le poussa à vouloir tuer sa cousine d’un coup de hache, car celle-ci refusait de lui montrer le cahier qu’elle ramenait de l’école. Trop jeune, il n’y allait pas encore, mais les lettres déjà le fascinaient : « Maintenant je vais tuer Laurica ! » . Le grand-père vint en renfort et arracha la hache des mains d’Elias avant qu’il ne fût trop tard. Le conseil de famille s’interrogea sur l’émergence de violence conduisant le petit garçon à vouloir détruire l’autre. Canetti écrit lui-même que l’on comprit « l’attirance que j’avais pour la lettre et l’écriture », sans comprendre cependant « qu’il devait y avoir en moi quelque chose de très mauvais et dangereux puisque j’étais allé jusqu’à vouloir la tuer ». Il trouva lui même sa solution pour faire bord à une violence qui le débordait. Il écrivit, ce qui le mit sur la voie du prix Nobel de littérature, qu’il reçut en 1981.

Courtoisie, respect, obéissance

Il est nécessaire de ne pas trop s’empresser de poser ce terme de violence comme un prédicat sur un enfant. Mais plutôt de veiller aux modalités de réponses. Qu’est ce qui fait souffrance dans l’émergence de la violence ? Comment l’accueillir ? Faites le pari de la conversation, en instaurant la courtoisie, le respect, l’obéissance au référent. Mais avec douceur, avec plus ou moins de cadre, de règles, d’autorité mais surtout, de préférence avec douceur. Ce qui n’empêche pas de manier, s’il le faut, une contre violence symbolique. Agir fermement, mais avec douceur.

 

À propos de l'auteur

Karine Mioche

Elle exerce  la psychologie clinique en cabinet libéral, à Clermont-Ferrand et en centre thérapeutique. Au sein de son cabinet , situé en centre-ville, elle est associée à trois médecins. Elle y accueille des adultes, des adolescents et des enfants. Par ailleurs, elle écrit, effectue des recherches et réalise des expertises.

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