Tendant le bras vers leur bibliothèque ou se saisissant d’un ouvrage posé sur leur table de chevet, chroniqueurs, journalistes et autres collaborateurs de 7 Jours à Clermont vous conseillent, tour à tour, un livre susceptible d’agrémenter cette période, synonyme de confinement. Comme toujours dans ce genre d’exercice, le plus difficile est de n’en retenir qu’un…
Julien Oury (journaliste) – Nous étions jeunes et insouciants, Laurent Fignon (éditions Grasset)
« C’est avant tout pour revivre mon premier grand souvenir de cyclisme, le contre-la-montre du Tour de France 1989 et son improbable scénario, que j’ai souhaité lire le livre autobiographique de Laurent Fignon, Nous étions jeunes et insouciants. Mais, rapidement, l’histoire de ce jeune coureur, loin des standards en étant parisien d’origine et un poil « intello », m’a passionné ! L’occasion de mieux comprendre un destin hors norme et de découvrir un autre cyclisme, à une époque où le dopage institutionnalisé entrait peu à peu dans les mœurs d’un sport éminemment populaire. »
Olivier Perrot (journaliste) – « Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon » de Jean-Paul Dubois (Edition de l’Olivier)
« Paul Hansen, le narrateur du dernier Jean-Paul Dubois prix Goncourt 2019, connaît bien le signification du mot confiné. Il purge en effet une peine de prison à Montréal et doit partager sa minuscule cellule avec Horton, Hells Angel dingue de Harley-Davidson, incarcéré pour meurtre.
Le roman est partagé entre le récit de la vie d’Hansen fils d’un pasteur danois et d’une exploitante de cinéma à Toulouse, et un quotidien de confiné avec WC ouvert et douche occasionnelle. Dans cet univers minuscule Dubois introduit avec brio fraternité et révolte face à toutes les formes d’injustice. »
Sandrine Planchon (journaliste) – « Désert » de J.M.G. Le Clézio.
« Un choc littéraire, ado, ce Désert qui évoque l’évolution du peuple touareg à travers deux récits que 70 ans d’histoire séparent. Eloge d’une civilisation broyée par le colonialisme et l’immigration vers les grandes villes, Désert suit le parcours initiatique de Lalla, jeune descendante des hommes bleus, en errance entre le Maroc et un quartier Nord de Marseille. Une quête d’identité portée par une écriture poétique. Sensorielle et épurée. D’une grande musicalité. Une ode à la liberté pour ce grand roman de la réparation et du retour aux sources. »
Anne-Sophie Simonet (chroniques d’Histoire en histoires) – « Les Carnets du major Thompson » de Pierre Daninos*
« La France est le seul pays du monde où, si vous ajoutez dix citoyens à dix autres, vous ne faites pas une addition, mais vingt divisions. »
Le ton ainsi donné, on se doit de croquer à pleines pages les observations croustillantes du so british major William Marmeduke Thompson, qui délaisse la chasse au tigre pour explorer « la jungle française ». Se faisant passer pour son traducteur, Daninos promène son héros dans une France surannée avec un style aussi étincelant que les trente glorieuses furent chatoyantes. Une (re)lecture sociologiquement drolatique en ces temps forcément inquiétants de mise en quarantaine de notre liberté chérie… »
Emmanuel Thérond (journaliste) – « Alto Braco » de Vanessa Bamberger (Editions Liana Levi).
« D’un côté, le lecteur, confiné, enfermé dans un quotidien étriqué. De l’autre, les espaces infinis de l’Aubrac, à perte de vue, comme un antidote à cette période de claustration imposée. La lecture de Alto Braco (« haut lieu », en occitan), le dernier roman de Vanessa Bamberger, permet de pousser les murs de son logement pour se retrouver au cœur de cette terre faite de « replats et de crêtes, d’herbe brûlée et d’infini brumeux. » Sur le plateau, « tout semble plus grand« , écrit l’auteur. Le confinement, ici, est essentiellement familial, avec des secrets, des non-dits et des sentiments qui enferment les personnages dans leur propre légende. Cette quête des origines est racontée par Brune, la narratrice, qui revient sur le plateau au moment de la mort de sa grand-mère. J’ai adoré la lecture de cette fiction à l’écriture soignée, comme un voyage immobile vers les lieux de mon enfance. »
Patrice Vergès (chroniques Ça m’énerve) – « Le fils du chiffonnier » de Kirk Douglas (Presses de la Renaissance).
« Passionné de cinéma, je suis lecteur de biographie d’acteurs depuis près de 40 ans. Sur les centaines lues, la plus passionnante, la plus authentique est à mon avis, les mémoires de Kirk Douglas récemment disparu au bel âge de 103 ans. Dans sa première bio publiée dans 1988 sous le nom Le fils du chiffonnier, Douglas raconte son enfance pauvre, ses débuts de sa carrière, son métier de star, ses engagements politiques contre le maccarthysme. Ce livre est un monument pour ceux qui s’intéressent au cinéma. Il conte que sa maman prénommée Bryna ne savait ni lire ni écrire. En l’honneur de sa mère, il avait appelé sa boîte de production Bryna. Lorsque le film Spartacus qu’il avait produit et interprété est sorti en 1961, sur le fronton du grand cinéma en grandes lettres néon où il était projeté, s’affichait « Bryna Productions présente Spartacus« . Il a emmené sa maman en voiture devant la devanture du cinéma et lui a expliqué » tu vois, c’est ton prénom écrit en grand ! ». »
* Le livre, datant de 1954, a été réédité en 2012 aux éditions Bernard de Fallois en deux tomes. Également disponible sur Internet (PDF et extraits).
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