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Crise sanitaire : décryptage à la veille de la rentrée avec le Pr Traoré

De l’état du variant anglais à celle la vaccination en passant par la gestion de la crise en septembre : Décryptage de la crise sanitaire à la veille de rentrée avec le professeur Ousmane Traoré, responsable du service hygiène -déterminant l’origine des virus et le protocole à suivre- au CHU de Clermont.

« La situation en Auvergne, et notamment à Clermont, est aujourd’hui plutôt calme. On a vu une petite augmentation du nombre de cas positifs et d’hospitalisation fin juin début juillet, mais ça reste quand même très modéré. Par contre, on avait la même situation l’été dernier et on avait observé une explosion. »

« L’impact du virus sera moins important que l’explosion d’octobre dernier grâce à la vaccination »

ED : Le risque de propagation est-il plus important lors des vacances ou à la rentrée ?
OT : En septembre dernier, à la rentrée, on avait vu une circulation intense du virus avec les afflux touristiques. Quand toutes ces personnes reviennent dans leur lieu de résidence, il y a un risque de réintroduction et de transmission massive du virus.  C’est donc cela que l’on craint au moment de la rentrée 2021. L’énorme différence sera la vaccination. L’année dernière, il n’y avait pas de vaccin et aujourd’hui on a quand même une part assez importante de population vacciné. On pense que l’impact du virus sera moins important que l’explosion d’octobre dernier, mais ça reste quand même la grande inconnu en Auvergne comme partout ailleurs. Beaucoup de modélisations le prévoient mais elles ne peuvent pas trop anticiper ce qui va se passer dans les semaines et les deux mois à venir.

ED : En ce moment 71% de la population française a reçu sa première dose…
OT : Quand on reçoit une dose on doit en recevoir une autre dans les 3-4 semaines. D’ici trois semaines, cette population aura reçu un schéma vaccinal complet et le taux de personnes ayant reçu une dose sera de 75%, ce qui est déjà honorable. Reste à savoir quel impact cela va avoir sur la circulation du virus et à quel niveau.

ED : Les personnes à risque qui se sont faites vaccinées au mois de janvier pourraient-elles recevoir leur dose dès septembre ?
OT : On a reçu cette semaine des consignes de la part des autorités ministérielles. Dans un premier temps on commencera à vacciner pour la 3ème doses les plus de 80 ans, puis les plus de 65 ans et les personnes immunodéprimés ( celles qui ont peu d’anticorps parce qu’elles ont reçus des greffes ou qu’elles ont des leucémies, des lymphomes ou qu’elles font de la chimiothérapie ) qui ont formes très graves d’infection. Ce plan se mettrait en place dès le 13 septembre mais nous sommes prêts à vacciner dès la semaine prochaine les patients de l’Ehpad du CHU.

« L’enjeu c’est de toujours avoir des lits de réanimation car il y a plein de personnes qui n’ont pas le Covid et qui en ont besoin. »

ED : Quels sont les retours que vous font vos collègues travaillant avec des personnes porteuses de covid et en salle de réanimation ?
OT : Dans les services de réanimation, comme je vous le disais, le nombre de cas hospitalisés a augmenté depuis la fin juin début juillet. On est passé en deux mois de 3 personnes en réanimation à 10 personnes en ce moment. Actuellement parmi toutes les personnes hospitalisées pour covid, on observe qu’il y a beaucoup de personnes jeunes patients hospitalisés qui restent quelques jours. Il y a donc un «turn over » qui est beaucoup plus important.
On a tout autour de 80 lits de réanimation. L’enjeu c’est de toujours en avoir, car il y a pleins de personnes qui n’ont pas le Covid et qui en ont besoin. Dans la gestion de la crise, c’est aussi important que la prise en charge des patients atteints de ce virus.

ED : Dans votre service, vous prêtez beaucoup d’attention à déterminer les variants qui infectent les patients, est-ce que le variant Delta est majoritaire ?
OT : Oui, pour 90 % des personnes c’est le variant Delta et depuis plus d’un mois. Le variant anglais a d’ailleurs quasiment disparu. C’est une demande des autorités nationales de déterminer les variants avec précision pour voir aussi s’il y en pas de nouveaux.

« On essaye de discuter avec les personnes réfractaires et de comprendre pourquoi elles le sont. »

ED : Quel est le pourcentage de personnel vaccinées au CHU de Clermont?
OT : On est en ce moment en train de calculer ces chiffres. On a pas encore récupéré tous les certificat de vaccination mais on doit être autour de 75% de personnes ayant reçu les deux doses.

ED : C’est donc plus que la moyenne nationale. Comment réagissez-vous alors avec le personnel du CHU non-vacciné ?
OT : C’est actuellement la mission de notre service hygiéniste. On essaye de discuter avec les personnes réfractaires et comprendre pourquoi elles le sont. Beaucoup de personnes sont aussi hésitantes. Nous essayons aussi de faire des communiqués en interne pour expliquer ce qu’est un vaccin ARN, leur fonctionnement, parler des effets secondaires et des bénéfices… comme cela avait été fait en 2009 avec la grippe H1N1. La loi dit qu’au 15 septembre -15 octobre, les personnels de santé qui n’auront pas de schéma complet s’exposent à des sanctions, comme cela avait été rappelé par le ministre de la santé jeudi. Je sais que l’arsenal sera de ne plus pouvoir exercer son métier et qu’il y aura aussi des suspensions de salaire

ED : Pourquoi ne pas aussi faire de la vulgarisation au-delà du CHU ?
OT : C’est vrai que l’on a fait surtout en intra au CHU. En travaillant avec le service communication, nous avons répondu aux questions et fait des vidéos. Certains de mes collègues sont allés sur des plateaux télé ou radio pour faire des interventions extérieures, et surtout en début de crise. On intervient aussi dans des maisons de retraites, des centres pour handicapés, des entreprises pour apporter de l’information sur la maladie, la prévention, la vaccination.

« Une fois la reprise passée, il faudra attendre 10-15 jours pour connaître l’incidence de la quatrième vague. »

ED : Est-ce que le pic de la 4ème vague est en ce moment atteint ?
OT : C’est encore beaucoup trop tôt pour le définir. On le sera dans le mois qui vient. Il faut attendre que tout le monde soit rentré pour reprendre ces activités sociales, professionnelles, avec toutes les « opportunités » de transmission du virus. Une fois la reprise passée, il faudra avoir les 10-15 jours de recul pour l’affirmer.

ED : En cette veille de rentrée, vous diriez que vous êtes serein ?
OT : Oui, je dirais que je le suis plutôt. C’est surtout au niveau de l’effet protecteur de la vaccination de la population. Fin 2020, dans les maisons de retraites c’était l’hécatombe sanitaire. On a réglé ça dès avril avec la vaccination de janvier. La couverture vaccinale de la population générale est certes moins importante que dans les Ehpad, mais cela aura un impact à la rentrée pouvant limiter la hauteur du pic.  Sans excès d’optimisme, on peut se fier là-dessus. Le vaccin limite les cas graves de contamination même s’il n’a pas une efficacité parfaite comme on le voit chez les personnes immunodéprimées.

ED : Dans sa conférence du jeudi 26 août Jean Michel Blanquer, ministre de l’éducation national se dit également serein et prévoit une « rentrée la plus normale possible» et dans le supérieur la rentrée sera 100% en présentiel comme le prévoit Frédérique Vidal, cela vous semble être judicieux ?
OT : A condition que l’on garde aussi les gestes barrières et le port du masque. L’hiver dernier on a vu une diminution très importante de de la grippe grâce aux gestes barrières. Ils ont eu un impact indéniable à tel point qu’on pourrait se demander s’ il ne faudrait pas les garder dans nos réflexes quotidiens, comme dans certains pays d’Asie.
Revenir à du présentiel est une très bonne nouvelle et réalisable. Avec les étudiants la propagation est certes importante mais le risque est surtout à l’extérieur de l’université.

 

À propos de l'auteur

Emma D'Aversa

Étudiante en Master d’histoire et anciennement en hypokhâgne, Emma souhaite faire du journalisme son métier. Originaire de Clermont, elle est particulièrement intéressée par l'actualité culturelle mais aussi sociale, environnementale et politique.

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