Si le Tour de France est plus grand que les coureurs, et même que leurs nationalités, les organisateurs de la course rêvent en secret de la victoire d’un coureur tricolore, un événement attendu depuis le dernier sacre de Bernard Hinault en 1985. Et ils n’hésitent plus à tracer un parcours susceptible de leur aller sur-mesure. Les prétendants français souffrent d’un déficit dans l’exercice du contre-la-montre. Alors, la spécialité est réduite à la portion congrue et le seul chrono est placé en moyenne montagne (La Planche des Belles Filles), histoire de sourire aux grimpeurs davantage qu’aux rouleurs. C’est dans les cols qu’ils excellent et peuvent faire la différence, alors Christian Prudhomme et son équipe en rajoutent en matière d’escalades… La carte du Tour 2020 est taillée évidemment pour Thibaut Pinot qui a fait naître des espoirs dans le Tour 2019. Problème de taille, toutefois pour le coureur franc-comtois : il n’est pas le seul, dans le peloton, à présenter un profil de grimpeur. Le tracé 2020 ira aussi comme un gant au vainqueur sortant, Egan Bernal, montagnard hors pair et leader de la redoutable formation Ineos.
Pinot peut-il gagner ?
La victoire obtenue fin 2018 sur les routes du Tour de Lombardie lui a ouvert de nouveaux horizons. Le report exceptionnel du Tour de France au mois de septembre ne peut que jouer en sa faveur puisqu’il souffre régulièrement des fortes chaleurs. Et le parcours, tonique, musclé, semble répondre à ses aptitudes. Ce sera, sans doute, l’année ou jamais pour Pinot, coureur mordant, capable d’exploits. Toutefois, sa fragilité chronique empêche de faire preuve d’optimisme alors que le départ de Nice approche. Le récent Critérium du Dauphiné, où il a cédé lors de la dernière étape, n’est certainement pas pour rassurer ses supporters. Pinot reste un outsider dans la course au maillot jaune.
Quid de Bardet ?
L’épidémie de Covid-19 a chamboulé le calendrier du coureur auvergnat qui avait inscrit le Giro comme son principal objectif 2020. Le Tour d’Italie reporté en octobre, Romain Bardet va donc s’aligner sur une Grande Boucle qui traversera sa région. Mais avec quelles ambitions ? Difficile à déterminer, en réalité, tant le natif de Brioude semble évasif. Contrairement aux années précédentes, en tous cas, il ne s’alignera pas au départ avec l’obsession de la victoire ou d’une place sur le podium. Il pourrait même viser davantage un succès d’étape. Et ce nouveau rôle, dépourvu de toute pression, pourrait éventuellement lui permettre de tirer son épingle du jeu au classement général, d’autant que le tracé du Tour lui est favorable. Néanmoins pour Romain Bardet, en partance pour la formation Sunweb, 2020 ressemble avant tout à une année de transition.
Bernal vers le doublé ?
Tout va bien pour le Colombien, désormais débarrassé de la présence gênante de Christopher Froome et de Geraint Thomas au sein de son équipe. Contrairement à l’édition 2019 (qu’il a gagnée), le jeune champion (23 ans) sera donc l’unique leader d’Ineos et il semble avoir toutes les cartes en mains pour renouveler son bail. Le tenant du titre, qui règne en altitude, n’a pas vraiment de faille dans sa cuirasse. Il a néanmoins subi la domination du Slovène Primoz Roglic sur les routes du Tour de l’Ain et du Dauphiné. Pas de quoi l’empêcher de dormir, toutefois…
Roglic tiendra-t-il la distance ?
Roglic, justement, est sans doute le seul à pouvoir mettre en péril la suprématie du tenant du titre. Numéro un mondial, intouchable lors des courses par étapes d’une semaine, vainqueur de la dernière Vuelta, l’ancien sauteur à ski peut suivre tous les rythmes en montagne, voire imposer le sien, et il est aussi un rouleur hors pair. Impressionnant ces dernières semaines, le coureur de Jumbo Visma a malheureusement été victime d’une lourde chute sur le Critérium du Dauphiné qui l’a coupé dans son élan. On ne sait pas dans quelle mesure il aura récupéré au départ de Nice. D’autre part, son aptitude à gérer les efforts sur trois semaines interroge encore. Il a certes remporté le Tour d’Espagne en 2019 mais il avait cédé, auparavant sur le Tour d’Italie lors des derniers jours. Enfin, Roglic, pourtant habile descendeur, devra rester sur son vélo s’il entend prétendre à la victoire. Force est de constater qu’il tombe souvent…
Jumbo Visma aussi fort qu’Ineos ?
Au-delà du duel Bernal-Roglic, le Tour s’annonce aussi comme un affrontement entre les armadas réunis autour des deux favoris. Ineos (ex Sky) écrase le Tour depuis 2012, en agissant comme un rouleau compresseur. Mais Jumbo Visma s’est sérieusement renforcé et entend lui tenir la dragée haute. Tom Dumoulin est arrivé aux côtés de Primoz Roglic et constituera un allié précieux (ou une éventuelle deuxième carte). L’équipe néerlandaise sera par contre privée de son troisième atout, Steven Kruijswijk, accidenté sévérementsur le Dauphiné. Un coup dur… Du côté d’Ineos, ce sera tous pour un autour de Bernal. Un effectif au sein duquel le Russe Pavel Sivakov devrait être particulièrement en évidence.
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