Loin de l’aventure absolue du Paris-Dakar de jadis qui tenait la France en haleine, le ‘’Dakar’’ tout court de nos temps modernes, sécurisé dans les sables saoudiens qui fleurent bon l’oseille, recueille surtout l’attention des aficionados du sport mécanique. Ce rendez-vous du nouvel an n’est pourtant pas dénué d’intérêt, ne serait-ce que parce que le chant des voitures hybrides a commencé à se faire entendre aux côtés des bruits de moteur à l’ancienne.

Les voies de la passion

L’édition 2023 de ce Dakar new look a donc suscité quelques pointes de curiosité, l’une d’elles étant la présence de trois motos du KOVE Rally Team. Non que ce fut la première apparition de la Chine sur le Dakar, mais l’inédit résidait dans le fait que l’équipe était a priori 100% chinoise. Sauf que, arraché à son camp de base arverne, le dénommé Thierry Charbonnier s’était trouvé enrôlé dans le commando de l’Empire du milieu. Un enrôlement librement consenti tant la passion du Clermontois pour le tout-terrain et la moto est moins que jamais démentie.
Cinq fois champion de France et double champion du monde d’Enduro (1987 et 88), c’est à 19 ans dans le cadre du service militaire que le surnommé ‘’Carbi ‘’ avait mis les roues de la galère dans le Dakar 82 sur une Husqvarna 250 automatique. Galère donc, mais honorable 8e place pour une première… et toujours à l’arrivée des huit Dakar qu’il disputera avec une 4e position en 86, une victoire d’étape mauritanienne en 87 et une seconde place au général de 93 derrière le roi Peterhansel dont il fut le parfait équipier sous les couleurs du Team Yamaha.
Le rallye des Pharaons, l’Atlas ou la Tunisie n’ayant plus de secrets pour l’Auvergnat, il pouvait passer sur quatre roues, notamment au volant des ML430 du Team clermontois de Georges Groine, avant de se lancer dans le développement du proto anglais Bowler.
Bref, sans lâcher le guidon ni le volant, le business l’amènera bientôt à travailler avec des groupes chinois. « Depuis 2010, même avant que je devienne importateur à partir de 2017 avec la société GD France pour plusieurs marques de quads, motos ou SSV chinois ».

À l’est du nouveau

Toujours habité par le goût de la découverte, l’automne 2022 l’amène au salon moto de Milan où, tel un parisien devant la belle salers Ovalie au salon de l’agriculture, il tombe en pâmoison devant une machine du stand KOVE. « J’étais subjugué et interrogatif face à cette 450Rally qui paraissait tellement aboutie… » Interrogation bientôt levée quand il se retrouve nez à nez avec le patron de KOVE, xiansheng (monsieur) Zang Xue, 38 ans, moto crossman et constructeur depuis seulement cinq ans. « Avant de proposer cette 450Rally, il avait déjà lancé 150 000 motos sportives sur le marché chinois, très orienté vers le trail ».
Par l’entremise de son collaborateur multilingue, le camarade Zang Xue explique, l’œil brillant, qu’ayant passé le cap des sélections, trois motos et trois pilotes maison seront engagés sur le Dakar, vitrine idéale pour pénétrer le marché international. On échange les 06 au cas où…et cela ne va pas trainer.
Le soir même Carbi est sollicité pour un rendez-vous le lendemain à l’heure du café et de la brioche au sucre (on est à Milan). Souhaitant optimiser ses chances avec les compétences d’un vieux briscard du rallye-raid, le patron de KOVE propose à l’auvergnat tout de go et sans jeu de mot de prendre la casquette de Team Manager. « Je vais réfléchir » répond l’intéressé, mais pas trop longtemps car on ne se refait pas. « Je me suis donc lancé…rien que pour le plaisir ! »

Du Michelin sinon rien pour Carbix !

Et le désormais Carbix de s’allier à l’Empire du Milieu en passant par l’Arabie Saoudite. Mais avant d’attaquer les 8549 km des 14 étapes reliant la Mer Rouge au Golf Persique, le Clermontois avait posé une condition sine qua non à Zang Xue : « Pas question de rouler avec ça ! » en désignant les pneumatiques chinois. « On va les remplacer par du Michelin ! » et du coup, la manufacture de se retrouver partenaire de KOVE. Pas fou Carbix !
Au bout du compte, l’opération se révèlera positive pour la KOVE Rally Team qui va mener à l’arrivée ses trois pilotes Sunier (46 ème ), Den Liangsong (67ème) et Fang Mingji (77 ème ). Sans compter le succès de curiosité.
De 500 exemplaires vendus avant le Dakar, ce sont 1500 commandes qui seront passées dès la fin du rallye pour la KOVE 450 (1). « Elle équivaut à une KTM, un peu moins puissante mais toute équipée avec trois réservoirs, échappement titane, fourche carbone… à 15 000€ contre 35 000€ pour l’autrichienne » s’étonne encore Thierry.
Dès la journée de repos à la mi-parcours du Dakar, c’est dans la fraicheur discrète d’un camping car du team chinois que s’était ébauchée la suite de l’aventure : Le projet d’une ‘’cellule course’’ en Europe. « Et qui donc pourrait bien s’occuper de finaliser ce projet ? » demandait le boss Zang Xue.

Affaire conclue

« Ce qui m’intéressait c’est qu’il y avait tout à faire pour développer ça en France avec un pilote français. A mon retour j’ai monté et proposé un budget et voilà… » Sans chinoiseries aucune, Carbix et l’Empereur du Sichuan sont tombés d’accord. C’est via la société TRC Racing de Robin Charbonnier, fils de Thierry, que l’affaire va rouler.
Une occupation de plus pour le père faussement peinard, bien loin des ateliers KOVE de Chengdu (20 millions d’habitants) et Chongquing, considérée comme la plus grande ville du monde, et non la moins polluée, avec ses 35 millions de chinois…
« Et moi et moi et moi…» pourrait siffloter Carbix qui continuera de respirer le bon air dans son nid d’aigle du Cézallier, cœur de l’activité évènementielle d’ ‘’Harmattan adventure’’ qu’il a développée autour des vieilles pierres du Pouget. C’est là son jardin d’Eden depuis bientôt un quart de siècle. Son Empire du milieu de l’Auvergne.

(1)Puissance maxi 54Cv à 9300 tr/min. Couple de 42Nm à 7000 tr/min. Vitesse de pointe
annoncée à 170 Km/h