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Alice Modolo et Marc Batard Photo Yves Meunier
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Chroniques

Alice Modolo et Marc Batard : des abysses au toit du Monde

Ce n’était pas le beau roman de l’autoroute des vacances version Fugain mais un peu ça quand-même. Il rentrait chez lui, là-haut dans les Combrailles… elle montait de son midi d’adoption. Ils se sont trouvés à la Maison des sports de Clermont.

 Rien à voir avec un cadeau de la providence. Alice était venue en tant que marraine des Trophées Auvergne du Sport Féminin, Marc ayant profité de l’occasion pour évoquer avec elle quelques idées de projets marqués de l’estampille d’une éthique partagée.
Marc Batard, 71 ans, homme des hauts sommets baptisé ‘’le sprinter de l’Everest’’ depuis son exploit de l’ascension express du toit du monde sans oxygène en 1988. Auvergnat d’adoption, inlassable chantre de la sécurité dans un domaine qui compte chaque année son lot de victimes (lire l’article Le défi de la sagesse du 18/04/2023)
Alice Modolo, née à Clermont il y a 39 ans avant de passer son enfance à Issoire où elle fréquenta assidûment le grand bain de la piscine, prélude à une belle aventure dans le grand bleu qui, dans un premier temps, ne fut qu’un loisir sportif en parallèle à sa profession de dentiste.

Marc Batard / Photo DR coll. M. Batard
Marc Batard / Photo DR coll. M. Batard

En harmonie

 C’est par un jour de décembre 2018 dans les neiges de Morzine que les deux ont fait connaissance. L’Union des Journalistes de Sports en France y décernait ses ‘’Micros d’or’’ récompensant les meilleurs reportages de l’année. Diffusé six mois plus tôt dans le JT de TF1, « Marc Batard fils de l’Everest » enlevait la médaille d’or attribuée par un jury au sein duquel figurait Alice Modolo.
« Sans oxygène ! Voilà le dénominateur commun à nos passions respectives qui a mis en connexion les valeurs de respect de la nature que nous partageons » proclament d’une seule voix les deux personnages aux parcours atypiques.
Ses parents dentistes, la voie était naturellement tracée pour Alice qui à 23 ans découvre la plongée en apnée en même temps que les mystères de la carie à la fac de Clermont. Les deux activités sont si bien menées de pair que l’auvergnate commence à damer le pion à ses concurrentes du monde du silence, collectionnant les médailles d’or en championnat et coupe de France.

La sirène des abysses / Photo DR coll A. Modolo
La sirène des abysses / Photo DR coll A. Modolo

Alice au pays des merveilles

 « Je suis une femme de terrain. J’aime la terre, les forêts, les volcans. La mer, je l’ai rencontrée plus tard et j’en ai fait mon élément ! » De fait, il fallait s’en rapprocher pour mieux l’apprivoiser.
En 2013, Alice s’installe donc à Nice où, paradoxalement, elle privilégie d’abord son activité professionnelle en s’orientant vers la pédodontie. Mais si elle lève le pied (ou plutôt la palme) côté apnée, ses capacités artistiques lui vaudront un beau coup de pub en 2015 dans le clip Runnin de Beyoncé où on la voit courir à l’envers sous l’eau en compagnie de l’apnéiste Guillaume Néry. Clip envoûtant et sans trucage vu plusieurs millions de fois dans le monde entier.
Et puis, il y a quatre ans : « Je me suis dit : Alice, ose… va découvrir ce que personne ne peut découvrir pour toi ! » Alors, Alice suit son propre conseil et ferme son cabinet dentaire pour se plonger corps et âme dans le grand bleu. Elle a (déjà) 35 ans et la décision ne manque pas d’interroger son entourage.
« L’apnée est plus qu’un sport, un art de vivre. J’ai parié sur deux choses, le mental et la respiration, pour faire la différence. »
Et la différence, ce sera le Top niveau. Une coupe d’Europe en 2020 puis une succession de performances mondiales avant de décrocher l’argent aux championnats du monde fin août 2023 au Honduras, descendant jusqu’à moins 100 mètres en monopalme à poids constant, discipline de prédilection d’Alice. Première française à atteindre cet objectif. « Cela veut dire que je progresse, je m’installe sur le podium ! »
Elle n’a donc pas l’intention d’en rester là. Il y a encore des rêves à réaliser au pays des merveilles.

Assumer la passion

 Pas étonnant qu’Alice Modolo et Marc Batard se soient trouvés sur la même longueur d’onde, l’un et l’autre partageant la même éthique : respecter la nature. En témoigne le ‘’planète urgence’’ affiché sur la combinaison de l’apnéiste qui se refuse à jouer la femme-sandwich quitte, tout comme l’alpiniste, à se passer du partenariat d’annonceurs jugés peu en phase avec le développement durable.
Et pourtant, faute de subsides venant de la Fédération Française d’Etudes et de Sports Sous-Marins, il faut se débrouiller pour assumer le budget d’une saison internationale qui peut tourner autour de 100 000€. Modèle sous-marin reconnue, Alice Modolo est aussi conférencière (tout comme Marc) sur le thème du dépassement de soi et de la motivation. « Cela me prend pas mal de temps, il faut slalomer entre les entraînements et les compétitions à l’autre bout du monde mais bon…c’est indispensable ! » D’autant qu’elle est entourée de toute une équipe pour gérer les compétitions.
Alice et Marc s’affairent à échafauder des projets en commun, notamment sur la nécessité de développer la sécurité des aventuriers dans ces deux pays des merveilles que sont la haute montagne et l’espace sous-marin.


Oser… toujours

 La rencontre avec l’insatiable himalayiste a donné envie à la sirène des abysses de faire connaissance avec les pentes de l’Everest…sans oxygène bien sûr. « Je ne respire pas sous l’eau, je devrais donc arriver à gérer ma respiration en altitude ! » et Marc Batard d’afficher sa confiance « Il nous faudra quand-même au moins trois semaines sur place, ‘’pour voir’’, avant de se lancer.»
Avant cela, les deux complices se sont donné rendez-vous en janvier ou février prochain à Chamonix pour un galop d’essai.
Oser assumer ses singularités et croire en ses ambitions. Faire confiance à ses ressentis, mobiliser les ressources mentales et physiques que l’on a en soi et savoir s’affranchir des codes. Telles sont les messages qu’Alice, forte de son expérience, entend délivrer à la jeune génération féminine sous la bannière ‘’OsezPerformer’’.
L’apnée ne figure pas au programme des JO Paris 2024 mais la clermontoise attend avec impatience le passage de la flamme olympique dans sa Côte d’Azur d’adoption. Elle aura la charge d’un relai quasi magique, en apnée, dans la rade de Villefranche-sur-Mer…et sans éteindre la flamme s’il vous plait .Oser…toujours 

À propos de l'auteur

Yves Meunier

Bourbonnais originaire de Gannat où il s’est essayé au rugby sous le maillot de l’ASG pendant une douzaine d’années. Diplômé d’Etudes Supérieures en Sciences Economiques à l’Université de Clermont. Journaliste à France3 Région de 1972 à 2007. Aujourd’hui impliqué avec des amis dans une aventure viticole du côté de Saint-Emilion et toujours en prise avec le sport auvergnat au sein de l’Union des Journalistes de Sports en France.

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