Suzy Borello nait au Brésil avant que la famille ne migre aux Etats-Unis où elle fait son école primaire. De retour en France, elle fait des études de lettres modernes tout en poursuivant son cursus d’anglais. « Initialement, je ne me destinais pas à être traductrice, je voulais faire du théâtre. Finalement, j’y trouve mon compte, il y a un lien entre la traduction littéraire et le théâtre. Il faut adopter la parole d’un autre et s’exprimer comme si l’auteur parlait français. » Après l’agrégation, elle décroche naturellement un poste de prof. « J’ai détesté. J’ai fait mon année de stage au lycée de Chamalières. Pour ma première année, je me suis retrouvée prof d’anglais à Maubeuge, c’était horrible. Je me suis rapidement mise en dispo. Je cherchais ce que je pouvais exercer comme boulot. La traduction m’intéressait. Une copine exerçait ce métier. Elle m’a expliqué qu’il y avait un Master 2 à Paris spécialisé traduction littéraire anglais / français. J’ai bossé l’examen d’entrée tout en continuant à donner des cours pour Michelin notamment. J’ai fait l’année à Paris. Ensuite, j’ai dû patienter avant de décrocher mes premières traductions. C’est un milieu difficile à intégrer, c’est super fermé. Si on ne connait personne, ce qui était mon cas, c’est très compliqué. Ma première traduction était un roman de science-fiction. Ça a duré quelques années comme ça, durant lesquelles je continuais de donner des cours d’anglais tout en faisant quelques traductions, mais l’enseignement me gonflait prodigieusement. »
Sa traductographie
Pour prospecter du travail, Suzy se rend tous les printemps au Salon du Livre porte de Versailles à Paris. « C’était rude. J’allais à la rencontre de tous les éditeurs présents au salon et je leur laissais mon CV. La plupart me disaient qu’il n’y avait pas de travail… C’était encourageant ! J’ai quand même réussi à décrocher une traduction chez Plon. Un coup de bol. J’ai fait quelques traductions pour eux, notamment l’autobiographie d’André Agassi, celle de George W. Bush, une retraduction de Entretien avec un vampire d’Ann Rice, Le discours d’un roi de Mark Logue et Peter Conradi qui a été adapté au cinéma et quelques autres. » En début de carrière, Suzy peine à décrocher des contrats. Elle n’a pas encore la “carte”. S’ensuivent de longs mois avec peu d’engagements. « Jusqu’à ma première traduction pour Calmann-Lévy. Ils m’ont fait passer un essai qui s’est avéré concluant. Ils m’ont donc confié la traduction d’un gros roman, Retour à Matterhorn de Karl Marlantes. D’ailleurs, je viens juste de traduire son nouveau roman à paraître au printemps chez Calmann-Lévy, un livre qui a remporté un prix aux Etats-Unis. Ensuite, il y a eu la connexion avec l’éditeur Le Mot et le Reste grâce à Clément Chevrier, un copain clermontois qui bossait chez eux. Mon premier livre pour eux, c’était le Joy Division de Peter Hook. Là, j’étais dans mon univers, la traduction et la musique (Suzy est également chanteuse et guitariste d’un groupe rock, les Wendy Darlings, ndr). Je me suis bien entendue avec l’éditeur. J’ai traduit pas mal de livres pour lui dans la foulée, celui sur New Order de Peter Hook, le Graham Nash, Le Doors de John Densmore ou la bio de Kim Gordon de Sonic Youth, Girl in a Band. J’ai également trouvé un créneau dans la romance avec des éditeurs comme Harper Collins ou Milady. » Suzy exerce son métier de traductrice littéraire à plein temps désormais même si, de temps à autre, en période de vaches maigres, elle complète son activité avec des traductions dites “techniques”, des ouvrages dans les domaines du tourisme et du marketing. Mine de rien, elle a à son actif une quarantaine d’ouvrages traduits en dix ans de métier. On attend le prochain Karl Marlantes chez Calmann-Lévy avec impatience, « un pavé de mille pages, ça a été un an de travail rien qu’en traduction. »
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