En 1980, Giscard est encore à la barre mais ses belles années élyséennes sont derrière lui. L’affaire des diamants de Bokassa a fait son chemin au sein de l’opinion publique et il s’est aussi trouvé, en la personne de Jacques Chirac, son ancien premier ministre, un ennemi intime…
Pour Patrick Depailler, également, la roue tourne. L’accident de deltaplane dont il a été victime quelques mois auparavant, au sommet du puy de Dôme, a laissé des traces. Le champion clermontois a perdu sa place chez Ligier, au profit de Didier Pironi, une étoile montante, et il tente de rebondir au sein de l’équipe Alfa Romeo. Un constructeur glorieux, certes, mais dont la Formule 1 reste à dégrossir. Qu’importe, elle est perfectible. Depailler y croit mordicus. Il a tort, les monoplaces italiennes ne gagneront jamais. Pas plus avec lui, qu’avec son coéquipier Bruno Giacomelli, champion d’Europe de F2 en 1978, ou plus tard, ses remplaçants Andrea De Cesaris et Vittorio Brambilla.
Au forceps
Patrick Depailler n’est pas un surdoué comme Jacky Ickx. Il n’est pas un fils de famille comme le regretté Peter Revson. Il n’a ni le pilotage spectaculaire d’un Ronnie Peterson, ni la vitesse innée et la folie d’un Gilles Villeneuve. Pas même le charisme d’un Niki Lauda, le côté rockstar d’un James Hunt, la séduction naturelle d’un François Cevert ou l’élégance décontractée d’un Clay Regazzoni.
De lui, le journaliste Eric Bhat écrit pour le blog « Classic Courses » : « Il vivait tout à fond. Très résolu. Un peu tourmenté, tout de même. Il fumait sans cesse. Il ne prenait jamais un départ sans avoir planqué quelques cigarettes sur lui, pour ne pas être démuni au cas où il abandonnerait loin des stands. »
Le Clermontois a fait sa place petit à petit, au forceps, gravissant les échelons pas à pas. Formule 3, Formule 2, une discipline dont il a remporté le titre de champion d’Europe en 1974 après plusieurs saisons de présence, sans omettre ses participations régulières et sans succès aux 24 heures du Mans et en endurance en général avec Alpine puis Renault. Et c’est à Charade, en 1972, au volant d’une Tyrrell, qu’il a effectué ses premiers tours de roue en Formule 1 aux côtés de Stewart et Cevert. Sans épater la galerie (16e sur la grille, abandon en course) mais avec sérieux… Un an et demi plus tard, l’ « oncle Ken » fera appel à lui pour remplacer François Cevert, accidenté mortellement lors des essais à Watkins Glen, et intégrer ainsi pleinement la prestigieuse écurie britannique aux côtés du Sud-Africain Jody Scheckter.
Triomphe à Monaco
Le Grand-Prix de Monaco 1978 sera son heure de gloire, son Graal. Cinquième après les qualifications, il profite de l’erreur de John Watson pour prendre le commandement et ne plus le lâcher malgré les assauts de Ronnie Peterson. Quelques mois plus tard, il remportera aussi le Grand-Prix d’Espagne 79, à Jarama, cette fois-ci sur une Ligier au début d’une saison où tout semble lui sourire. Juste avant qu’il ne se brise les jambes en deltaplane…
Depailler est acharné. C’est un excellent metteur au point. Avec l’Alfa Romeo 179, il a du pain sur la planche. Alors, il se retrousse les manches dans l’espoir de regoûter aux joies de la victoire. A quelques jours du Grand-Prix d’Allemagne, toute l’équipe est à Hockenheim pour participer à une journée d’essais privés à quelques jours du Grand-Prix d’Allemagne. Le circuit est réputé pour son Stadium où, les jours de course, s’entassent des dizaines de milliers de spectateurs mais aussi pour ses longues lignes droites, au beau milieu de la forêt, avalées par les bolides à tombeau ouvert. C’est là que Jim Clark a laissé sa vie, dans la coque pulvérisée de sa Lotus, en avril 68, lors d’une épreuve modeste de Formule 2. Tout au bout du circuit, dans l’Ostkurve, l’Alfa quitte soudainement la piste et s’encastre violemment dans les rails, sans doute suite à la rupture d’une jupe mobile, destinée à procurer l’effet de sol. Depailler meurt sur le coup, à l’âge de 35 ans. L’histoire ne dit pas si, ce jour là, il avait emporté quelques cigarettes à bord de son Alfa…
(Merci à l’association Agissons pour Charade pour les photos réalisées par Paul Lutz.)
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