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Des pas à emboiter...
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Mystères et fidélités

Battant largement le record de la Vierge devant Sainte-Bernadette, il est apparu 419 fois à la foule, bien vivant même si parfois un peu meurtri, d’août 1999 à mai 2018. Mais là, c’est fini ! Telle la statue du Commandeur trônant devant le théâtre de Prague où fut donnée la première du Don Giovanni de Mozart, il sera désormais de bronze sur le parvis du lieu de ses exploits.

Symbolisant une autorité suprême quelque peu surnaturelle, le Commandeur de Prague n’a pas de visage alors que celui du stade Michelin en aura bien un. Illusion parfaite sauf qu’il ne faudra surtout pas dire « tiens, c’est Roro ! ».De même qu’à Jaude tout le monde croit voir Vercingétorix chevaucher crinière et moustache au vent… alors qu’en réalité notre gaulois favori était imberbe aux cheveux courts. 

‘’O statua gentililissima…’’    

Quand le voile sera levé…

Non, la statue imaginée et offerte par Isidore Fartaria, entrepreneur, partenaire historique et vice-président de l’ASM Clermont, n’aura ni l’avantage ni le mauvais goût de déifier la légende d’un rugby jaune et bleu qui entend cultiver l’humilité comme d’autres cultivent l’authentique.

L’initiative personnelle ayant d’abord surpris puis quelque peu bousculé la sérénité du conseil d’administration de l’ASM, le généreux donateur a dû batailler ferme et faire preuve de conviction auprès de ses pairs pour obtenir que la statue soit installée en bonne place, sur le parvis, face à l’entrée principale du stade.

En attendant qu’elle soit dévoilée un samedi de match vers la fin septembre, un cliché indiscret nous permet déjà d’en imaginer les formes cachées sous le drap qui, jusque là, préservera son intimité.

Le bronze du faux-vrai Roro (310 kilos) porte à bout de bras une réplique exacte du Bouclier de Brennus, ancré sur un socle façonné à Volvic. Sur cette énorme pierre de lave, à l’arrière de la statue, les empreintes de crampons de quelques figures historiques de l’ASM invitent au voyage. Des pas que chacun pourra emboiter jusqu’à venir se blottir pour un selfie, enlacé à l’inoxydable Roro. « Mais non, je te dis que c’est pas lui…m’enfin ! »

Histoire de noyer le poisson, cette œuvre de plus de 7 tonnes et haute de 3,70 mètres sera baptisée Fidélité. ‘’O statua gentilissima’’ ! 

Mystère et boule de gomme

D’ici-là, le 24 août sera donné le coup d’envoi du Top14 alors que les interrogations qui ont accompagné les déconvenues clermontoises de la saison passée ne seront pas encore levées. Une question parmi d’autres posée par un supporter lambda peut tout de même trouver réponse : « Premier budget de la compétition avec 31,55M€ et un ‘’salary cap’’ de 11,3M€, où passent donc les 20M€ de différence ? »

Et bien voilà : Hors ‘’salary cap’’ (total des salaires nets perçus par les joueurs), il faut prendre en compte les charges sociales (environ 4M€), ajouter à cela les masses salariales du staff sportif (20 personnes) et du personnel administratif (21 personnes), l’amortissement et l’entretien des installations sportives (4M€) qui appartiennent au club, la logistique se rapportant aux compétitions (déplacements, hôtellerie…) et diverses charges de fonctionnement.

Le compte est bon sachant que le partenariat couvre la totalité des masses salariales du secteur sportif, soit la moitié du budget. La billetterie (20%), la LNR (17%), l’évènementiel et divers autres produits assurant un équilibre des comptes auquel le club se montre très attaché.

« Il n’empêche qu’avec un budget de 10M€ de moins, le Castres Olympique est champion en titre ! » rétorque le supporter lambda…mais sûrement pas bêta. 

Quand il est urgent de ne rien changer

C’est vrai que la remarque donne à réfléchir dans ce monde du rugby pro où il est plaisant de constater que l’argent ne suffit pas à faire le bonheur. Mais la consécration du CO, dont nous avons personnellement partagé le bonheur, ouvre à nouveau le dossier de la formule du championnat. Est-il sérieux qu’un club, quel qu’il soit, se qualifiant ric-rac à la sixième place de la phase régulière puisse se retrouver champion en trois coups de cuillère à pot ?

Quant à l’argument avancé de la ‘’tradition et de la magie’’ des phases finales, quel parfum exhalent-elles aujourd’hui sinon celui du fric ?

A cet égard, le président De Cromières ne change pas son discours :

« La formule du championnat est complètement obsolète. Il faut un TOP12 au terme duquel je trouverais tout à fait normal que le premier soit sacré champion. Pourquoi pas alors une coupe de France à côté du championnat ? Mais je ne me fais pas d’illusions, cette idée est loin de rallier les suffrages ».

Ne serait-ce pourtant là le meilleur moyen d’effacer ces doublons avec le calendrier international qui sont la plaie de notre rugby hexagonal, générateurs d’inflation de renforts étrangers et des budgets ?

Ne rêvons pas, seules les préoccupations financières guident les pas d’une grande majorité des dirigeants du rugby pro toujours fidèles à la politique de l’emplâtre sur la jambe de bois.

 

À propos de l'auteur

Yves Meunier

Bourbonnais originaire de Gannat où il s’est essayé au rugby sous le maillot de l’ASG pendant une douzaine d’années. Diplômé d’Etudes Supérieures en Sciences Economiques à l’Université de Clermont. Journaliste à France3 Région de 1972 à 2007. Aujourd’hui impliqué avec des amis dans une aventure viticole du côté de Saint-Emilion et toujours en prise avec le sport auvergnat au sein de l’Union des Journalistes de Sports en France.

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