Quoi de plus innocent qu’une émission culinaire, me direz-vous. Pas de violence, sauf combat Mäité contre anguille récalcitrante, pas de sang, sauf dérapage incontrôlé de couteau, pas de sirène de pompiers, sauf oubli sur le feu, pas de sexe, sauf… en tout cas de ce côté-là on est un peu en panne d’imagination.
La cuisine du terroir
Aussi, quand vous avez surpris votre Justine devant Top Chef, vous avez fermé les yeux, magnanime que vous êtes ! Elle est tellement mignonne à noter scrupuleusement les recettes sur son cahier rose, limite un peu addict. Hier, elle rentre du collège surexcitée. Trois tartines de Nutella plus tard – mais oui elle sait que ça donne de l’acné, ça va ! – elle vous sort le « papier à signer » en question. La commission culturelle de la Ville organise le Top Chef des Collèges, rien de moins que ça ! Pour pouvoir participer, il faut l’accord des parents, et la mise à disposition pour le tournage de la cuisine familiale une demi-journée. Les vidéos seront diffusées sur le net ainsi que sur la télé régionale, sur le même principe que l’émission mère. Votre petite chérie trépigne. Ce casting elle en rêve, elle se voit déjà en haut de l’affiche, et revendique haut et fort son quart d’heure Wharolien.
La cuisine bête noire
A vrai dire, vous trouvez l’idée plutôt sympathique, et l’envie de voir votre Justine aux fourneaux, plutôt qu’un œil sur la télé et l’autre sur Facebook, vous titille singulièrement. Tout cela vous semble vraiment bien innocent. Vous signez donc sans états d’âme, et sans… avoir lu le règlement !!! C’est dommage, car vous auriez vu que les parents s’engagent à enseigner leur savoir-faire culinaire à leur Top Chef ado, et là, ça va pas être facile ! Vous auriez lu également la liste des recettes imposées, dont le fameux Farcement qui vous demandera, de l’épluchage au démoulage, une bonne journée en cuisine. Vous vous seriez demandée ce qu’était et à fortiori où l’on pouvait bien trouver du Petit Galanga, indispensable à la réalisation du fameux Poulet Impérial. Vous auriez chaussé vos lunettes – tss tss pas avec moi ! – pour lire les petits caractères qui disaient que le signataire renonçait à tous ses droits à l’image, sur quelque media ou quelque support publicitaire que ce soit. Une fois encore – qu’on vous le pardonne – vous maudissez votre ado! C’est donc avec un sourire un peu mortifié mais néanmoins très hypocrite que vous lui reprenez le papier en disant : Tu comprends bien qu’il faut quand même que je montre ça à ton père… Que la mère qui n’a jamais eu ce genre de lâcheté soit canonisée sur le champ !
Retrouvez la chronique « Ado-minable shopping » de Caroline Abramivitch.
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