En écho à cette ville et à ces premiers pas en Iran. Les avenues sont ouvertes, calmes (en journée) et s’agrémentent de parterres et parcs parfaitement entretenus malgré la sécheresse. Elles s’égayent au grand air ou à l’ombre feutrée du bazar d’une population au moindre contact, affable, aimable, précautionneuse, curieuse, discrète.
Un vent de liberté
Le voile prend ici des libertés. Aux motifs colorés, il s’appuie souvent sur le seul chignon pour mieux découvrir la tête, il s’accorde aux tuniques ouvertes et flottantes apportant au final dans les attitudes et les mouvements une élégance raffinée et légère. La mode plus que le dogme, en une forme de résistance. Les échanges sont systématiques, mixtes, spontanés, respectueux et prévenants. Des terrasses fleurissent aux présences chaleureuses, sans distinctions apparentes entre femmes et hommes ; si ce n’est le code vestimentaire évidemment. La langue elle-même, douce, peu sonore, presque murmurée ajoute à cette calme impression.
Il règne aux premières heures du voyage une atmosphère feutrée et doucereuse jusqu’aux mosquées et monuments toujours ouverts.
Tout particulièrement, la mosquée Vakil (du Régent) impose sobrement son plan carré, bruissant doucement de son bassin central et exhibant délicatement ses ornements de faïences aux motifs floraux et aux tons pastels. Surtout, une émotion brute s’installe dans les colonnades alors silencieuses de la salle de prière. Les fûts torsadés laissent une lumière ténue allonger ses rais, éviter la pénombre mais préserver, dans l’ombre des voûtes, l’esprit du lieu et jusqu’à se rendre complice du baiser furtif d’un jeune couple en visite.
Une poésie vivante
La culture persane est empreinte de poésie, au propre et au figuré. Le tombeau de Hafez en est exemplaire. Imaginons que les français se rassemblent en un flot continu sur les tombes de Victor Hugo, de Baudelaire ou de Rimbaud, en famille, et pour y déclamer au hasard et à mots couverts une poésie ?
C’est pourtant la réalité ici et je sacrifierai ainsi volontiers au rituel du fal-e hafez, citant au hasard du recueil ainsi ouvert devant le marbre froid un poème de celui qui inspira Goethe et tant d’autres : « Mon amour, comme le vent, Quand tu passes sur ma tombe, Dans ma fosse, de désir, Je déchire mon linceul ».
Curieux comme ces premiers jours dans l’ailleurs s’accompagnent parfois d’une poétique brute, presque candide. Comme le regard qui, passant de l’ombre à la lumière, doit ainsi s’adapter avant que les détails ne se distinguent, avant que la profondeur du champ ne s’installe, avant que le réel ne puisse poindre. Chiraz sera une porte d’entrée comme un sas avant que ne se confirment et le charme irrépressible de ce pays et ses réalités (beaucoup) plus contestables.
Suite à la prochaine chronique…
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