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Des boules en cours de fabrication- photo Obut.
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Coups de boules à Paris

Avec ses 300 000 licenciés et ses quelques millions de pratiquants hexagonaux, la pétanque est en passe de réaliser son rêve : devenir ‘’olympique’’ à l’horizon 2024. Cela suffirait à mettre un terme au débat franco-français (un de plus !) consistant à savoir s’il s’agit bien d’un sport et devrait surtout nous ouvrir de belles perspectives de médailles.

Si le Comité d’organisation des J.O de Paris décide, comme c’est probable, de proposer la pétanque, c’est le CIO qui devra, fin 2020, officialiser l’invitation aux Jeux. En attendant, pointeurs, tireurs et fabricants de boules ne restent pas les ‘’pieds tanqués’’(1) dans le même sabot.

D’un volcan à l’autre   

Les vainqueurs de Ténérife.

Fin novembre dernier, 22° sous le soleil des Canaries.

La finale du concours international de pétanque de Ténérife vient de s’achever sur la victoire d’une triplette française face à l’équipe luxembourgeoise. L’événement ne fera pas la une de l’Équipe mais il revêt une forme de consécration pour Jean-François, le pointeur du trio.

A force de s’appliquer, depuis dix ans, sur les terrains de la place des Bughes ou de la maison des boulistes, notre jeune retraité clermontois licencié au club d’Orcines, est devenu ce qu’il est convenu d’appeler un ‘’amateur éclairé’’. Suffisamment pour qu’il fut convié à quitter des yeux son puy de Dôme afin de venir exercer ses talents au pied du Pico del Teide.

Jean-François et ses deux équipiers classés, eux, dans le Top50 de la pétanque tricolore, avaient pour mission de faire briller leurs boules siglées KTK, histoire de joindre l’utile à l’agréable. L’utile pour un équipementier étant de surfer sur la vague qui doit porter la pétanque jusqu’aux Jeux Olympiques de Paris en 2024.

Forte des 200 millions de pratiquants revendiqués dans 165 pays, la Confédération Mondiale des Sports de Boules (pétanque + lyonnaise + raffa volo italienne) est engagée dans cette quête Olympique depuis 2015 et son président français Claude Azéma dans un lobbying effréné. Quitte à envisager de réduire la durée des épreuves pour les dynamiser en jouant au temps et non aux points, à la grande satisfaction des diffuseurs TV.

Crever l’écran

Fabriquées à Monaco (mais oui, il y a de l’industrie lourde dans la Principauté !) après avoir été enfantées il y a dix ans dans les Vosges, les boules KTK comptent bien profiter de l’aubaine olympique pour faire parler d’elles, pas seulement du côté de Ténérife.

Le ‘’Team Elite KTK’’ compte notamment dans ses rangs le Varois Henri Lacroix, 44 ans, 11 fois champion du monde, le Manceau Dylan Rocher, 27 ans, étoile montante, champion du monde en titre au tir de précision ou Maison Durk, 32 ans, vainqueur des Masters 2018, qui vient de rejoindre Marco Foyot au club puydômois de Loubeyrat. Pas mal pour valoriser les produits de la maison et concurrencer l’institution Obut !

Saint-Bonnet-le-Château n’est pas Monaco mais aux portes de l’Auvergne le village forézien peut s’enorgueillir d’être la capitale de la Pétanque.

En acier carbone ou inox, les produits du leader mondial sont tous fabriqués sur place dans les 12000 m2 d’ateliers qui emploient 85 personnes. L’entreprise née en 1955 a bien grandi depuis. Parmi les chiffres qui circulent : 3 à 5 millions de boules produites annuellement et une part de marché national de 80%.

Mais Obut corrige gentiment, dans une retenue qui prouve bien que l’Auvergne est toute proche: « On ne communique pas sur ces chiffres !… Mais bon, allez, disons 2 millions de boules par an, dont 12% à l’export. Les JO de Paris devraient nous permettre de mieux nous faire connaitre à l’étranger…et aussi dans le grand public ».   

Un coffret à 100.000 €-photo Obut.

L’humilité par les chiffres n’est pas incompatible avec de jolis coups de pub telle la présentation de ce coffret acier, or et diamants conçu avec le joaillier Tournaire : les trois boules et le cochonnet pour 100 000€ ! Vive la Pétanque dans les Emirats !

Jouer avec les stars   

Obut, aussi, a ses stars ‘’de légende’’ : Philippe Quintais, 43 ans, 9 titres mondiaux en triplette, 4 en précision; Christian Fazzino, 62 ans, Montluçonnais, 4 fois champion du monde, sacré joueur du 20ème siècle;Philippe Suchaud, 48 ans, Bourbonnais de Cosne d’Allier, 12 titres mondiaux en triplette (record) ou Marco Foyot, 65 ans, citoyen de Châtel-Guyon, ex-champion du monde et 6 fois vainqueur de la Marseillaise.

Les amateurs se les arrachent, soit pour profiter de leurs conseils au cours de stages comme ceux organisés au Carré Pétanque Obut de Saint-Bonnet (celui de mars prochain affiche complet !), soit pour s’offrir le luxe de ‘’jouer avec les stars’’.

Si Quintais ou Foyot font du « bizness » avec leurs lignes de vêtements, Rocher est salarié à la mairie de Draguignan, Lacroix à celle d’Hyères, Fazzino récent retraité de celle de Montluçon et Suchaud, lui, tranche le lard chez Bigard à Villefranche d’Allier.

Rocher, Suchaud, Lacroix, Quintais, les champions du monde 2018- photo FFPJP.

Nos champions du monde ne sont donc pas des pros à part entière même s’ils récoltent légitimement le fruit de leurs talents au gré des concours qui émaillent le calendrier. En moyenne 1000€ pour un podium…plus quelques bouteilles de pastis si on est à Marseille.

Alors, pour mettre du beurre dans les épinards, rien de tel que les contrats signés en bonne et due forme avec des amateurs prêts à (presque) tout pour être associés boules en main, le temps d’un week-end et moyennant finance, à l’une de leurs idoles. Ca coûte ce que ça coûte… tout le monde est content !

Quant à Jean-François, notre vainqueur de Ténérife, il regrette seulement d’avoir connu la pétanque un peu trop tard dans sa vie. A défaut de médaille Olympique, il poursuivra donc sa quête du plaisir sur les terrains de Clermont, de Saint-Tropez ou d’ailleurs en attendant de supporter l’Equipe de France à Paris en 2024.

 

(1)Du Provençal « Pés tanqués » qui signifie pieds joints, d’où le nom Pétanque.

À propos de l'auteur

Yves Meunier

Bourbonnais originaire de Gannat où il s’est essayé au rugby sous le maillot de l’ASG pendant une douzaine d’années. Diplômé d’Etudes Supérieures en Sciences Economiques à l’Université de Clermont. Journaliste à France3 Région de 1972 à 2007. Aujourd’hui impliqué avec des amis dans une aventure viticole du côté de Saint-Emilion et toujours en prise avec le sport auvergnat au sein de l’Union des Journalistes de Sports en France.

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