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"Jour de fête" de Jacques Tati- photo lacinematheque.fr
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Les jours de fête de Papy Jean-Claude

Tel le muguet, c’est au joli mois de mai que refleurissent ces fêtes de village qui font éclore les petits bonheurs et les grands plaisirs de la convivialité. Presque partout la ‘’petite reine’’ est de la partie car il n’est point de vrai fête sans une course de vélos. Tradition patrimoniale à jamais sacralisée dans le légendaire ‘’Jour de fête’’ du grand Jacques Tati (1). Mais ça, c’était avant.

Avant qu’un foutu virus vienne tout mettre en l’air, que les forains remballent les manèges et que les vélos du peloton amateur soient mis au clou. Les coureurs des clubs de National, assimilés aux sportifs de haut niveau, furent les seuls autorisés à se tirer quelques bourres sur les routes de province jusqu’au retour en grâce progressif, au fil de cet été, des 110 000 licenciés amateurs français.

Au plus près des coureurs 

Un bureau qui parle- photo Yves Meunier.

De son bureau adossé au golf de Riom, Jean-Claude Cluis observe cette anomalie avec la philosophie d’un vieux routier qui aura été le manager d’une cinquantaine de coureurs pros (dont Greg Lemond) pendant la belle époque de la bécane populaire. A 77 ans, il n’est toujours pas retraité du vélo…ni des affaires qui vont de pair.

« Je ne me plains pas, ça va… ! »

Coureur avant de devenir organisateur du Circuit de l’Indre et du critérium pro de Châteauroux, sa ville d’origine, c’est une mutation professionnelle aux ‘’tabacs et allumettes’’ qui l’avait conduit jusqu’à la Seita de Riom.

En ces temps, la télévision ne possédait pas encore les moyens techniques pour proposer à ses clients de suivre les grandes courses de A à Z sans bouger du canapé.

Dans l’ambiance des chipolatas, des glacières et de la caravane publicitaire, les supporters ne rechignaient donc pas à passer des journées entières sur les bords de route (ils aiment toujours à le faire) pour se déchainer au passage éclair de légendes dont ils pouvaient tout juste apercevoir le maillot.

Ce besoin d’approcher davantage les Merckx, Gimondi, Anquetil, Poulidor et consorts allait générer la multiplication de ces rendez-vous conviviaux dénommés critériums. 

Au contact des fans- photo lecycle.fr

Bisness et bonne franquette

Via une structure commerciale vouée à l’organisation de ces courses-exhibitions, Jean-Claude Cluis allait profiter de son relationnel pour contrôler bientôt 80% du marché hexagonal des critériums. Les deux-tiers des coureurs pros lui confiaient alors leur management sur ces épreuves.

La recette était relativement simple : les spectateurs payaient leur entrée sur le circuit, les coureurs se voyaient remettre des enveloppes plus ou moins garnies selon la notoriété, de 500 à plus de 15 000 francs (1). Tout le monde pouvait gentiment se côtoyer avec photos et autographes garantis. Au fil de ces tracés urbains en forme de grand manège, les as du Tour passaient des dizaines de fois devant les baraques à frites et les buvettes…What else ?

« Entre la piste et les circuits, on a pu compter jusqu’à 80 critériums, c’était vraiment des sommets de convivialité ! »

Mais les bonnes choses ayant une fin, les exigences financières des coureurs conjuguées à la traque aux enveloppes menée par l’URSSAF commençaient à plomber les comptes.

« J’ai pensé qu’il fallait rendre l’accès gratuit aux spectateurs afin de les attirer en plus grand nombre, en nocturne, et changer l’économie des Critériums avec l’apport de partenaires publics et privés ».

C’est ainsi qu’au fil du temps le calendrier s’est resserré comme une peau de chagrin autour de quelques grands rendez-vous pour lesquels les contrats des têtes d’affiche tournent autour de 15 000€…voire plus.

Sur les quatorze critériums pros inscrits au calendrier en 2020, douze ont été balayés par le tsunami du Covid dont Marcolès dans le Cantal et, pas loin de chez nous en Creuse, Dun le-Palestel.

Dun, la référence   

Gallopin à Dun en 2019- photo francebleu.fr

Cantonné discrètement aux amateurs depuis sa création en 1966, le Critérium creusois avait pris un nouvel essor au tournant des années 90 sous l’impulsion de Jean-Claude CLUIS alors manager de la formation pro ‘’Agrigel-Département de la Creuse’’.

En quelques années, Dun-le-Palestel, village de 1100 âmes, allait devenir l’une de ces belles vitrines ouvertes sur les stars du Tour, envahie régulièrement par 10 à 12 000 spectateurs.

« C’est le dernier critérium dont je m’occupe encore. L’organisation financière et le casting des coureurs sont mes domaines. Alimenté par les subventions et la pub, le budget est actuellement de 90 000€ ».

C’est en voisin qu’en 2018 Julian Alaphilippe vêtu de son maillot à pois du Tour avait enlevé la 53ème édition, Tony Gallopin lui succédant au palmarès en 2019.

Après que les insurmontables contraintes sanitaires aient occulté le critérium dunois en 2020, le rendez-vous d’après Tour du 7 août prochain devrait pouvoir être tenu.

Le Riomois y travaille tout comme il a sous le coude pour la 22ème fois l’organisation des prochains championnats de France de la Gendarmerie (250 participants dans toutes les catégories) programmés fin septembre à Saint-Geniez d’Olt au pied de l’Aubrac.

« C’est mon plus gros travail….pas trop affecté par la crise sanitaire parce que je peux compter sur la fidélité des partenaires ».

Fidélités 

L’ami Thévenet- photo JC.Cluis.

Jean-Claude peut aussi compter sur l’indéfectible fidélité de son ami Nanard…entendez Bernard Thévenet, parrain et directeur de la course des gendarmes. C’est d’ailleurs au riomois que le double vainqueur du Tour avait confié en 2018 l’organisation des festivités de ses 70 ans.

Outre le souvenir de bons moments passés en compagnie des Merckx, Delgado, Gimondi ou Moser, la fidélité perdure avec les Zoetemelk, Lemond, Abdoujaparov…et autres anciennes gloires qui ne boudent pas leur plaisir de venir jouer les VIP à Dun-le-Palestel. Sans oublier Bernard Hinault qui fut de la fête en 2019 à Riom pour les 75 ans de l’ami Cluis.

Papy Jean-Claude continue à cultiver la convivialité qui sied si bien au vélo, tout en gérant ses affaires.

Depuis bientôt trente ans sa société ACO’DIS, qui emploie 5 personnes, milite pour la communication à travers l’objet publicitaire. Casquettes, T shirts, blousons, sacs de sport, tenues cyclistes et gadgets en tous genres alimentent un bisness sans lequel les plaisirs de la ‘’petite reine’’ ne seraient peut-être pas ce qu’ils sont.

Le départ auvergnat du Dauphiné du côté d’Issoire, Brioude, Saugues et Langeac aura relancé le vélo sur un bon braquet en attendant que l’hexagone retrouve ses 10 000 évènements cyclistes annuels d’avant-covid….et ses joyeux ‘’Jours de fête’’.

Avec le grand Merckx- photo Y.M.

 

(1) Film culte de 1949

(2)Equivalent 75 à 2300€

 

À propos de l'auteur

Yves Meunier

Bourbonnais originaire de Gannat où il s’est essayé au rugby sous le maillot de l’ASG pendant une douzaine d’années. Diplômé d’Etudes Supérieures en Sciences Economiques à l’Université de Clermont. Journaliste à France3 Région de 1972 à 2007. Aujourd’hui impliqué avec des amis dans une aventure viticole du côté de Saint-Emilion et toujours en prise avec le sport auvergnat au sein de l’Union des Journalistes de Sports en France.

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