A l’origine, il y a le roman de Jean Cocteau publié par les éditions Grasset en 1929, considéré comme un des éléments-clés de la production protéiforme de ce « génial touche-à-tout ». Les Enfants terribles est écrit alors que Cocteau se remet difficilement de la mort brutale de son ami Raymond Radiguet, emporté à 20 ans à peine, par la fièvre typhoïde après s’être baigné dans la Seine. Il tente de retrouver le bien-être avec l’opium qui le conduira fatalement vers des séjours en clinique pour y être désintoxiqué. C’est lors d’une cure, que prennent forme les personnages centraux du roman, Paul et Elisabeth, frère et sœur, contraints de rester dans une chambre qui devient un monde où règne le désordre. Ces deux personnages transgressifs permettent à Cocteau de s’en prendre aux normes des petits bourgeois des années 1920. Dans cette chambre, on évoque les drogues, l’inceste, l’homosexualité, l’oisiveté et bien d’autres choses que la morale de l’époque réprouve.
De Cocteau à Phia Ménard
Les enfants terribles a été d’abord été adapté pour la radio en 1947, puis pour le cinéma, par Cocteau lui-même. Le film éponyme sorti en 1950 sera réalisé par Jean-Pierre Melleville. En 1984 une version théâtrale est imaginée par le metteur en scène Jean-Christophe Barbaud, le format du roman collant parfaitement à l’idée du huis-clos sur scène. Un an plus tard, c’est une version chorégraphiée qui est proposée par Fabrizio Monteverde sur une musique de Pierluigi Castellano puis Les enfants terribles devient un opéra en 1996, sous l’impulsion de Philip Glass. Le compositeur américain de musique contemporaine et répétitive en propose une version de chambre dansée pour quatre voix et trois pianos. Il a écrit lui-même le livret en s’inspirant du roman et du film.
Phia Ménard, dont l’adaptation est proposée cette semaine à la Comédie de Clermont, s’est attelée aux sens cachés dans la pièce : l’ambiguïté du jeu qui lie une fratrie dans l’enfance, le caractère inavouable de l’amour homosexuel, les passions et les spleens qui prennent la forme de fantômes. Dressant un « parallèle entre les corps adolescents et vieillissants, isolés les uns des autres dans leurs secrets et leurs métamorphoses ». Les enfants terrible sont devenus des vieux terribles, une manière de montrer qu’à tous les âges l’humain peut avoir des pulsions de vie et de mort. Phia Ménard emballe son propos dans une mise en scène étonnante, avec une scène tournante à l’image du temps qui passe, un temps que l’on peut aussi inverser. Ainsi, fait-elle apparaître un narrateur, qui n’est autre que Jean Cocteau, qui vient enrichir, le livret de l’opéra de Philip Glass avec des passages du roman, La musique, la littérature et le théâtre convergent dans un esprit lui aussi « touche-à-tout ».
Les enfants terribles, mise en scène et scénographie : Phia Ménard, direction musicale : Emmanuel Olivier.
Dernière représentation, vendredi 20 janvier à 20h30 à La Comédie de Clermont, boulevard Mitterrand.
Commenter